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Le Monde, France
21 juillet 2004

Le premier ministre turc présente à Paris le nouveau visage de son
pays
LE MONDE

M. Chirac confirme le soutien de la France à la candidature de la
Turquie à l’Union européenne.
Venu à Paris pour plaider en faveur de l’intégration de son pays à
l’Union européenne, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan
savait qu’il n’aurait pas à prêcher un convaincu en la personne de
Jacques Chirac. Le président français, qui l’a reçu à déjeuner mardi
20 juillet à l’Elysée, lui a confirmé son soutien. L’intégration de
la Turquie à l’Union est “souhaitable dès qu’elle sera possible”, a
dit M. Chirac.

C’est surtout à l’opinion française que voulait s’adresser le premier
ministre turc. M. Erdogan avait à son programme des rencontres avec
les dirigeants de l’UMP, de l’UDF et du PS, ainsi qu’avec le
président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, pour tenter de
désarmer les objections exprimées ces derniers mois par les partis
français, qui mettent en porte-à-faux la position officielle arrêtée
par le président.

Avant les élections européennes de juin, l’UMP a pris position contre
l’entrée de la Turquie dans l’Union, Alain Juppé ayant fait droit aux
craintes qui s’exprimaient dans le mouvement contre les thèses qu’il
avait autrefois défendues. L’UDF exprime une hostilité plus
constante, ce que François Bayrou a réaffirmé mardi, tout comme
Philippe de Villiers. “Si l’on considère que l’Europe doit s’étendre
perpétuellement et englober des pays qui appartiennent à d’autres
continents et à d’autres cultures, alors on aura au bout du compte
une Europe faible”, a déclaré M. Bayrou, mardi, à RTL. La communauté
arménienne se fait également entendre. Le premier secrétaire du Parti
socialiste, François Hollande devait relayer auprès de M. Erdogan sa
revendication d’une reconnaissance par Ankara du génocide de 1915.

M. Erdogan s’était donc donné pour mission de faire mieux connaître
le nouveau visage de la Turquie, ouvert, pacifique, rassurant. Il s’y
est employé dans ses rencontres ainsi que dans la longue conférence
de presse qu’il a donnée mardi.

Le premier ministre turc tenait à dissiper un malentendu : il n’est
pas question que la Turquie intègre l’Union dès demain. La décision
que prendront les 25 pays de l’Union, le 17 décembre, porte sur
l’ouverture de négociations d’adhésion, si la Turquie remplit les
critères exigés (les “critères de Copenhague”) ; la Commission de
Bruxelles doit donner son avis sur ce dernier point en octobre. Les
négociations peuvent ensuite être longues, a convenu M. Erdogan, en
parlant de “cinq ou dix ans”.

Ne pas engager les négociations dès lors qu’Ankara répondrait aux
critères fixés serait de la part de l’Union trahir ses
engagements,”manquer son examen de sincérité”, a souligné M. Erdogan.
Il n’est plus temps, dit-il, de contester la vocation européenne de
la Turquie dès lors que le statut de pays candidat lui a été
officiellement reconnu par l’Union depuis plusieurs années.

Le premier ministre turc a insisté sur le fait que les réformes ne
seraient pas remises en cause en cas de rejet par l’Union.”Les
critères de Copenhague deviendraient les critères d’Ankara”, a-t-il
dit, car c’est la voie qu’a choisie la Turquie pour elle-même. Quant
à la reconnaissance du génocide arménien, tout en faisant remarquer
qu’elle ne figure pas parmi les critères imposés, il a laissé
entendre qu’elle fait partie d’un ensemble de questions avec
l’Arménie (“qui ne reconnaît pas les frontières actuelles”) dont il a
souhaité le règlement. Il a appelé confier la question du génocide
aux historiens, à ne pas la laisser hypothéquer l’avenir.

M. Erdogan s’est fait le défenseur d’une Europe “lieu de rencontre
entre les cultures et les civilisations” ; il espère qu’elle se verra
comme telle et qu’en intégrant un grand pays musulman elle ne
manquera pas l’occasion d’agir “comme exemple à l’échelle mondiale”.

Autre aspect de la visite de M. Erdogan qui ne peut pas nuire à sa
cause : les rencontres qu’il a eues avec les milieux d’affaires
français, premiers investisseurs étrangers en Turquie, et l’annonce,
mercredi matin, de l’achat de 36 Airbus par Turkish Airlines.

Claire Tréan