La visite de M. Erdogan scelle le rapprochement franco-turc

Le Monde, France
21 juillet 2004

La visite de M. Erdogan scelle le rapprochement franco-turc
LEMONDE.FR

Le premier ministre turc a tenté de rassurer l’opinion française en
insistant sur le fait que la prochaine étape, le Conseil européen du
17 décembre, ne devait se prononcer que sur “le début d’un processus
de négociation” et non sur l’adhésion.
Les deux parties sont satisfaites. Le premier ministre turc, Recep
Tayyip Erdogan, a obtenu à Paris la confirmation du soutien du
gouvernement français à la candidature de la Turquie à l’Union
Européenne lors d’une visite qui s’est conclue mercredi 21 juillet
par la signature d’un contrat d’achat de 36 Airbus.

M. Erdogan s’est vu dérouler le tapis rouge par les plus hautes
autorités de l’Etat français pendant son séjour alors que la question
de l’adhésion de la Turquie à l’UE est loin de faire l’unanimité dans
les partis politiques et l’opinion publique française.

“L’APPROCHE CONSTRUCTIVE” DE LA FRANCE

Le dirigeant turc a été reçu par le président Jacques Chirac qui “a
rappelé que l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne était
souhaitable dès qu’elle serait possible”, par le premier ministre
Jean-Pierre Raffarin et par les présidents de l’Assemblée Nationale,
Jean-Louis Debré et du Sénat, Christian Poncelet.

Jacques Chirac a estimé que “la Turquie avait fait des progrès
considérables et qu’elle doit poursuivre et intensifier la mise en
oeuvre des réformes démocratiques et économiques”. M. Erdogan a
remercié le chef de l’Etat pour “l’approche constructive” et
“l’attitude tout à fait positive de la France”. Les pays européens
doivent se prononcer lors d’un sommet le 17 décembre à Bruxelles sur
l’ouverture des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE.

Le premier ministre turc s’est également adressé à l’opinion
française en rencontrant les dirigeants des principaux partis, le PS,
l’UDF et l’UMP, qui s’est prononcé contre l’adhésion de la Turquie
malgré la position de M. Chirac.

Il a aussi appelé les milieux d’affaires qu’il a rencontrés au Medef
à épauler la candidature turque et à profiter des opportunités
d’investissement dans son pays de 70 millions d’habitants.

ANKARA ACHÈTE 36 AIRBUS

Les négociations d’achat de 36 Airbus pour la compagnie nationale
turque Turkish Airlines ont été finalisées lors de ce voyage et la
lettre d’intention d’achat a été officiellement signée mercredi dans
la soirée à l’Elysée.

M. Erdogan, accompagné de sa délégation, et Jacques Chirac ont
assisté à la signature de l’accord par les présidents d’Airbus
Industrie Noël Forgeard et de Turkish Airlines, Candan Karlitekin. Le
vice-ministre de l’économie allemand, Ditmar Staffel, était également
présent. Ce contrat de plus de 3 milliards de dollars porte sur
l’achat de cinq A330-200, douze A321 et dix-neuf A320.

M. Erdogan a tenté de rassurer l’opinion en insistant sur le fait que
la prochaine étape, le Conseil européen du 17 décembre, ne devait se
prononcer que sur “le début d’un processus de négociation” et non
l’adhésion. Il a affirmé que son pays avait “réalisé, en gros,
l’essentiel des critères” fixés par l’Union Européenne et que la
période de négociation “nous permettra de combler toutes nos
lacunes”.

LA QUESTION ARMÉNIENNE

Le dirigeant islamiste modéré a par ailleurs insisté sur la vocation
européenne de la Turquie, définissant l’Europe comme “lieu de
rencontre, de conciliation entre les différentes cultures et
civilisations”. Les partis politiques ne semblent pas avoir été
totalement convaincus, notamment sur la question arménienne, sujet
épineux en France du fait de la présence de la deuxième plus
importante communauté arménienne du monde (450 000 personnes).

Le premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a
indiqué à l’issue de sa rencontre avec M. Erdogan qu’il avait
“insisté” auprès de lui sur la reconnaissance du génocide arménien de
1915. Sur l’interprétation des conditions d’entrée à l’UE, “il y a
encore discussion”, a-t-il dit.

Dans une interview accordée à France 2, mardi, M. Erdogan avait
affirmé que la reconnaissance d’un génocide arménien ne figurait pas
dans les critères d’adhésion et il a renvoyé cette question “aux
historiens”. Au mois de février 2001, le Parlement avait reconnu le
génocide perpétré par l’Empire ottoman en 1915.
From: Baghdasarian