L’Arménien Grégoire de Narek sera proclamé docteur de l’Église

La Croix, France
Mardi 24 Février 2015

L’Arménien Grégoire de Narek sera proclamé docteur de l’Église

Recevant samedi le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation
des causes des saints, le pape François a validé la prochaine
proclamation de saint Grégoire de Narek, mystique arménien du Xe
siècle, comme docteur de l’Église.

par SENEZE Nicolas

Qui est saint Grégoire de Narek?
Né vers 950, orphelin de mère très jeune, Grégoire de Narek est éduqué
par son père évêque avant d’entrer au monastère de Narek (est de la
Turquie) dirigé par son oncle. Prêtre en 977, il enseigne ensuite à
l’école du monastère avant d’être écarté par des moines jaloux qui
l’accusent d’être trop proche des thèses byzantines. Il meurt vers
1003, laissant une abondante oeuvre, notamment un Commentaire du
Cantique des Cantiques et de nombreux poèmes et hymnes et odes. Mais
son chef-d’oeuvre demeure le Livre des Lamentations (achevé vers
1003), monument de la langue arménienne classique et pièce majeure de
la littérature mystique, qu’il décrivait comme une série de «
conversations avec Dieu venues des profondeurs du coeur ».
Qu’est-ce qu’un docteur de l’Église?

L’Église catholique attribue le titre de docteur de l’Église à ceux
dont elle reconnaît une autorité théologique exceptionnelle en raison
de la profondeur de leur foi, de la sûreté de leur doctrine et de la
sainteté de leur vie, conférant ainsi une place particulière à leurs
enseignements. Attribué à 35 reprises, il l’a été pour la première
fois en 1295 par Boniface VIII (saints Augustin, Ambroise, Jérôme et
Grégoire le Grand) et pour la dernière fois en 2012 (saint Jean
d’Avila et sainte Hildegarde de Bingen). Seules quatre femmes ont été
honorées du titre (les premières étant saintes Thérèse d’Avila et
Catherine de Sienne, en 1970) et huit orientaux (le dernier étant
saint Éphrem le Syrien, hymnographe de langue syriaque, en 1920).
Actuellement, la cause de saint Bernardin de Sienne serait en bonne
voie, tandis que les évêques de France poussent celle de saint Jean
Eudes.

Pourquoi proclamer Grégoire de Narek docteur de l’Église?

Reconnu dans l’Église arménienne (où il est fêté le 9 octobre),
Grégoire de Narek l’est aussi chez les catholiques, dans l’Église
arménienne-catholique comme dans l’Église latine il y est célébré le
27 février où son oeuvre, connue depuis le XVIIe siècle, a eu un fort
retentissement. Sa mystique, fondée sur l’aspiration de l’homme à
combler l’abîme qui le sépare de Dieu, exprime aussi la possibilité
pour le croyant de ressentir la proximité immédiate de Dieu, la nature
humaine pouvant aller jusqu’à s’unir à la nature divine. Il dessine
aussi l’idée d’un cheminement personnel avec Dieu fondé sur
l’humilité, tout à fait en phase avec la spiritualité dessinée par
l’Église depuis Vatican II.

L’annonce faite hier par le Saint-Siège intervient aussi au moment du
centenaire du génocide arménien au cours duquel le monastère de Narek
fut d’ailleurs entièrement détruit que le pape marquera lui-même le 12
avril prochain lors d’une messe place Saint-Pierre en mémoire du 1,5
million de victimes. De son côté, le 23 avril, le catholicos arménien
Karekin II canonisera toutes les victimes du génocide, tuées « pour la
foi et pour le pays ».