Le tribunal reconnait le genocide

Le Matin
10 mars 2007 samedi
Édition Semaine

Le tribunal reconnaît le génocide;
PROCÈS. Le Turc Dogu Perinçek a été condamné hier pour discrimination
raciale à 90 jours-amende avec sursis

LAUSANNEPremière mondiale: le Tribunal de Lausanne admet l’existence
du génocide arménien. Condamné, Dogu Perinçek a décidé de faire
recourskGrégoire gregoire. @edipresse.ch

«Le Tribunal tient pour établi que le génocide arménien est un fait
avéré, n’en déplaise à l’accusé. » Hier matin, pour condamner le Turc
négationniste Dogu Perinçek, le juge Pierre-Henri Winzap a pesé ses
mots, conscient de leur importance. Le Tribunal d’arrondissement de
Lausanne restera dans l’Histoire comme la première cour de justice au
monde à avoir reconnu sur le plan pénal le génocide perpétré à
l’encontre des Arméniens dès 1915.

Dogu Perinçek a été condamné à 90 jours-amende (9000francs) avec un
sursis de deux ans, 3000francs d’amende ferme, 1000francs
d’indemnités pour tort moral à l’Association Suisse-Arménie et près
de 16 000francs de frais de procès à régler.

k«Raciste, arrogant et provocateur»

Pour statuer, le juge a entièrement suivi le réquisitoire du
procureur. «L’entêtement de M. Perinçek est incompréhensible», a
asséné Pierre-Henri Winzap, qualifiant l’accusé de «raciste»,
«arrogant» et «provocateur». Un jugement qui n’a pas semblé ébranler
l’agitateur négationniste. Dogu Perinçek récidivait quelques minutes
après le verdict devant le Tribunal de Montbenon. «Je reste convaincu
que le génocide n’a pas eu lieu. Le juge n’était pas neutre. Sa
décision est raciste et impérialiste. Il a montré sa haine contre la
Turquie. »

Présent à Lausanne pour suivre le procès, le consul général de
Turquie Cemil Karaman n’était pas moins sceptique. «Un tribunal
suisse ne devrait pas se prononcer sur une affaire d’une telle
ampleur», notait le diplomate. L’ambassade de Turquie à Berne ne
désirait, elle, faire aucun commentaire hier. Dogu Perinçek a
confirmé qu’il recourrait contre sa condamnation jusqu’à la Cour
européenne des droits de l’homme de Strasbourg si nécessaire.

kEmotion et soulagement

Du côté arménien, Sarkis Shahinian a salué le jugement, «un pas
extrêmement important». A la lecture du verdict, le coprésident de
l’Association Suisse-Arménie a difficilement contenu son émotion. «Je
ressens un gros soulagement. Je pense en premier lieu à mon père,
rescapé du génocide arménien et mort il y a peu. Ainsi qu’à l’ancien
conseiller national genevois Jean-Claude Vaudroz décédé mercredi,
l’initiateur de la reconnaissance du génocide en Suisse »