Accuse De Negationnisme, Dogu Perincek Persiste A Nier Le Genocide D

ACCUSE DE NEGATIONNISME, DOGU PERINCEK PERSISTE A NIER LE GENOCIDE DES ARMENIENS

Le Temps, Suisse
6 mars 2007

VAUD. A la veille de son procès devant le Tribunal de police de
Lausanne, le militant a tenu une conference de presse au Centre
culturel turc de Renens, devant une trentaine de personnes. Mais des
centaines de partisans sont attendus aujourd’hui.

Il aura fallu plusieurs allers-retours aux membres de l’Association
des Turcs de Lausanne pour apporter assez de chaises dans la petite
salle du Centre culturel de Renens. Une trentaine en tout, juste assez
pour accueillir les journalistes, et surtout les sympathisants venus
entendre Dogu Perincek a la veille de son procès pour negationnisme
devant le Tribunal de police de Lausanne. Prive de conference publique
faute d’avoir trouve un proprietaire de salle pret a courir le risque
d’un debordement, le president du Parti des travailleurs s’est rabattu
sur une conference de presse, lundi.

Propagande imperialiste

A côte d’un billard et en face d’un baby-foot colles contre les murs
blancs pour l’occasion, le militant a repete sans etats d’âme les
convictions affirmees en 2005 et qui lui valent de comparaître dès
aujourd’hui devant le juge: "Il n’y a pas eu de genocide des Armeniens
durant la Première Guerre mondiale." Un discours bien rode, prononce
dans une salle sobrement, mais très symboliquement, decoree.

Insistant sur sa confiance dans la justice suisse, et sur l’importance
de la comprehension mutuelle des Turcs et des Helvètes, Dogu Perincek
s’exprimait entre le croissant blanc du drapeau turc et la croix
blanche du suisse, juste sous l’inevitable portrait de Mustafa Kemal
-Ataturk -, le fondateur de la Turquie moderne. Sur quelques tables,
toujours couvertes de leur tapis de cartes vert, des piles de livres
sur Le mensonge du "genocide armenien" (sic), en turc, allemand
ou francais.

Devant une assistance largement acquise a sa cause, Dogu Perincek a
repete, en allemand, ses certitudes: aucun genocide, mais des massacres
de part et d’autre, et une population armenienne malheureusement
"instrumentalisee par l’imperialisme de la Russie, la France et
l’Angleterre", qui auraient ainsi tente de diviser l’Empire ottoman
contre lequel elles etaient en guerre.

Dogu Perincek en est persuade: ces arguments lui eviteront toute
condamnation. Arrive a Renens avec une heure de retard -il preparait
sa defense avec son avocat-, le sexagenaire s’est muni d’une -petite-
partie des monceaux de "preuves" de la conspiration imperialiste,
essentiellement tirees des archives sovietiques.

Delegation londonienne

Il pourra egalement compter sur des dizaines de partisans, arrives
par avion de Turquie lundi après-midi. Recteurs d’universite, anciens
generaux, intellectuels… Sans compter les sympathisants anonymes,
de France, d’Allemagne ou de Belgique, qui auront fait la route
dans la quinzaine de bus attendus. Une delegation londonienne avait
deja pu faire le deplacement lundi: une demi-douzaine de personnes,
accompagnees de l’historien Justin MacCarthy, acquis a la cause de
Dogu Perincek. "We don’t believe there is an armenian genocide, but
we believe there is a turkish genocide", resume l’un de ses supporters.

Pour tous, Dogu Perincek est le defenseur de la Turquie face aux
attaques, occultes, de puissances internationales. Peu importe si
l’ecran plat du Centre culturel diffuse en permanence l’edition turque
de CNN: le genocide des Armeniens est une invention de l’imperialisme
americain, qui cherche a diviser la Turquie pour imposer un nouvel
ordre dans la region. Le president du Parti des travailleurs se
presente comme un patriote, mais refuse le terme de nationaliste:
"Je ne suis pas nationaliste, et je n’ai pas besoin de l’etre: la
Turquie est objectivement une grande nation…"

Et que ferait-il en cas de condamnation? La perspective est accueillie
par Dogu Perincek avec un grand eclat de rire. "C’est très improbable,
j’ai confiance dans la justice de ce pays." Le militant est convaincu
que la position suisse sur le genocide des Armeniens "evolue
positivement". Notamment par les critiques de Christoph Blocher sur
la norme antiraciste, tenues en Turquie.

Encadre: Les sympathisants limites a la Riponne

Les Armeniens ne manifesteront pas.

Par Nicolas Dufour

S’il agite bien des esprits, le procès de Dogu Perincek ne devrait pas
provoquer de debordements a Lausanne. La semaine passee, la crainte a
toutefois pousse les autorites de Renens a refuser de louer la salle
communale aux sympathisants du politicien.

Ceux-ci organisent une manifestation ce matin sur la place de la
Riponne, prevue sans prise de parole. C’est la seule action annoncee.

La Ville articule une fourchette de 700 a 1500 personnes, dont
au moins 200 venues par Genève, et quelques dizaines d’Allemagne,
en car. "Nous prevoyons des mesures classiques, en tenant compte
d’eventuelles tensions", note le municipal a la Securite, Marc
Vuilleumier. Celui-ci a refuse que ce rassemblement ait lieu devant
le Tribunal de police, a Montbenon, "par principe, cela ne se fait
pas durant un procès". Si la police ne precise pas l’ampleur de
son dispositif, le magistrat indique que les policiers empecheront,
si necessaire, que les manifestants ne se deplacent vers Montbenon.

De leur côte, les representants des Armeniens s’abstiennent de toute
demonstration publique, afin "d’eviter de jeter de l’huile sur le
feu, ce que l’autre camp fait royalement, et pour permettre au juge
de garder sa tranquillite", selon le copresident de l’association
Suisse-Armenie, Sarkis Shahinian.

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