La police nederlandaise annonce le demantelement d’un camp kurde

Le Monde, France
15 novembre 2004

La police néerlandaise annonce le démantèlement d’un camp
d’entraînement de guérilla kurde

Le coup de filet dans le sud-est des Pays-Bas a abouti à
l’arrestation de trente-huit personnes impliquées dans la formation
de groupes armés destinés à être envoyés en Arménie

par Jean-Pierre Stroobants

Les opérations antiterroristes se succèdent à un rythme accéléré aux
Pays-Bas depuis l’assassinat, le 2 novembre, du cinéaste Theo Van
Gogh. Vendredi 12 novembre, la police a lancé de nouvelles
investigations qui ont abouti, à Liempde, dans le sud-est du pays, au
démantèlement de ce qui serait un camp d’entraînement du Congrès du
peuple du Kurdistan (Kongra-Gel), une émanation de l’ex-PKK, le parti
illégal des Kurdes de Turquie. Vingt-neuf personnes ont été
appréhendées dans le cadre d’une enquête qui aurait démarré il y a un
an et ne serait pas, selon le porte-parole du parquet national,
directement liée aux opérations de démantèlement de réseaux
islamistes. D’autres perquisitions ont conduit à neuf arrestations.
Divers équipements et des armes ont été saisis. Selon un membre du
parquet, les militants kurdes s’entraînaient avant d’être envoyés en
Arménie.

Divisé en plusieurs factions, Kongra-Gel – que Washington, Istanbul
et l’Union européenne assimilent à une organisation terroriste – a
officiellement renoncé au séparatisme, mais certaines de ses branches
ont ranimé le conflit dans le sud-est de l’Anatolie. La Turquie a
reproché aux Pays-Bas leur indulgence à l’égard de l’ex-PKK dont une
dirigeante présumée, Nuriye Kesbir, réclamée par Ankara, n’a pas été
extradée, un tribunal de La Haye jugeant que la Turquie violait les
droits de l’homme. Selon la justice, Mme Kesbir risquait d’être
torturée si elle était remise à la justice turque.

Jusqu’ici, les services néerlandais considéraient quant à eux que les
groupes kurdes ne se livraient qu’à des actions pacifiques aux
Pays-Bas. Vendredi, les autorités affirmaient que ce sont des
techniques de guérilla et des entraînements au combat physique qui
étaient enseignés à Liempde.

LACUNES POLICIÈRES

Cet épisode renforce un climat d’inquiétude, et souvent
d’incompréhension, qui règne dans un pays où les rapports entre les
différentes communautés se sont fortement détériorés depuis
l’assassinat de Theo Van Gogh par le militant islamiste Mohammed
Bouyeri. Quelque 40 % des Néerlandais estiment, selon un sondage,
qu’il sera impossible d’intégrer les musulmans.

C’est sans doute pour tenter de donner un signe d’apaisement que la
reine Beatrix s’est rendue, vendredi 12 novembre, dans un centre où
vivent de jeunes Marocains, à Amsterdam. Pressée par des responsables
politiques de lancer un appel au calme, la reine a préféré participer
à une discussion au cours de laquelle ont été évoqués le risque de
confusion entre islam, islamisme et terrorisme, et la nécessité de
s’attaquer aux causes de la radicalisation de certains immigrés.

Sur le plan politique, pour ne pas ajouter à la confusion, les
députés n’ont pas mis en cause le ministre de l’intérieur à l’issue
d’un débat consacré à l’affaire Van Gogh. De l’avis unanime, y
compris dans son parti – le VVD, libéral – Johan Remkes n’a pourtant
fourni aucune explication convaincante quant aux lacunes des services
de police et, surtout, de renseignement. Il se confirme, en effet,
que depuis l’été 2004, des informations permettaient de conclure
qu’une cellule islamiste préparait un attentat. D’autre part, des
menaces avaient été adressées à Theo Van Gogh, à Ayaan Hirsi Ali, la
députée d’origine somalienne qui avait, avec lui, dénoncé les
mariages forcés et l’islam fondamentaliste, ou encore à Geert
Wilders, un dissident du parti libéral qui a fondé une nouvelle
formation de droite. A aucun moment, les responsables de la lutte
antiterroriste ne sont apparemment parvenus à établir un lien entre
ces diverses informations.

M. Remkes, vivement critiqué par le président de son propre groupe
parlementaire, n’a pu expliquer pourquoi il n’avait été tenu compte
ni des menaces pesant sur Theo Van Gogh ni des éléments apparemment
accablants sur son meurtrier, Mohammed Bouyeri. Ce dernier avait été
dénoncé par certains informateurs mais les services de renseignement
ont décidé d’arrêter les écoutes de son téléphone. Connu de la
justice, Bouyeri donnait aussi asile à différents islamistes, ce qui
était connu des services. L’un de ses complices avait déjà été arrêté
en 2003.

From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress