1914-18 est l’invention de la guerre totale

L’Express , France
8 novembre 2004

”14-18 est l’invention de la guerre totale”;
Stéphane Audoin-Rouzeau

par Makarian Christian

Peut-on encore apprendre quelque chose sur la guerre de 14-18?
Stéphane Audoin-Rouzeau prouve que oui. Spécialiste de la Première
Guerre mondiale, ce jeune historien a consacré toute son oeuvre à la
redécouverte d’un conflit en passe de devenir mythique. Il s’est
penché sur la fibre humaine, les ressorts psychologiques, les effets
à long terme. Il a ainsi été le premier à s’intéresser aux enfants
nés de l’ennemi, au mécanisme du deuil, à l’usage de l’enfance par la
propagande… Il a contribué à fonder l’Historial de la Grande Guerre
de Péronne, dont il dirige, avec sa collègue Annette Becker, le
centre de recherche. Professeur à l’université de Picardie
Jules-Verne, à Amiens, médaillé de bronze du CNRS, il est un des
coordonnateurs, avec Jean-Jacques Becker, de la remarquable
Encyclopédie de la Grande Guerre, publiée par Bayard (voir l’article
de Jacques Duquesne, page 104). Il donne ici, pour L’Express, une
vision éclairante de ce conflit.

Presque un siècle après le déclenchement du premier conflit mondial,
si l’on essaie de se détacher du fil des événements et de s’abstraire
de la charge émotionnelle de la Grande Guerre, quel bilan peut-on
tirer au titre de l’histoire universelle? Je crois que ce qui
subsiste de 1914-1918 peut se résumer à une expérience de violence
sans aucun précédent historique. En tout cas à l’échelle de
l’Occident et plus particulièrement de l’Europe. La Première Guerre
mondiale à la fois représente la mort de masse et induit les autres
formes de violence qui l’accompagnent. A l’impact du conflit lui-même
s’ajoutent les effets sur les survivants, puis sur les générations
suivantes.

Comment se manifeste ce deuxième impact, qui est parvenu jusqu’à
nous? D’abord, on ne peut qu’être frappé par la manière dont
l’expérience de violence s’est déplacée ailleurs, notamment dans le
champ politique et idéologique. La cristallisation des totalitarismes
au XXe siècle est un élément crucial, qui vaut tant pour le fascisme
ou le nazisme que pour le communisme. Cristallisation qui s’étend, de
surcroît, sur le court, le moyen et le long terme: dès 1917 pour la
Russie, le début des années 1920 pour l’Italie, les années 1930 pour
l’Allemagne et jusqu’à la fin des années 1980 pour le bloc
soviétique, la chute du mur de Berlin représentant, au fond, la
dernière séquelle géopolitique, et par contrecoup idéologique, de la
Grande Guerre. Ensuite, reste le problème du deuil de masse. Je suis
persuadé que les historiens n’ont pas vraiment mesuré son poids
persistant sur les sociétés européennes. Ils n’ont pas davantage
estimé les effets de récurrence de ce deuil, de génération en
génération. L’activité commémorative qui a commencé immédiatement
après la Grande Guerre, dans tous les pays et avec une intensité
inouïe, a sans doute empêché le deuil de se clore alors que c’était
le but initialement recherché. La présence si forte, de nos jours, de
ce passé guerrier dans notre présent révèle, dans une large mesure,
une parenthèse non refermée. C’est ce que les psychiatres
spécialistes des catastrophes de masse appellent un “phénomène de
troisième génération”. Ce sont les petits-enfants et
arrière-petits-enfants de 14-18 qui ramènent désormais la guerre au
premier plan.

N’y a-t-il pas, également, un “effet 14” qui perdure sur le fait
national, par exemple au centre et à l’est de l’Europe? Il y a
certainement un lien entre 14-18 et certaines résurgences actuelles
des affects nationaux. Indiscutablement, le premier conflit mondial
est avant tout une grande guerre des nations et, derrière les
nations, une guerre de civilisation, dont chaque grand pays se
croyait porteur. Les Français combattaient les Allemands avec la
conviction d’incarner la “civilisation” contre la “barbarie”. Les
Allemands, quant à eux, pensaient défendre l’avenir de la “Kultur”.
Les Britanniques et les Américains n’étaient pas en reste. Au-delà
des nations, ce sont des visions de l’humanité qui se sont
affrontées. Sans cet arrière-plan idéologique, qui peut aussi receler
des connotations ethniques de type raciste, on ne comprend rien à
l’ampleur du processus guerrier, à sa durée, à l’acharnement mis à le
poursuivre. L’Alsace-Lorraine, par exemple, n’est qu’un aspect mineur
s’inscrivant dans le cadre d’une défense de la nation qui elle-même
incarne la civilisation, et se veut donc l’expression de l’humanité
tout entière. Dans les enjeux de la Grande Guerre, on trouve une
composante eschatologique, très perceptible lorsqu’on relit les
discours tenus le 11 novembre 1918: la victoire devait permettre aux
sociétés humaines dans leur ensemble de connaître un âge d’or que,
sans la guerre, on n’aurait pu atteindre. Cela paraît aujourd’hui
monstrueux, mais c’est bien ainsi que la victoire des Alliés a été
perçue.

Il a fallu déchanter et retourner au réel. Comment s’est produite ce
que les historiens appellent la “démobilisation culturelle”? Cela
dépend des pays. En France et en Grande-Bretagne, l’écart se creuse
assez rapidement entre la perception des sacrifices consentis et les
résultats réels. Chez les vaincus – l’Allemagne ou l’Italie – il
n’existe pas de vraie démobilisation, mais une seconde étape
mobilisatrice, qui provoque la Seconde Guerre mondiale. Le grand
moment d’un pacifisme susceptible de dévaloriser globalement, à
l’échelle de toute l’Europe occidentale, les affects guerriers et
nationaux date d’après 1945 et surtout des années 1960 et 1970. C’est
là seulement que tous les pays européens intériorisent définitivement
les effets du double choc de la Première et de la Seconde Guerre
mondiale. C’est là la justification profonde de la construction
européenne, qu’on ne peut comprendre autrement.

Où en sommes-nous aujourd’hui? Peut-être à un retour de balancier.
Les affects nationaux, si démonétisés, sont revenus, ici ou là, sur
le devant de la scène, dans une sorte de nostalgie du national. Ce
retour n’a, bien sûr, rien à voir avec ce que fut la surrection du
sentiment de nation en 1914, mais je crois qu’il ne faut pas négliger
le vague regret, qui ne peut évidemment s’avouer, que cette époque-là
engendre. En d’autres mots, le fait que 1914 puisse apparaître comme
une horreur, mais aussi comme une sorte d’apogée de la “France
parfaite” me semble peu discutable. Beaucoup de contemporains
entretiennent une relation ambiguë, à la fois horrifiée et fascinée,
avec l’investissement national qui s’est manifesté au cours des ces
quatre années, avec cet examen de passage sanglant et si tragiquement
réussi.

D’autant plus que, de façon confuse, les Français ont la perception
d’un déclin continu depuis… Question difficile pour l’historien. La
sensation d’un déclin français, qui existe effectivement avec force,
découlerait-elle de ce moment où la France aurait été une dernière
fois elle-même? C’est en tout cas vraisemblable. On le voit très
bien, par exemple, dans la manière dont les soldats français ont
perçu Dien Bien Phu, en 1954, cette dernière bataille de l’armée
française au XXe siècle. Quelle est alors leur référence constante,
comme le prouvent leurs lettres et leurs témoignages? Verdun. Or,
sans Dien Bien Phu, comprend-on l’intense investissement militaire
français en Algérie? Il est clair que 14-18 pèse sur tout le siècle
et, au-delà, sur toutes les représentations de nous-mêmes en tant que
nation. De nos jours, la nostalgie de la France en tant que grande
puissance fait peu de doute. Mais comment l’avouer sans admettre,
voire excuser, le massacre de masse de 1914-1918?

En va-t-il de même dans les autres pays européens? Les situations
sont très différentes, ce qui explique pourquoi il ne peut y avoir de
cérémonie du 11 Novembre au niveau européen. Le fait que la société
britannique n’ait pas subi, sur son sol, un choc aussi violent que la
France en 14-18, puis en 1940, contribue à une moindre érosion de
l’esprit “militaire” de 1914. On le constate lors des pèlerinages
britanniques sur les lieux: le continuum patriotique n’a pas connu de
rupture majeure. Il s’exprime jusqu’en 1982, lors de la guerre des
Malouines, cette dernière guerre de l’honneur menée par une société
occidentale au XXe siècle. Du côté allemand, c’est évidemment tout à
fait différent. Lors des cérémonies solennelles du 11 Novembre 1998,
à Paris, Jacques Chirac et Lionel Jospin n’ont pas réussi à
s’associer le chancelier Schröder pour la bonne raison que l’on
commémorait en Allemagne le 9 novembre 1938, date de la Nuit de
cristal. C’est très significatif. L’ombre portée du nazisme, de la
Seconde Guerre mondiale et de l’extermination des juifs bloque tout
processus empathique à l’égard de 14-18. La culpabilité globalise le
passé et suscite la coupure mémorielle. Le cas russe est également
différent. La mémoire est absolument occultée: la Grande Guerre n’y
est que l’épiphénomène d’un autre événement matriciel, la révolution
bolchevique de 1917.

Qu’en est-il des pays du centre et de l’est de l’Europe? Beaucoup de
ces pays n’existent qu’à l’issue de la guerre. Le conflit est donc
pour eux fortement identitaire, ce qui n’est pas simple pour autant.
En Pologne, au musée de l’Armée de Varsovie, il est impossible
d’avoir une vue globale. Une vitrine présente les soldats enrôlés
sous le drapeau russe, une autre ceux qui ont combattu dans l’armée
allemande, une autre encore ceux qui portaient l’uniforme
austro-hongrois. L’Autriche, démembrée en 1918, complètement
enclavée, devient une tête sans corps. Dans les Balkans, la Première
Guerre n’est qu’un moment dans une longue séquence de violence liée
au choc ininterrompu des nationalismes d’existence. Des luttes du
XIXe siècle contre l’Empire ottoman aux atroces guerres balkaniques
de 1912-1913 – qui donnent lieu au premier rapport humanitaire de
l’Histoire, établi par la Fondation Carnegie – jusqu’à la guerre de
Yougoslavie des années 1940, puis celle de la décennie 1990, la
violence extrême s’établit comme une constante, dans une chronologie
souvent vécue comme dépourvue de solution de continuité. Il n’y a eu
ni démobilisation culturelle ni pause de la conflictualité.

Pourquoi ne s’interroge-t-on jamais sur la perception de nos voisins
européens? Nous francisons en effet sans cesse la commémoration de
14-18, comme s’il ne s’était rien passé ailleurs, ce qui empêche de
comprendre la portée réelle de cette guerre. Prenez l’exemple du film
Capitaine Conan (Bertrand Tavernier), qui se passe en Roumanie mais
met en scène des soldats français. Le fait que l’action a lieu sur le
front d’Orient et que les Français ne soient pas en uniforme bleu
horizon, dans leur guerre à eux, sur leur territoire à eux, explique
largement l’échec public du film. Le film de Jean-Pierre Jeunet Un
long dimanche de fiançailles va en revanche dans le sens de la
victimisation à la française, le réalisateur franchissant même un
seuil inédit lorsqu’il déclare: “J’ai l’impression d’être mort
là-bas, dans une autre vie.” On passe de “mon arrière-grand-père est
mort en 14” à “je suis mort en 14”. Là, de mon point de vue, on
sombre dans une indécence totale.

Ne croyez-vous pas que, pour certains, il y a un moyen de se créer un
drame intime en se repeignant en victime? Nous sommes en effet dans
la “concurrence des victimes”. En novembre 1998, le maire de Craonne
accueille Lionel Jospin pour la célébration du 80e anniversaire de
1918 et déclare: “Il s’est produit sur le Chemin des Dames le premier
crime contre l’humanité resté impuni.” Faisant bon marché de
l’Histoire, il ignore que le génocide des Arméniens s’est produit
auparavant, en 1915. Sans parler du massacre des Herero, en Namibie
actuelle, perpétré sur un ordre explicite d’extermination donné par
le commandement allemand, et qui aboutit à l’élimination de 80% de
cette population entre 1904 et 1906. Peu importe, et Le Monde
reproduit sans aucune distance ses propos, faisant sien cet amalgame
insupportable: l’opération de translation des grandes exterminations
du XXe siècle vers les soldats de la Grande Guerre, victimes d’un
“crime contre l’humanité”. En quelque sorte, les tranchées se
transforment subitement en camps d’extermination. On trouve même des
“historiens” pour dénoncer un Etat français prétotalitaire… On
oublie que les poilus étaient des acteurs et pas seulement des
victimes. Et a-t-on jamais vu les victimes d’un génocide rentrer chez
elles pour une permission et revenir au front ensuite?

Tout le monde veut sa part d’horreur! Sans doute parce qu’elle fut
totale… 14-18 marque l’invention de la guerre totale. Et l’un des
critères de la guerre totale, c’est la rupture de la barrière
d’étanchéité entre population en armes et population civile. Il faut
distinguer quatre phases. D’abord, les grandes invasions de l’été
1914, qui se traduisent par des massacres de masse immédiats, en
Belgique et dans le nord de la France, en Prusse-Orientale, en
Serbie. Puis la phase des tranchées, véritables murailles en creux,
qui contribue à “essentialiser” l’ennemi: derrière la tranchée
adverse, il n’y a plus seulement des soldats, mais l’ennemi tout
entier. D’où le recours aux bombardements stratégiques: on considère
comme légitime de frapper, sans bénéfice militaire, des populations
civiles. La totalité de la population adverse est devenue l’ennemi,
et c’est un phénomène absolument nouveau dans l’histoire militaire
occidentale moderne. La Seconde Guerre mondiale ne fera que prolonger
cette vision en radicalisant encore la violence. Ensuite, le lien
entre le fait guerrier et l’extermination totale d’une population
perçue comme une cinquième colonne, devant être éliminée, qui culmine
avec le génocide des Arméniens. C’est un fait indiscutable et un legs
dont la dimension “performative” est très importante. Hitler avait
parfaitement souvenance non seulement de l’extermination des
Arméniens, mais aussi du silence qui l’avait entourée, lui qui
déclarera: “Qui, après tout, parle de l’anéantissement des
Arméniens?” Enfin, il y a des formes de violence complètement
anomiques, particulièrement celles des soldats démobilisés. On les
connaît moins, mais le cas de l’autodémobilisation de l’armée russe à
l’automne 1917, qui voit 1 million de soldats rentrer chez eux, ne
doit pas être oublié. En quelques semaines, les “capotes grises”
massacrent leurs officiers, puis ravagent tout sur leur passage en
s’en prenant, dans les villes, tout spécialement aux juifs. Cette
autodémobilisation ne se fait donc pas dans le refus de la violence;
elle en constitue au contraire une surrection radicalisée.

Et l’antisémitisme allemand? Il puise beaucoup dans la Grande Guerre.
Dans une Allemagne considérée souvent comme moins antisémite que la
France en 1914, une enquête est lancée à la fin de 1916 pour établir
le degré de présence au front des juifs allemands. Bien qu’elle ait
prouvé que le patriotisme des juifs était sans faille, elle ne fut
pas publiée, accréditant la conclusion inverse. Puis, après novembre
1918, l’antisémitisme apparaît comme le produit de la défaite
refusée, défaite prétendument provoquée par le “coup de poignard dans
le dos” des communistes et des socialistes, eux-mêmes assimilés aux
juifs. C’est là que s’établit le lien avec la Shoah. Car,
fondamentalement, le nazisme est une liturgie de la Grande Guerre
recommencée, la référence constante de Hitler. Le legs
éliminationniste à l’égard des juifs appartient au bilan de la
Première Guerre mondiale.

On parle toujours de l’Europe, mais la Grande Guerre a aussi
contribué à redessiner la carte du reste du monde. Songez aux
dominions de l’Empire britannique: Australie, Nouvelle-Zélande,
Afrique du Sud, Canada. 14-18 constitue véritablement l’acte de
naissance de ces pays, qui gagnent leur identité nationale à
l’occasion de la terrible saignée à laquelle ils consentent.

Et c’est la montée en force des Etats-Unis… A dire vrai, les
Etats-Unis sont déjà la première puissance économique du monde avant
1914. Mais, militairement, ils ne représentent encore rien. Les 2
millions de soldats américains qui sont en France à la fin de 1918
sont équipés et formés par les Français et les Britanniques – la
différence est énorme avec le débarquement de 1944. Mais, en se
battant aussi vaillamment que les Français et les Britanniques aux
premiers jours du conflit, tandis que ces derniers ont quatre ans de
tranchées derrière eux, ils marquent leur différence. Opposés à des
Allemands fourbus, épuisés eux aussi par des années de combat, ils
obtiennent des résultats étonnants. La relative facilité des succès
américains, dans la phase finale de la guerre, a joué un rôle
considérable dans l’American self-esteem. Lorsque le président Wilson
arrive à Paris en décembre 1918, il bénéficie d’un triomphe public.
L’exemplarité, la conception morale, la dimension de croisade, qui
caractérisent l’idéologie américaine jusqu’à nos jours, trouvent
largement leur source dans la Première Guerre mondiale. C’est, pour
l’Amérique, le modèle même de la guerre juste (les Etats-Unis
n’étaient d’ailleurs pas alliés, mais “associés” à la France et à la
Grande-Bretagne). Ils prétendaient ne vouloir tirer aucun bénéfice de
cette opération prétendument désintéressée, menée pour le bien de
l’humanité.

Diriez-vous que les choses ont bien changé? L’Occident est porteur
d’un modèle de guerre d’une très grande violence. Or, après 1945, il
ne s’est plus appliqué cette violence à lui-même; ils l’a
externalisée, en Corée, en Algérie, au Vietnam, en Irak… D’où notre
fallacieux sentiment de déprise de la guerre. Il nous semble qu’un
conflit ne peut plus survenir au sein même de l’aire occidentale. Du
coup, nous déréalisons l’expérience de guerre et nous ne comprenons
pas son retour sous d’autres formes, comme celle du terrorisme, par
exemple, qui nous paraît d’une totale illégitimité. Nous ne voulons
pas admettre qu’il s’agit là d’une autre forme de confrontation que
celle dont notre modèle guerrier est porteur. C’est là, à mon avis,
que nous sommes désormais loin, très loin, de la Grande Guerre.

–Boundary_(ID_FKG/XJq00HEH2qM+BdnzmQ)–

Emil Lazarian

“I should like to see any power of the world destroy this race, this small tribe of unimportant people, whose wars have all been fought and lost, whose structures have crumbled, literature is unread, music is unheard, and prayers are no more answered. Go ahead, destroy Armenia . See if you can do it. Send them into the desert without bread or water. Burn their homes and churches. Then see if they will not laugh, sing and pray again. For when two of them meet anywhere in the world, see if they will not create a New Armenia.” - WS