La Conference des Eglises europeennes, 125 Eglises Pour entree

NEWS Press
26 octobre 2004

La Conférence des Eglises européennes, 125 Eglises se prononcent pour
l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne…

Fédération Protestante de France

Commission Eglise et Société de la Conférence des Eglises européennes

Relations entre l’Union européenne et la Turquie

Déclaration publique

La question des relations entre l’Union européenne et la Turquie est
d’une importance capitale pour l’Union. L’éventuelle adhésion de la
Turquie à l’UE influencera non seulement la configuration politique
de l’Union et de l’Europe dans son ensemble, mais aussi les
conditions de vie de nombreux citoyens de l’UE et d’autres personnes
vivant sur le continent européen. C’est pourquoi la Conférence des
Eglises européennes (KEK), qui rassemble des Eglises des traditions
anglicane, orthodoxe et protestante de toute l’Europe, a estimé
nécessaire d’exprimer, via sa Commission Eglise et Société, sa
position par rapport à cette évolution.

Après avoir mené une large consultation au sein des Eglises membres
de la KEK, nous déclarons que, pour les Eglises européennes, la
question des différences religieuses ne constitue pas un obstacle à
la poursuite de l’amélioration des relations entre la Turquie et
l’UE, ni à l’éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union. En d’autres
termes, pour les Eglises, l’adhésion de la Turquie à l’UE n’est pas
une question de différences religieuses. A terme, l’entrée de la
Turquie dans l’Union pourrait même avoir des répercussions positives
sur la bonne évolution des relations entre les diverses religions et
cultures en Europe, et pourrait constituer la pierre d’angle d’un
pont entre les mondes chrétien et musulman.

Il faut considérer l’UE dans sa propre acception, qui correspond à la
vision des Eglises, comme un espace d’unité et de diversité à
différents niveaux. Aux yeux des Eglises, l’UE représente une zone où
se rencontrent des personnes de différentes nations, races et
religions. L’UE est une communauté multiculturelle de personnes et de
sociétés, dans laquelle Chrétiens, Musulmans, Juifs et représentants
d’autres confessions coexistent et se tolèrent. Les Eglises apportent
ici une contribution majeure. Dans la Charta Oecumenica, document
signé en 2001 par les Présidents de la KEK et de la CCEE (Conseil des
Conférences Episcopales en Europe), les Chrétiens d’Europe s’engagent
à approfondir les relations avec les autres religions, à faire preuve
de respect envers ces religions et à oeuvrer ensemble sur les
questions d’intérêt commun (Charta Oecumenica III/10,11). Le dialogue
inter-religieux revêt par conséquent une importance cruciale pour les
Eglises.

Les Eglises et religions en Europe sont reconnues par les Etats
membres respectifs de l’UE, ainsi que par l’Union elle-même, comme
une composante spécifique et distincte de la société civile. Les
dispositions juridiques constituent un aspect de cette
reconnaissance. Les Eglises et religions contribuent au développement
de la société par le biais de leurs diverses activités, comme par
exemple les services diaconaux et les oeuvres caritatives, le travail
pour la paix et la réconciliation, et bien d’autres encore (cf.,
entre autres, le Traité constitutionnel de l’UE et les conclusions de
la Présidence de l’UE en décembre 2003). Les Eglises et religions en
Europe font partie intégrante de la vie publique. Les Etats membres
de l’Union ainsi que les Eglises et communautés religieuses au sein
de l’UE partagent la même conception d’une attitude de tolérance
entre les Eglises et religions.

Nous espérons que tout futur Etat membre de l’UE partagera cette
vision et la manifestera dans son attitude envers les Eglises et
toutes les communautés religieuses résidant sur son territoire. Les
relations entre les communautés ethniques et religieuses constituent
le témoin principal de la situation interne, de la stabilité et de la
cohésion sociale dans tous les Etats membres de l’UE et dans les pays
candidats. Bien que nous prenions bonne note des changements
fondamentaux intervenus en Turquie ces dernières années, nous
constatons malheureusement que de nombreux problèmes subsistent
encore dans ce domaine.

L’UE est une communauté d’Etats et de nations dans laquelle les
valeurs de justice et de paix, de solidarité et de pluralisme, de
réconciliation et de tolérance, de liberté d’expression et de respect
mutuel sont stipulées dans les documents sur lesquels l’UE s’est
engagée, valeurs qu’elle s’efforce d’intégrer dans la vie
quotidienne. Au stade actuel, nous ne voyons pas la même expression
de ces valeurs en Turquie.

Des rapports mentionnent toujours des tortures dans les prisons, des
problèmes en matière de liberté d’expression ainsi que d’oppression
des minorités. Une transcription honnête de l’histoire, notamment en
ce qui concerne les relations de la Turquie avec les Etats voisins et
qui inclut la reconnaissance des blessures et des offenses infligées,
est une condition préalable à la guérison des mémoires et à une
véritable réconciliation au sein de la société. Cet objectif n’a pas
encore été atteint. A cet égard, les relations avec la minorité
arménienne revêtent une importance toute particulière.

A l’heure actuelle, on relève encore des disparités entre les règles
acceptées et leur mise en oeuvre. Les normes adoptées doivent être
transposées et maintenues dans la réalité de la vie quotidienne. La
stabilité est l’un des critères de base qu’il ne faut pas
sous-estimer. Pour juger de l’opportunité d’entamer des négociations
d’adhésion avec les pays candidats, l’UE a fixé des conditions de
base préalables. Si l’UE veut rester cohérente avec ses propres
critères, elle doit éviter, dans son évaluation de chaque pays
candidat, toute dérive vers des normes à deux vitesses.

A cet égard, les Eglises en Europe soulèvent la question très
préoccupante de la situation des minorités chrétiennes. Malgré les
promesses des autorités turques, les communautés chrétiennes dans ce
pays sont toujours confrontées à de nombreux problèmes en matière de
reconnaissance légale, de droits de propriété et de développement de
programmes d’enseignement. A notre avis, les problèmes ne sont pas
seulement d’ordre juridique. Au-delà de ça, cela témoigne du manque
d’ouverture et d’équité envers les religions traditionnelles et les
minorités ethniques.

Nous reconnaissons que la conception turque actuelle du rôle de
l’Etat en tant que garant du système laïque implique de perpétuer le
système d’une religion organisée par l’Etat, et ce afin de constituer
un garde-fou par rapport aux groupes extrémistes islamiques. D’un
autre côté, un tel système entrave l’existence des autres groupes
religieux, y compris des communautés chrétiennes. A notre avis, cela
est révélateur d’une instabilité intrinsèque et des limites de la
liberté religieuse dans ce pays.

L’Union elle-même doit faire face à de nombreux défis internes. Après
l’adhésion de dix nouveaux Etats membres et la perspective d’un
nouvel élargissement dans deux ans, la stabilité de l’Union doit
constituer une priorité absolue. Il est nécessaire de bien percevoir
et de maîtriser pleinement cette situation nouvelle. Un débat de fond
sur la finalité de l’Union et sa vision est une exigence essentielle
pour l’avenir de l’Union.

Une tche d’égale importance pour l’Union consiste tout d’abord à
réaliser de manière satisfaisante la mise en oeuvre concrète d’un
modèle acceptable pour la cohésion de la société vivant actuellement
sur le territoire de l’Union. L’intégration sociale, politique et
culturelle des communautés migrantes résidant sur le territoire de
l’Union est, à cet égard, d’une importance cruciale et croissante. La
vie réelle a révélé qu’une amélioration de la situation matérielle
des migrants ne peut résoudre à elle seule le problème de leur
adaptation culturelle et sociale.

La décision d’entamer avec la Turquie les négociations d’adhésion à
l’Union aura des répercussions considérables sur l’existence future
de l’Union. Prendre une décision politique aussi essentielle sans un
soutien suffisant de la part des citoyens de l’Union risquerait
d’accroître la distance entre l’UE et ses citoyens. Nous exhortons
donc l’UE à approfondir et à intensifier le vaste débat à propos de
l’identité européenne. Les facteurs ethniques, culturels et religieux
qui sous-tendent les rapports humains en sont les composantes
essentielles. L’engagement de la société civile, des citoyens et des
peuples d’Europe s’avèrera donc crucial pour sa réussite. Les Eglises
européennes sont prêtes à jouer leur rôle dans ce débat.

Les Eglises en Europe souhaitent que les valeurs de réconciliation,
de paix et de solidarité entre les nations et les peuples, ainsi
qu’au sein des sociétés européennes, constituent le moteur principal
pour le développement futur du continent. A cet égard,
l’approfondissement des relations entre l’UE et la Turquie est un
processus auquel tous doivent coopérer.
From: Baghdasarian