Entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, un cessez-le-feu malmené

La Croix, France
Jeudi 29 Janvier 2015

Entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, un cessez-le-feu malmené

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe s’inquiète
des tensions entre les deux pays du Caucase qui se disputent l’enclave
du Haut-Karabakh.

par OLIVIER TALLÈS

Loin des regards se joue une épreuve de force à haut risque le long de
la ligne de cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, les deux
voisins du Caucase qui se disputent l’enclave montagneuse du
Haut- – Karabakh. Presque chaque jour, on recense des tirs, des
tentatives d’infiltrations, des embuscades. Deux soldats arméniens
sont décédés la semaine dernière encore lors d’un énième accrochage.
Ces incidents isolés ont fait plusieurs dizaines de morts depuis
l’été.

Rattaché à l’Azerbaïdjan à l’époque soviétique, le Haut-Karabakh est
une région séparatiste à majorité arménienne soutenue aujourd’hui par
Erevan. Ce territoire montagneux de la taille d’un département
français a été l’enjeu d’une guerre qui a fait plus de 25 000 morts
entre 1988 et 1994. Victorieux, les Arméniens ont conservé le contrôle
des régions qui les relient au Haut-Karabakh. Un fragile cessez-le-feu
s’est maintenu pendant deux décennies, alors que toutes les tentatives
de règlement du contentieux ont échoué.

Mais selon de nombreux observateurs, jamais ce conflit n’a semblé
aussi peu gelé que depuis cet été. « La situation est assez mauvaise
», observe Thornike Gordadze, spécialiste du Caucase à Sciences-Po. Le
président arménien a même menacé son voisin d’une « frappe préventive
» en cas de concentration de troupes à la frontière.

Face au risque d’embrasement, l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE) a « invité instamment les deux parties à
assurer un véritable cessez-le-feu et à éviter de prendre des mesures
qui aboutiraient à une nouvelle escalade. »

Lors d’une réunion à Cracovie, en Pologne, les trois pays du groupe de
Minsk (France, Russie et États-Unis) chargés du dossier ont pointé du
doigt la responsabilité des autorités azerbaïdjanaises, en les
appelant à « respecter leurs engagements pour une résolution pacifique
du conflit ». « Il s’agit d’une nouveauté dans la communication du
groupe de Minsk, observe un bon connaisseur du dossier. Jusqu’à
présent, l’Arménie et l’Azerbaïdjan étaient renvoyés dos à dos après
des accrochages. »

Confortées par la manne du pétrole et du gaz, les autorités
azerbaïdjanaises semblent vouloir remettre en cause le statu quo
actuel. Bakou a entrepris à coups de milliards de dollars de btir une
armée dont le budget dépasse à lui seul la totalité des dépenses de
l’État arménien. Les tensions sur la ligne de démarcation permettent
aussi au régime autocratique du président Ilham Aliyev de détourner
l’attention sur les arrestations d’opposants, la mise au pas des
médias, ou encore les difficultés liées à la baisse du cours du
pétrole.

Très active en coulisse, la Russie profite indirectement de l’absence
de règlement du contentieux. L’ancienne puissance coloniale alimente
en armes les deux camps et joue des inquiétudes arméniennes pour
arrimer Erevan à son projet eurasiatique. Le 1er janvier, l’Arménie a
ainsi rejoint la Biélorussie, la Russie et le Kazakhstan dans l’Union
eurasiatique après avoir flirté pendant des mois avec l’Union
européenne.