Atom Egoyan : Pluriels

Al-Ahram, Egypte
20 au 26 août 2014

Atom Egoyan : Pluriels

Une quinzaine de courts et longs métrages, quelques opéras et séries
télévisées, à 35 ans de carrière, le réalisateur Atom Egoyan affiche
déjà un beau palmarès. Né en Egypte de parents d’origine arménienne,
il vit à Toronto dans un univers multicultural.

Yasser Moheb

L’homme ne manque pas de talents :réalisateur, scénariste, metteur
enscène, mélomane, professeur decinéma, compositeur d’opéras etjoueur
de guitare acoustique. Atom Egoyan esten lui-même un melting-pot
artistique.Cinéaste canadien d’origine arménienne, touten étant né au
Caire, il s’est fait connaîtrepar sa grande puissance à incarner
lessentiments les plus sincères et intimes de sescompatriotes. Sa
filmographie, déjà composéed’une trentaine de films et d’oeuvres
diverses,ne cesse de prendre de l’ampleur, même si sesgrandes heures
comme réalisateur semblenten partie derrière lui.

Au Festival de Cannes, il est depuis toujoursle bienvenu, que ce soit
à travers sa participationaux différents comités du jury ou à travers
lesorages de la critique qui accompagnent le plussouvent la sortie de
ses films. >. Pour son
dernier film Captives, commepour la grande majorité des oeuvres du
cinéastetorontois, il fait le tour des salles de cinémades capitales
européennes et moyen-orientales.C’est l’occasion pour lui de dire son
point devue sur l’un des problèmes sociaux récurrentdans le monde :
l’enlèvement et l’abus desenfants. ,
indique leréalisateur, fier de son attachement à la cultureet à la
civilisation arabes.>. Atom Egoyan
porte enlui les contrastes et la richesse d’une
identitécosmopolite.Ses parents étaient épris d’art. Son père aétudié
à l’Institut d’art de Chicago, et c’estpeut-être ainsi que le fils a
découvert trèsjeune le monde du cinéma. Atoms’est aussi passionné pour
lethétre et s’est mis à écrire despièces, depuis très jeune.Jeune
lecteur, il a étéénergiquement influencé pardeux écrivains :
l’IrlandaisSamuel Beckett, et le BritanniqueHarold Pinter. >,dit-il avec
un sourire plein de nostalgie sur cesjours d’enfance.Enfant, Egoyan
cherche à s’intégrer à lasociété canadienne. Son conflit avec son
pèrele conduit à rejeter la culture arménienne.Quelques années plus
tard, il part à TrinityCollege à l’Université de Toronto, étudieles
relations internationales et la guitareclassique. C’est pendant ses
études dansce collège prestigieux qu’il commence àrestaurer ses liens
avec ses origines. Il se jointà la communauté arménienne du campus
touten étudiant sa langue maternelle. C’est là aussiqu’il se met à
étudier l’histoire arménienne età se pencher sérieusement sur le
cinéma.Peu de temps après, il tourne ses premiersfilms, non sans
refléter ses propres obsessions.Il explore >. D’où uncourt métrage, en
1979, intituléHoward in Particular (Howard enparticulier).Ce projet,
financé par leProgramme de la Maison Hart etprojeté au Festival du
film canadien,National Exhibition, annonçait déjàcertaines
caractéristiques devenuesdes traits communs à toutes lesoeuvres
d’Egoyan. Notons enparticulier le thème de la technologie et
del’étrangeté de la communication entre lesgens.Après quelques courts
métrages, dontPeep Show en 1981 et Open House en 1982,Atom Egoyan se
lance dans le monde deslongs métrages et se fait connaître avec
sonpremier long métrage, Proches Parents en1984, suivi de Family
Viewing en 1989 et TheAdjuster (l’ajusteur) sorti dans les salles
en1991. Ceux-ci excellent à refléter ses visionspersonnelles sur la
force des images, l’hypnosetechnologique de l’époque et la mémoire
entant que bénédiction et malédiction. ChezAtom, ce sont les
techniques artistiquesseules qui comptent : acteurs peu connuset
répétitifs, espace esthétique, distensionsparfois sensuelles et trames
narrativesobscures viennent adhérer le plus souvent unstyle autant
simple que travaillé.Self-made-man, l’artiste touche à tout,apprécie
l’idée de franchir des zones qui luisont obscures. >.

Une vision philosophique qui a fort imprégnéen 1989 son 3e long
métrage, Speaking Parts(parties parlantes), où il dévoile les
pointsd’interdépendance entre ces deux mondes.Physiquement, AtomEgoyan
ne change pas.Son air de jeunesseéternelle, les lunettesrondes, et
surtoutcelles de soleil, parfoisportées en pleine sallede projection,
avec sonregard toujours vigilant.Si sympathique, onl’apprécie et le
respectevite, et sa pensée s’éclaire lorsqu’il se sentcompris.

La quête de l’identité reste un thèmedominant dans presque la majorité
de sesoeuvres, notamment Calendar (calendrier)en 1993. Un an plus
tard, c’est Exotica quil’a propulsé au devant de la scène. Mais
sarenommée internationale est plutôt confirméeavec The Sweet Hereafter
(de beauxlendemains) en 1997, lui offrant plusieursnominations aux
Oscars, dans les catégories demeilleur réalisateur et de meilleure
adaptationà l’écran.

Le film Ararat (2002) fait égalementbeaucoup parler de lui, remportant
surtout lePrix Génie pour le meilleur film. C’est sonfilm phare, étant
sa première oeuvre à traiterdirectement du génocide arménien.Ayant
plusieurs cordes à son arc, AtomEgoyan tche toujours de nourrir en
lui ladiversité de ses talents assez complémentaires.Par exemple, il
travaille pour la télévision,signant plusieurs oeuvres qui lui valent
unecertaine notoriété. Mais il se tourne aussivers la musique
classique, notamment laguitare. Il décide de faire ses débuts en
tantque metteur en scène d’opéra en 1996, avecla production de Salomé
de Richard Strauss,par la Canadian Opera Company. D’ailleurs,dans ce
livret, il intègre jeu thétral et imagesvidéo. Il a également écrit
un opéra original,Else Whereless, sur une musique de RodneySharman,
monté à Toronto en 1998, puisà Vancouver. En 1998, il signe la
musiquede l’opéra Doctor Ox’s Experiment, uneadaptation de Jules
Vernes, mise en musiquepar Gavin Bryars.

Le réalisateur habite depuis des annéesToronto avec son épouse,
Arsinée Khanjian,qu’il a rencontrée en 1984 à l’occasion ducasting de
Next of Kin. Comédienne, elleest vite devenue sa muse et sa
comédiennefétiche. Et leur fils, Arshile, porte le prénomdu célèbre
peintre américain d’originearménienne, Gorky.

Quoi de neuf ? Tout est encore dans l’oeuf,comme le dit la chanson !
Après Captives,de nouveaux projets sont encore dans lepipeline : un
nouveau drame social sur fondsociopolitique évoque la question des
réfugiés.Pourrait-il tourner un jour un film sur son paysnatal,
l’Egypte ?