L’Annee 1914 : Les Civils Dans La Tourmente

L’ANNEE 1914 : LES CIVILS DANS LA TOURMENTE

REVUE DE PRESSE

En 2014, Le Monde commemore la Grande Guerre en publiant chaque mois
un supplement de huit pages. Les articles de ce cahier seront publies
sur Le Monde.fr en partenariat avec La Mission du centenaire 14-18
tout au long de l’annee a venir.

Le 30 juillet 1914, Mary Houghton, une voyageuse anglaise, voit passer
les premiers conscrits autrichiens mobilises a Bozen (aujourd’hui
Bolzano, en Italie), dans le Tyrol du Sud : ,

Parmi eux se trouve ainsi le footballeur Steve Bloomer, auteur de
vingt-huit buts sous le maillot de l’equipe nationale anglaise, tout
juste arrive en Allemagne en juillet 1914 pour entraîner une equipe
locale. Dans l’incapacite de quitter le pays après la declaration de
guerre britannique, le 4 août, il sera interne en novembre au camp
de Ruhleben, près de Berlin, où il restera jusqu’en 1918.

A l’ete 1914, certains parviennent de justesse a franchir les
frontières. Le medecin allemand Georg Nicolai s’est rendu a Lyon
pour un important congrès de radiologie medicale, qui s’achève
le 31 juillet. Apprenant le lendemain la mobilisation generale,
il reussit a s’embarquer dans un des derniers trains franchissant
la frontière allemande, echappant de peu a l’arrestation a Belfort,
où des militaires francais l’ont un temps soupconne d’espionnage.

Passes du Tyrol autrichien a l’Allemagne le 1er août au volant de leur
automobile de tourisme, Mary Houghton et son mari sont immobilises
par la requisition du carburant pour l’armee puis la saisie de leur
voiture. En quelques jours, ces insouciants voyageurs sont devenus
des >, gagnes par l’angoisse de ne pouvoir quitter
le pays. Le 5 août, au lendemain de la declaration de guerre, ils
prennent le dernier train pour la Suisse, restee neutre.

MESURES D’EXCEPTION

Tous n’auront pas cette chance. Le peintre allemand Paul
Cohen-Portheim, qui reside a Paris, est alors en villegiature dans
le Devonshire. Le 4 août, la guerre le surprend sans ressources ni
logement sur le sol anglais, et prive de la possibilite de s’embarquer
: les deux derniers bateaux pour l’Allemagne ont ete retenus a quai.

Meme denuement, meme impuissance pour l’ecrivain hongrois Aladar
Kuncz, sujet des Habsbourg, qui passe ses etes dans un village près
de Morlaix, dans le Finistère.*

C’est la qu’il assiste au premier acte de la tragedie, le 1er août :
> Au-dela, il faut s’enregistrer auprès
des autorites, le sejour etant prohibe dans les regions frontalières
et a Paris.

Des dispositifs similaires sont mis en place en Allemagne et en
Grande-Bretagne, où les navires adverses sont arraisonnes, ou encore en
Autriche-Hongrie et en Russie. Dans ce pays, une directive du ministère
de l’interieur se veut rassurante, le 8 août 1914 : d’avant 1914, ère
d’acceleration des echanges culturels, scientifiques et economiques,
et d’intenses mobilites individuelles.

Au total, près de 300 000 civils ennemis seront enfermes dans des
camps a travers l’Europe en 1914-1918, dont 65 000 environ en France.

Il faut y ajouter les centaines de milliers de deportes vers
l’interieur de l’empire russe, où les chefs militaires ont evacue
de force, courant 1915, des populations >, ennemis et
sujets du tsar, juifs en particulier, meles. Le sort, cette meme
annee, des passagers du Lusitania – paquebot britannique torpille
par un sous-marin allemand – comme des Armeniens de l’Empire ottoman
illustrera de facon plus douloureuse encore la vulnerabilite des
civils dans un monde en guerre.

LE MONDE | 10.03.2014

Andre Loez

mardi 15 juillet 2014, Stephane (c)armenews.com

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