La Turquie restitue certaines propriétés de la communauté arménienne

TURQUIE
La Turquie restitue certaines propriétés de la communauté arménienne

Selon la presse turque Ankara a restitué certaines propriétés qui ont
été saisies dans la première période de la création de la République
turque à la communauté arménienne.

Suite à la décision de l’organisation des fondations du pays, un
terrain de 42 000 mètres carrés a été restitué Ã la Fondation de
l’hôpital arménien Surp Pırgiç de Yedikule dans le quartier de
Zeytinburnu d’Istanbul.

La communauté arménienne a également récupéré un btiment dans le
quartier de Beyoglu après le dépôt d’une affaire devant la Cour
européenne des droits de l’homme.

En 1936, la Turquie avait forcé tous les non-musulmans à divulguer
leur propriété, et par la suite avait saisi de nombreuses propriétés.
Selon l’hebdomadaire « Agos » les Arméniens ont reçu en retour environ
un cinquième des 661 biens confisqués par l’État.

Reste désormais à savoir l’avenir des installations sportives et des
commerces construits sur le terrain de l’hôpital arménien.

________________________________

AFFAIRE YEDÄ°KULE SURP PIRGÄ°Ç ERMENÄ° HASTANESÄ° VAKFI c. TURQUIE

(Requêtes nos 50147/99 et 51207/99)

ARRÊT

(Règlement amiable)

STRASBOURG

26 juin 2007

Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Yedikule Surp Pırgiç Ermeni Hastanesi Vakfı c. Turquie,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 juin 2007,

Rend l’arrêt que voici, adopté Ã cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 50147/99 et
51207/99) dirigées contre la République de Turquie et dont une
fondation de droit turc, Yedikule Surp Pırgiç Ermeni Hastanesi Vakfı
(« la requérante »), a saisi la Cour les 16 juillet et 20 août 1999
respectivement en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde
des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention
»).

2. La requérante est représentée par Mes Diran Bakar, Luiz Bakar et
Setrak Davuthan, avocats à Istanbul.

3. La requérante alléguait en particulier que la législation sur les
fondations et son interprétation par les tribunaux nationaux ont porté
atteinte à son droit au respect de ses biens garanti par l’article 1
du Protocole no 1. Elle s’estime aussi victime d’une discrimination au
sens de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du
Protocole no 1.

4. Par une décision du 14 juin 2005, la chambre a déclaré les requêtes
recevables et a décidé de les joindre (article 42 § 1 du règlement).

5. Une audience s’est déroulée en public au Palais des Droits de
l’Homme, Ã Strasbourg, le 20 septembre 2005 (article 59 § 3 du
règlement).

6. Le 1er avril 2006, la Cour a modifié la composition de ses sections
(article 25 § 1 du règlement). La présente requête a cependant
continué Ã être examinée par la chambre de l’ancienne deuxième section
telle qu’elle existait avant cette date.

7. Le 29 mai 2006, après un échange de correspondance, la greffière a
proposé aux parties la conclusion d’un règlement amiable au sens de
l’article 38 § 1 b) de la Convention. Les 16 mars et 29 mars 2007
respectivement, la requérante et le Gouvernement ont présenté des
déclarations formelles d’acceptation d’un règlement amiable de
l’affaire.

EN FAIT

8. La requérante, Yedikule Surp Pırgiç Ermeni Hastanesi Vakfı
(Fondation de l’hôpital arménien Surp Pırgiç de Yedikule, ci-après «
la Fondation » ou « la requérante »), est une fondation de droit turc,
créée en 1832 sous l’Empire ottoman par décret impérial. Son statut
est en conformité avec les dispositions du Traité de Lausanne
concernant la protection des anciennes fondations assurant les
services publics pour les minorités religieuses.

9. A l’origine de l’affaire se trouve deux procédures concernant deux
biens immobiliers, le premier étant sis à BeyoÄ?lu (requête no
50147/99), le deuxième à Kadıkoy (requête no 51207/99).

A. Faits relatifs à la requête no 50147/99

10. Le 15 octobre 1943, Mme Ojeni Dundes Roman (ci-après « Mme Roman »
ou « de cujus ») désigna la Fondation comme son héritière quant à son
immeuble, sis à BeyoÄ?lu (Istanbul).

11. A la suite du décès de Mme Roman le 18 novembre 1955, la Fondation
demanda à la préfecture d’Istanbul l’établissement d’une attestation
afin d’effectuer le transfert du titre de propriété en question à son
nom. La préfecture donna suite à cette demande et délivra une
attestation. Ainsi, le 19 mai 1955, la requérante obtint l’inscription
de son titre de propriété sur le registre foncier.

12. Le 8 janvier 1992, le Trésor public introduisit un recours devant
le tribunal de grande instance de BeyoÄ?lu (« tribunal de grande
instance ») tendant à l’annulation du titre de propriété de la
requérante et à l’inscription de celui-ci au nom de l’ancienne
propriétaire.

13. Par un jugement du 24 février 1998, le tribunal de grande instance
annula le titre de propriété de la requérante et ordonna sa
réinscription sur le registre foncier au nom de l’ancienne
propriétaire. Pour ce faire, il se référa à la jurisprudence des
chambres civiles réunies de la Cour de cassation, établie le 8 mai
1974, selon laquelle les fondations qui appartenaient aux minorités
religieuses telles que définies par le Traité de Lausanne et qui
n’avaient pas indiqué dans leur statut leur capacité d’acquérir des
biens immobiliers, ne pouvaient ni en acheter ni en accepter en tant
que donataire. Dans ce cas, les biens immobiliers de ces fondations
étaient limités à ceux figurant dans leur statut, devenu définitif par
leur déclaration des biens faite en 1936. Le tribunal constata que la
requérante faisait partie de cette catégorie de fondations et qu’elle
ne pouvait acquérir de biens immobiliers.

14. Le 20 octobre 1998, la Cour de cassation confirma le jugement de
première instance et elle rejeta la demande en rectification de
l’arrêt le 25 janvier 1999.

15. Dans le même temps, le 13 septembre 1994, Ã la suite d’une demande
du Trésor public, le tribunal de grande instance désigna celui-ci
comme légataire de la de cujus au motif que cette dernière était
décédée sans laisser de descendant.

16. Le 3 mai 2005, le Gouvernement informa la Cour que, le 2 juillet
2004, le bien litigieux avait été inscrit au nom du Trésor public.

B. Faits relatifs à la requête no 51207/99

17. Par un acte notarié du 8 mai 1967, Mmes Sanik Babikyan et Agavni
Siyanus Babikyan désignèrent la requérante comme leur héritière quant
à leur immeuble, sis à Kadıkoy. Puis, en 1970, Mmes Babikyan
décédèrent sans héritier. Cependant, le titre de propriété du bien ne
fut pas inscrit sur le registre foncier, alors que la requérante
affirmait en avoir disposé paisiblement et sans interruption jusqu’en
1992, date à laquelle le Trésor public avait introduit une action Ã
son encontre. Pendant cette période, elle affirme avoir loué ce bien
immobilier à des tiers, avoir assuré son entretien et payé des taxes.

18. Le 31 mars 1992, le Trésor public introduisit un recours devant le
tribunal de grande instance de Kadıköy (« tribunal de grande instance
») aux fins d’annulation du testament fait au profit de la requérante.

19. Par un jugement du 14 avril 1994, le tribunal de grande instance
fit droit à la demande du Trésor public. Pour ce faire, il se référa Ã
la jurisprudence des chambres civiles réunies de la Cour de cassation,
établie le 8 mai 1974, selon laquelle les fondations qui appartenaient
aux minorités religieuses telles que définies par le Traité de
Lausanne et qui n’avaient pas indiqué dans leur statut leur capacité
d’acquérir des biens immobiliers, ne pouvaient ni en acheter ni en
accepter en tant que donataire. Par conséquent, les biens immobiliers
de ces fondations étaient limités à ceux figurant dans leur statut,
devenu définitif par leur déclaration des biens faite en 1936. Il
constata que la requérante faisait partie de cette catégorie de
fondations et qu’elle ne pouvait acquérir de biens immobiliers par
voie de donation ou de succession.

20. Par un arrêt du 25 octobre 1994, la Cour de cassation infirma ce
jugement pour défaut d’examen par le tribunal de grande instance de la
qualité Ã agir du Trésor public.

21. A une date non communiquée, le Trésor public produisit le jugement
du 26 septembre 1995 rendu par le tribunal d’instance de Kadıköy et
désignant celui-ci comme légataire des de cujus.

22. Le 7 novembre 1995, le tribunal de grande instance réitéra son
jugement initial. En outre, il considéra qu’un testament établi par
deux personnes ne devait pas être considéré comme juridiquement
valable.

23. Par un arrêt du 9 avril 1996, la Cour de cassation infirma Ã
nouveau ce jugement, soulignant notamment que le testament établi en
faveur de la requérante devait passer pour juridiquement valable. En
relevant que certains documents produits par la requérante n’avaient
pas été versés au dossier, elle considéra qu’un expert devait se
prononcer sur l’authenticité de ces documents et leur portée quant Ã
la capacité de la requérante d’acquérir des biens immobiliers.

24. Le rapport d’expertise établi le 5 mai 1997 Ã la demande du
tribunal de grande instance mentionna que la déclaration faite en 1936
par la requérante reconnaissait à celle-ci la capacité d’acquérir des
biens immobiliers par voie d’achat. Il considéra que celle-ci pouvait
également acquérir un bien immobilier par voie de succession.

25. Le 30 octobre 1997, le tribunal de grande instance réitéra son
jugement précédent. Il ne retint pas l’interprétation faite par
l’expert et releva que le statut de la requérante ne reconnaissait pas
expressément et clairement le droit pour celle-ci de faire
l’acquisition d’un bien immobilier par voie de succession ou donation.

26. Par un arrêt du 22 septembre 1998, la Cour de cassation confirma
le jugement attaqué. Le 25 février 1999, elle rejeta la demande en
rectification de l’arrêt introduite par la requérante.

C. Faits communs aux deux requêtes

27. Le 9 août 2002, à la suite des amendements apportés à la loi no
2762 sur les fondations par la loi no 4771, la requérante demanda à la
Direction régionale des fondations la réinscription des biens
litigieux au registre à son nom. Cependant, elle ne put obtenir une
réponse favorable à cette demande.

EN DROIT

28. Le 29 mars 2007, la Cour a reçu du Gouvernement la déclaration suivante :

« 1. Le Gouvernement note qu’Ã l’origine de l’affaire se trouve une
interprétation des dispositions de la loi no 2762 sur les fondations
faite par les chambres civiles réunies de la Cour de cassation, le 8
mai 1974. Cette jurisprudence a eu pour conséquence de priver la
fondation requérante de la possibilité d’acquérir des biens
immobiliers par donation, au motif qu’ils ne figuraient pas dans sa
déclaration déposée en 1936.

Il souligne qu’après l’introduction des présentes requêtes et dans le
but de mettre en conformité le droit turc avec les exigences de la
Convention, les lois nos 4771 du 9 août 2002 et 4778 du 2 janvier
2003, ainsi que le règlement du 24 janvier 2003 relatif Ã
l’acquisition de biens immeubles par les fondations des communautés
ont été adoptés. En vertu desdites dispositions, la requérante, comme
l’ensemble des fondations se trouvant dans un statut similaire,
peuvent acquérir des biens immobiliers sous certaines restrictions
d’ordre général.

2. En vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine les
requêtes nos 50147/99 et 51207/99, le Gouvernement s’engage Ã
restituer à la partie requérante les biens litigieux dans leur état
actuel et à lui verser 15 000 EUR (quinze mille euros) pour frais et
dépens, dans les trois mois à compter de la notification de l’arrêt de
la Cour rendu en vertu de l’article 39 de la Convention. Cette somme
ne sera soumise à aucun impôt ou charge fiscale en vigueur à l’époque
pertinente et sera versée en euros, Ã convertir en nouvelles livres
turques au taux applicable à la date du règlement, sur un compte
bancaire indiqué par la requérante ou par ses conseils dûment
autorisés. A défaut de paiement dans ledit délai, le Gouvernement
s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au
paiement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux
égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale
européenne applicable pour cette période, augmenté de trois points de
pourcentage.

Cette restitution et ce paiement vaudront le règlement définitif de l’affaire.

3. Le Gouvernement considère que la surveillance qu’exercera le Comité
des Ministres du Conseil de l’Europe sur l’exécution de l’arrêt rendu
en l’espèce par la Cour constitue un mécanisme adéquat en vue
d’assurer que des améliorations continuent d’être apportées quant aux
questions qui y sont soulevées.

4. Enfin, le Gouvernement s’engage à ne pas solliciter, après le
prononcé de l’arrêt, le renvoi de l’affaire à la Grande Chambre
conformément à l’article 43 § 1 de la Convention. »

29. Dans l’entretemps, le 16 mars 2007, l’un des avocats de la
requérante avait communiqué Ã la Cour la déclaration suivante, signée
par la requérante :

« 1. J’ai pris connaissance de la déclaration du gouvernement de la
République de Turquie selon laquelle il s’engage à restituer les biens
litigieux dans leur état actuel et à verser 15 000 EUR (quinze mille
euros) pour frais et dépens, dans les trois mois à compter de la
notification de l’arrêt de la Cour rendu en vertu de l’article 39 de
la Convention, en guise de règlement amiable des requêtes enregistrées
sous les numéros 50147/99 et 51207/99. Exonérée de tout impôt
éventuellement applicable, cette somme sera versée en euros, Ã
convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du
règlement, sur un compte bancaire indiqué par la requérante ou
moi-même. A compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au règlement
effectif de la somme en question, il sera payé un intérêt simple à un
taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque
centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.

2. J’accepte cette proposition et renonce par ailleurs à toute autre
prétention à l’encontre de la Turquie à propos des faits à l’origine
desdites requêtes. Je déclare l’affaire définitivement réglée.

3. La présente déclaration s’inscrit dans le cadre du règlement
amiable auquel le Gouvernement et la requérante sont parvenus.

4. En outre, je m’engage à ne pas demander, après le prononcé de
l’arrêt, le renvoi de l’affaire à la Grande Chambre conformément Ã
l’article 43 § 1 de la Convention. »

30. La Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les
parties (article 39 de la Convention). Elle est assurée que ce
règlement s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les
reconnaissent la Convention ou ses Protocoles (articles 37 § 1 in fine
de la Convention et 62 § 3 du règlement).

31. Partant, il convient de rayer l’affaire du rôle.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, Ã L’UNANIMITÉ,

1. Décide de rayer l’affaire du rôle ;

2. Prend acte de l’engagement des parties de ne pas demander le renvoi
de l’affaire à la Grande Chambre.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 juin 2007 en
application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

dimanche 9 février 2014,
Stéphane ©armenews.com
– 197

http://www.armenews.com/article.php3?id_article