Préoccupations face aux écoles russes en Arménie

ARMENIE
Préoccupations face aux écoles russes en Arménie

Les nouvelles sur l’adhésion de l’Arménie à l’Union douanière,
exprimées lors de la visite en septembre du président Serge Sarkissian
à Moscou, ont donné lieu à des spéculations en Arménie sur l’hypothèse
selon laquelle Moscou ferait de sérieux efforts dans la promotion de
la langue russe en Arménie.

Alors que certains en Arménie réagisse à une telle possibilité par
l’indifférence , de nombreux autres perçoivent la possible «
renaissance » du russe comme une menace à la langue arménienne en
particulier, et à l’identité nationale arménienne en général. Ces
préoccupations ne sont pas infondées, étant donné que le russe est la
langue officielle de l’Union douanière et que de hauts fonctionnaires
russes ont exprimé à plusieurs reprises l’idée d’une vulgarisation de
la langue russe en Arménie. Lors d’une réunion avec son homologue
arménien en septembre, le président russe Vladimir Poutine a parlé des
initiatives culturelles que Moscou va réaliser en Arménie dans un
proche avenir, y compris l’ouverture d’un lycée russe en et une
branche de l’Université d’Etat de Moscou.

Plus tôt en septembre Erevan a accueilli une table ronde intitulée «
Langue russe en tant que base de la création de la civilisation et du
développement de l’Union eurasienne » au cours de laquelle les
participants venus d’Arménie, de Russie, du Kazakhstan et de la
Biélorussie ont parlé du russe comme la langue de l’économie et de la
sécurité. Les responsables russes ont également évoqué les mesures
pour renforcer la position de la langue russe en Arménie. La question
de la langue a été au centre de l’attention de la population
arménienne depuis 2010, après l’adoption du projet de loi controversé
proposé par le gouvernement sur l’ouverture d’écoles de langues
étrangères en Arménie. Le projet de loi a mis fin à une interdiction
vieille de 20 ans de l’éducation en langue étrangère dans le pays,
imposé au cours des premières années de l’indépendance. Il a ouvert la
voie à l’ouverture de (11) écoles privées de langues étrangères en
Arménie.

Les modifications, que beaucoup ont considéré comme une tentative de
rétablir l’enseignement de la langue russe, ont crée une grande
controverse dans la société arménienne avec des adversaires qui
prétendent que l’existence d’écoles de langues étrangères en Arménie
seraient préjudiciables à l’identité nationale. (Pendant l’époque
soviétique, environ 30 pour cent des écoles en Arménie propposaient
une éducation en langue russe) Un mouvement civil « Nous sommes contre
la réouverture des écoles de langues étrangères » qui a été créée en
Arménie, avait organisé une série d’actions de protestation contre
cette réforme. Les affiches avaient été répartis dans toute la ville
avec des slogans du type : « Gardez vos gènes et votre langue », « Non
à la colonisation ». Le groupe n’a pas réussi à empêcher la
ratification du projet de loi, mais en raison de ses efforts au lieu
de 32 écoles étrangères que le projet de loi prévoyait, leur nombre a
été réduit à onze.

« En fait, les étapes de la propagation de la langue russe en Arménie
n’ont pas été prises maintenant, mais ont commencé il y a quelques
années, principalement avec des amendements à la loi et la création de
l’agence russe « Rossotrudnichestvo », explique Aram Apatyan, un
membre de l’initiative « Nous sommes contre la réouverture des écoles
de langues étrangères ».

« Comme notre initiative a débuté avant (pendant les manifestations
contre la ratification du projet de loi) de même nous dirions
aujourd’hui – les programmes destinés à la vulgarisation des langues
étrangères ne doivent pas se faire au détriment de la langue
maternelle » a-t-il dit. Apatyan apporte l’exemple du lycée russe qui
doit ouvrir bientôt en Arménie, en avançant que les diplômés du lycée
sauront l’arménien que superficiellement. « La langue fait partie de
la culture quand elle est activement utilisée dans toutes les sphères
de la vie. Toute école de langue étrangère, que ce soit l’École
Internationale de Dilidjan ou le lycée russe est une menace pour la
langue arménienne. Le système éducatif en Arménie doit être en langue
arménienne pour tous les citoyens d’Arménie qui sont d’origine
arménienne » dit-il, ajoutant que l’accentuation de la« nature
inférieure » de l’arménien par rapport à d’autres langues comporte de
nombreux risques, y compris la perte de l’identité .

Toutefois, les partisans de l’enseignement des langues étrangères font
valoir que le russe est la langue de la puissance régionale et est
donc essentiel pour les Arméniens. Beaucoup de parents à Erevan
préfèrent que leurs enfants fréquentent des écoles avec un biais en
langue russe, (et en anglais) ; certains parents ont recours à
diverses astuces pour inscrire leurs enfants dans les écoles russes ou
« classes russes ». Pour inscrire un enfant dans ces classes, l’un des
parents doit avoir la nationalité étrangère. Beaucoup de parents
donnent la tutelle de leur enfant à un parent qui vit en Russie, pour
inscrire un enfant dans une classe russe. (Il y a 1400 écoles en
Arménie, 42 d’entre eux offrent des « classes de langue russe ». Par
ailleurs, il existe cinq écoles russes qui sont dans la compétence du
ministère de la Défense.). Andranik Nikogosyan, Président de l’Union
de la Jeunesse de la Communauté des Etats indépendants (CEI), estime
que la langue russe est une partie intégrante de la culture
arménienne, car depuis des siècles le peuple arménien a eu des liens
étroits avec les Russes. « Nous avons une histoire commune, un passé
commun et je suis sûr que nous avons un grand avenir », a dit
Nikoghosyan. « Le russe est une langue internationale et régionale, et
nous devons également tenir compte du fait que le russe est la langue
de l’union douanière. Comment pouvons-nous faire partie d’une union
économique sans connaître un langage commun ? »

Il y a deux ans, à l’initiative de l’Union de la jeunesse de la CEI un
premier centre de formation en langue russe a été ouvert à Erevan.
Maintenant, il y a environ 100 de ces centres qui opèrent dans toute
la république, dont dix sont situés dans la capitale. Aujourd’hui,
environ 7000 personnes étudient le russe dans les centres de formation
; 3000 autres ont suivi les cours. L’enseignement est gratuit ; 140
enseignants de langue russe travaillent dans les centres. Depuis 2011,
trois maisons d’édition russes ont été ouvertes en Arménie. « Dans les
deux dernières années, plus de 100 000 livres russes ont été vendus
dans nos magasins. 20000 autres personnes seront inscrites dans les
formations de russe en décembre. Les faits sont évidents : le nombre
de personnes prêtes à étudier le russe est si élevé, que les centres
sont surchargés et nous pensons à en ouvrir plus. Les gens décident
par eux-mêmes ce dont ils ont besoin » explique Nikogohosyan.

Ruben Tarumyan, membre de l’initiative « Nous sommes contre la
réouverture des écoles de langues étrangères », dit qu’il ne doute pas
que Moscou prendra plus de mesures pour la diffusion de la langue
russe, mais pour lui, il est évident que l’anglais connaît une hausse
de la demande par rapport au russe en Arménie.

« Je dirais que les parents qui voit l’avenir avec la langue russe
joue avec le destin de leurs enfants », explique Tarumyan. « Ne
laissez pas vos enfants perdent leur langue maternelle, car cela
signifierait la perte de la culture ».

Par Julia Hakobyan

ArmeniaNow

dimanche 27 octobre 2013,
Stéphane ©armenews.com

From: A. Papazian