Civils syriens, le SOS

Sud Ouest, France
Vendredi 21 Juin 2013

Civils syriens, le SOS

: Recueilli par Christophe Lucet

AIDE HUMANITAIRE En prenant la présidence de Médecins sans
frontières, le docteur Mégo Terzian lance un cri d alarme pour la
Syrie

” Sud Ouest “. Arménien né au Liban, pédiatre, vous présidez MSF après
un parcours atypique

Mégo Terzian. Étudiant en médecine au Liban, j ai dû quitter le pays
en 1989 et suis parti finir mes études en Arménie, mon pays, où j ai
obtenu mon diplôme de pédiatre. À Erevan, j ai rencontré le chef de la
mission MSF, étonné de croiser un étudiant francophone dans ce pays
fermé. Il m a recruté comme traducteur au Nagorny-Karabakh, enclave
arménienne en Azerbaïdjan. J ai découvert l humanitaire en Sierra
Leone en 1999. J ai enchaîné les missions puis rejoint le département
des urgences à Paris. Adjoint puis responsable en 2010, j ai géré les
crises : Sri Lanka, Yémen, Libye, Côte d Ivoire, séisme et choléra en
Haïti.

Et bien sûr la Syrie

Oui, j ai été en charge des opérations d urgence jusqu à fin mai dans
une région où j ai des attaches. Comme président de MSF, je suis
garant de la sécurité des équipes travaillant en pays difficiles. La
Syrie est l un des plus dangereux.

Avec cinq hôpitaux en zone rebelle, comment gérer le risque ?

En ouvrant le premier le 22 juin 2012, nous avions informé Damas, qui
nous a demandé de partir car nous étions entrés illégalement en Syrie.
Mais nous sommes restés car les besoins humanitaires n étaient pas
couverts. Les autorités syriennes savent où sont nos hôpitaux mais,
bien que les missions médicales soient des cibles, les nôtres n ont
pas été bombardées. Elles emploient 100 étrangers et 300 Syriens et
mènent aussi des campagnes de vaccination. Nous avons des équipes au
Liban, en Turquie et en Jordanie à Zaatari, le plus grand camp de
réfugiés de la région. Les autorités jordaniennes font leur possible
mais les conditions y sont précaires et on entend des Syriens dire qu
ils préféreraient rentrer chez eux malgré les risques plutôt que d y
rester.

Vous avez lancé à l ONU un SOS

Oui. On entend parler de l arme chimique et nous le prenons très au
sérieux, en stockant kits de protection et médicaments. Or, pour l
instant, et là où nous sommes, nos hôpitaux et réseaux syriens n ont
pas rapporté de cas suspects. En attendant, les bombes tuent au
quotidien et c est la première fois que je vois arriver autant de
blessés : jusqu à 200 par jour. Autres problèmes graves : les
déplacements de population et les camps spontanés aux frontières.

La population a-t-elle encore accès aux soins ?

Dans les zones rebelles où vit un Syrien sur deux, non. La diaspora a
installé des centres temporaires mais ils sont dédiés aux blessés de
guerre et, à part MSF, l aide humanitaire est absente. Les femmes
enceintes, enfants, vieillards, malades sont négligés et ne savent où
aller. Un diabétique en rupture de traitement peut mourir de coma
diabétique faute de soins. En zone gouvernementale, le tiers des
centres de santé sont endommagés ou détruits, les médicaments
manquent, la moitié des ambulances sont hors service. Et les centaines
de milliers de déplacés entassés en banlieue de Damas ou d Alep n ont
presque aucun accès aux soins médicaux ou sociaux. C est là le
principal problème, plus que l argent.

Qu espérez-vous ?

Que les belligérants respectent le travail des acteurs de terrain et
qu une volonté politique internationale force le gouvernement central
à accepter l arrivée de secours à toute la population. Je serais plus
optimiste si la conférence de Genève 2 avait lieu

” En zone rebelle, où vit un Syrien sur deux, les civils n ont aucun
accès aux soins ”