Turquie : Erdogan Relance L’Epreuve De Force Face A Des Manifestants

TURQUIE : ERDOGAN RELANCE L’EPREUVE DE FORCE FACE A DES MANIFESTANTS DETERMINES

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a relance dimanche
l’epreuve de force avec les manifestants qui reclament depuis dix
jours sa demission en appelant ses electeurs a leur “donner une lecon”
aux elections municipales de 2014.

Au lendemain d’une nouvelle journee de contestation qui a vu des
dizaines de milliers de personnes descendre dans les rues de plusieurs
grandes villes du pays, le chef du gouvernement a renoue avec sa
rhetorique offensive en qualifiant les protestataires de “terroristes”
ou de “vandales”, pour le plus grand plaisir de ses partisans.

“Il n’y a plus que sept mois jusqu’aux elections locales. Je veux que
vous donniez a ces gens une première lecon par des voies democratiques
dans les urnes”, a-t-il lance a son arrive a l’aeroport d’Adana (sud)
devant une claque de plusieurs milliers de personnes organisee par
son Parti de la justice et du developpement (AKP).

“Ils sont lâches au point d’insulter le Premier ministre de ce
pays”, a poursuivi M. Erdogan, en presentant a nouveau son parti
islamo-conservateur comme “le parti des 76 millions” d’habitants de
la Turquie.

Depuis le debut du mouvement, les manifestants reprochent au chef
du gouvernement, leur principale cible, sa derive autoritaire et sa
volonte d’islamiser le pays.

A Istanbul, Ankara, Adana (sud) ou Izmir (ouest), des dizaines de
milliers d’entre eux ont montre leur determination en se rassemblant
jusque tard dans la nuit de samedi a dimanche dans une ambiance
de fete.

La place Taksim d’Istanbul et son petit parc Gezi, dont la destruction
annoncee a lance la fronde le 31 mai, a enregistre samedi soir sa
plus forte affluence depuis le debut du mouvement. Ce bastion de la
contestation a meme pris des airs de stade de football grâce au soutien
de milliers de supporters des trois clubs de la ville, Besiktas,
Fenerbahce et Galatasaray, venus se meler aux protestataires et aux
touristes. “C’etait incroyable, tellement beau d’etre tous ensemble”,
a dit a l’AFP Aykut Kaya, un etudiant de 23 ans en repliant sa tente.

Buse Albay, une architecte de 25 ans, a elle promis de rester sur la
place “aussi longtemps qu’il faudra”, jusqu’a la demission de M.

Erdogan. “Les gens veulent leur liberte et ils le disent”, a-t-elle
ajoute. Des milliers de manifestants se sont egalement reunis a Izmir
dans la meme atmosphère de kermesse.

Epreuve de force

A l’inverse, de violents affrontements ont eclate samedi soir lorsque
la police est intervenue avec des canons et des gaz lacrymogènes
pour empecher une partie des quelque 10.000 manifestants rassembles
au centre-ville de marcher sur le Parlement. Selon les medias turcs,
des echauffourees ont egalement ete signalees a Adana (sud) a l’issue
d’une manifestation entre opposants et partisans du Premier ministre.

Ces incidents et la strategie de la confrontation a nouveau adoptee par
M. Erdogan dimanche a la faveur de son deplacement a Adana suscitent
questions et inquietudes sur la suite du mouvement et les risques
d’escalade entre les deux camps.

Le prix Nobel de litterature Orhan Pamuk, une voix respectee en
Turquie, a lui-meme confie son desarroi après plus d’une semaine
d’une contestation sans precedent depuis l’arrivee au pouvoir de
l’AKP en 2002. “Je suis inquiet car il n’y a toujours pas en vue de
signes d’un denouement pacifique”, a declare l’ecrivain lors d’une
conference a Rome, cite par la presse turque, “je comprends la facon
de protester des gens”.

Après son “show” de la mi-journee a Adana, identique a celui qu’il
avait dirige dans la nuit de jeudi a vendredi a Istanbul a son retour
d’un voyage au Maghreb, M. Erdogan doit rallier en fin de journee
la capitale Ankara, où de nouvelles manifestations de soutien sont
attendues.

L’AKP a d’ores et deja prevu de recidiver avec deux reunions publiques
de masse samedi prochain a Ankara et le lendemain a Istanbul,
officiellement pour lancer sa campagne pour les elections municipales
de l’an prochain. Une nouvelle occasion pour le Premier ministre de
repondre aux dizaines de milliers de Turcs qui le narguent, souvent
bière a la main, devant les cameras du monde entier.

La vague de contestation qui secoue depuis dix jours la Turquie a
affaibli son gouvernement, critique par des allies cle comme les
Etats-Unis ou l’Union europeenne pour la brutalite de la repression
policière.

Ces evenements sont egalement suivis de près dans les pays des
“printemps arabes”, notamment en Egypte et en Tunisie, où les
islamistes au pouvoir ont souvent vu le modèle turc de l’alliance
entre islam et democratie comme un exemple.

lundi 10 juin 2013, Stephane ©armenews.com