Reporters sans frontières dénonce fermement la condamnation de Sevan

TURQUIE
Reporters sans frontières dénonce fermement la condamnation de Sevan Nisanyan

Reporters sans frontières dénonce fermement la condamnation à treize
mois et demi de prison du journaliste turc-arménien Sevan Nisanyan,
pour avoir tenu sur son blog des propos jugés offensants envers
Mahomet.

« La condamnation de Sevan Nisanyan à une peine privative de liberté
constitue une violation grave de la liberté de l’information, et un
signal d’intimidation inacceptable envoyé à ses collègues. Elle doit
être cassée en appel. La répression des propos critiques de l’islam
n’a pas sa place dans un Etat laïc comme la Turquie. Nous avons
régulièrement salué le reflux progressif des tabous kémalistes –
laïcs, nationalistes et militaristes. Mais la démocratie n’en
bénéficiera pas s’ils viennent à être remplacés par une nouvelle
censure religieuse. Nous appelons le législateur turc à abroger
l’article 216-3 du code pénal, disposition liberticide sur lequel
s’engagent de plus en plus de poursuites », a déclaré Reporters sans
frontières.

Le 22 mai 2013, la 14e chambre du tribunal de police d’Istanbul a jugé
Sevan Nisanyan coupable d’avoir « dénigré les valeurs religieuses
d’une partie de la population », dans un article publié sur son blog
le 29 septembre 2012. Quinze plaintes différentes avaient été
enregistrées contre le journaliste suite à la parution de ce billet.
Les juges ont déclaré que la peine de prison prononcée contre Sevan
Nisanyan ne pouvait être commuée en sursis, car celui-ci avait déjà
été condamné par le passé. Si le verdict est confirmé en appel et par
la Cour de cassation, le journaliste devra donc effectuer sa peine.

Dans l’article incriminé, intitulé « Il faut combattre les crimes de
haine », le journaliste revenait sur les polémiques engendrées par le
film anti-islam « L’innocence des musulmans ». Il soulignait que la
lutte contre les crimes de haine était absolument nécessaire, que
ceux-ci visent des musulmans ou d’autres groupes, mais estimait que la
vidéo controversée n’en constituait pas un. « Ridiculiser un leader
arabe qui a prétendu il y a des siècles avoir pris contact avec Allah,
et qui en a tiré des profits politiques, économiques et sexuels (…),
ne constitue pas un crime de haine. C’est un test du niveau de l’école
maternelle de ce qu’on appelle la liberté d’expression. »

« Il faut aussi se demander pourquoi ces amis, jadis si prompts à
dénoncer les crimes de haine commis contre les minorités et autres
groupes ethniques de notre pays, n’arrivent plus à faire preuve de la
même cohérence quand il s’agit de réagir pour défendre l’islam et les
musulmans (…) », écrivait-il plus loin.

L’article 216-3 du code pénal, qui interdit de « dénigrer ouvertement
les valeurs religieuses d’une partie de la population », a été
introduit par une réforme législative en 2005. Toute infraction jugée
« suffisante pour mettre en péril la paix publique » est passible de
six mois à un an de prison. C’est cette disposition qui avait été
invoquée à l’encontre du pianiste Fazil Say, condamné en avril 2013 à
dix mois de prison avec sursis. Ce verdict avait cependant été
invalidé deux semaines plus tard pour « vices de procédure ».

dimanche 26 mai 2013,
Stéphane ©armenews.com

http://www.armenews.com/article.php3?id_article=89921