Traces d’Arménie

Sud Ouest, France
Vendredi 4 Mai 2012
P. ATLANTIQUES PAYS BASQUE EDITION

Traces d’Arménie

par EMMANUEL PLANES

BIARRITZ L’exposition de photographies présentée à la crypte de
l’église Sainte-Eugénie fait découvrir l’art des khatchkars, pierres à
croix de l’Arménie médiévale

Le terme de khatchkar n’évoque pas grand-chose au commun des mortels.
Il s’agit pourtant d’un des témoignages les plus originaux du
patrimoine arménien. Il s’agit de stèles de pierre portant une croix
sculptée : khatch veut dire croix, et kar signifie pierre. Les
premières oeuvres datées remontent au IX e siècle, et cet art n’a
cessé de fleurir depuis plus d’un millénaire.
À la crypte de l’église Sainte-Eugnéie de Biarritz, on peut découvrir
une soixantaine de superbes photographies en couleur révélatrices de
cet art des khatchkars. Elles ont été réalisées par le photographe et
historien d’art Zaven Sargsyan. Cette exposition, dont l’initiative
revient à l’ambassade d’Arménie en France, avait été présentée l’été
dernier à la salle Miro de l’Unesco, à Paris.

Ces croix sculptées, arborescentes, suscitent aussitôt les
interrogations. « Ce ne sont pas des crucifix, souligne le très savant
Patrick Donabédian, maître de conférences à l’université
d’Aix-Marseille. Il s’agit de croix arbres de vie, symboles non pas de
la mort du Christ, mais de sa victoire sur la mort. C’est pourquoi la
nature végétale de la croix s’impose ».

Raisins et grenades

Patrick Donabédian insiste sur cette ornementation : « Du pied de la
croix partent deux branches élégamment recourbées qui rejoignent
souvent les deux bras latéraux. Au bras supérieur de la croix sont
accrochées deux autres pousses, qui sont souvent une grappe de raisin
et une grenade, fruits à vocation eucharistique ». Aux ornements
végétaux s’ajoutent les entrelacs, qui, « par leur mouvement sans
début ni fin, renforcent la symbolique de la vie éternelle ».

La majorité de ces khatchkars sont des stèles funéraires dressées à
l’extrémité orientale d’une tombe où se trouvent les pieds du défunt,
« de façon qu’au jugement dernier, il puisse se relever vers l’Est
d’où viendra le salut ».

Nombre de ces pierres sont munies d’inscriptions qui permettent de les
dater. On ne les retrouve plus que dans les régions où subsistent des
traces historiques de l’Arménie. Malheureusement, certaines ont été
volontairement effacées du paysage. C’est le cas du cimetière de
Djoulfa, le plus grand de toute l’Arménie historique, qui comptait
encore récemment plusieurs milliers de khatchkars, entièrement détruit
en 2002 et 2005 par les autorités azerbaïdjanaises.

En admirant ces photographies, on ne peut s’empêcher de penser aux
stèles discoïdales du Pays basque. Tout naturellement ont été rajoutés
quelques dessins et photos prêtés par le Musée basque et permettant de
rapprocher ces deux arts ancestraux.
« Un pas de croix », les quinze étonnants oratoires d’Elisabert
Lemaigre-Voreaux, conçus à partir de matériaux de récupération,
apportent une note de création contemporaine à cet hommage à un
patrimoine millénaire.

From: A. Papazian

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