Resistant-Poete, Rouben Melik Honore A Paris

RESISTANT-POETE, ROUBEN MELIK HONORE A PARIS

Collectif VAN

19-09-2011

La Ville de Paris rend hommage au poète et resistant Rouben Melik
(1921-2007) ecrivain d’origine armenienne le mardi 20 septembre 2011
a 18 heures precises, avec l’inauguration d’une plaque commemorative
apposee sur la facade de l’immeuble où il est ne et a vecu plus de
50 ans. Le texte de la plaque est le suivant : “Ici est ne et a vecu
de 1921 a 1974 le poète et resistant Rouben Melik 1921/2007”. Nombre
d’Armeniens, contraints de s’expatrier a la suite du genocide commis
par le gouvernement turc en 1915, se sont trouves integres en France,
durant la seconde guerre mondiale, dans les mouvements syndicaux et
politiques tels que la MOI (Main d’~Luvre Immigree), d’obedience
communiste. Rouben etait en contact avec les Resistants armeniens
et les FTP (Francs Tireurs Partisans) dans le sillage du groupe
Manouchian. Dans ce contexte, Rouben, aux côtes d’autres poètes
deja connus et engages – Louis Aragon, Robert Desnos, Rene Char,
Max Jacob et Paul Eluard, avec lequel il se lie d’amitie – trouve
dans la poesie l’expression de la Resistance. Menaces de mort, les
poètes chantent la vie, l’espoir, la liberte et l’amour. “Pour ces
jeunes gens, ecrire un poème c’est faire acte d’individualite et de
liberte, donc de resistance [ … ], avec des poèmes qu’on s’echange
[ … ] comme des mots de passe…

La Legende armenienne (Rouben MELIK)

La legende armenienne au coin de la misère, Sur le disque casse des
nuits occidentales, Dans les chambres d’hôtel aux murs des cathedrales
La legende armenienne a berce la lumière.

La legende armenienne aux lèvres de la mer, Aux reves de l’enfant dans
les villes sans rues, Dans les mains sans travail dans les bouches
vaincues, La legende armenienne enterre sa misère.

C’est la legende aux trois mille ans des emigres, Chambres d’hôtel
paves de bois et les vieux ports, Et les carreaux du ciel sur les
fronts separes, Chambres d’hôtel des Armeniens et passeports.

La legende armenienne aux pas des capitales, Aux doigts de la danseuse,
au village oublie, Sur les cordes du thâr, au village oublie, La
legende armenienne aux pas des capitales.

Plaines de l’Orient et les noms familiers, Dans les miroirs du temps
sur les portes en croix Dans les rires les pleurs les livres les
cahiers C’est la legende a la page une ou trente-trois

C’est la meme legende au fond des ressemblances Des trois mille ans
des trois millions de l’une ou l’autre Dans l’une ou l’autre nuit au
fond des esperances, La legende armenienne est la nôtre et la vôtre.

La legende armenienne aux murs des cathedrales Dans la seule montagne
enterre sa misère, La legende armenienne a le point de lumière Et
donne le soleil aux plans d’hydrocentrales.

Rouben MELIK (La Procession – 1942-1984 Ed. messidor- Temps Actuels
& Rougerie)

*********************************
***************************************

La Ville de Paris rend hommage au poète et resistant Rouben Melik
(1921-2007) ecrivain d’origine armenienne le mardi 20 septembre 2011 a
18 heures precises : inauguration d’une plaque commemorative apposee
sur la facade de l’immeuble où il est ne et a vecu plus de 50 ans –
En presence de M. Viguen Tchitechian, Ambassadeur de la Republique
d’Armenie en France et de M. Daniel Vaillant, depute, maire du 18ème
arrondissement, ancien ministre.

Le texte de la plaque est le suivant : Ici est ne et a vecu de 1921
a 1974 le poète et resistant Rouben Melik 1921/2007

2010 DAC 87 Apposition d’une plaque commemorative en hommage a Rouben
Melik 6 rue de Tretaigne (18e)

Rendez-vous devant l’immeuble du 6 rue de TRETAIGNE 75018 PARIS –
Metro JULES JOFFRIN Informations [email protected] – 06 76 06 17 10

*********************************
**************************************

Wikipedia : Rouben Melik

Rouben Melik, ne le 14 novembre 1921 a Paris, mort en 2007, est un
poète francais d’origine armenienne.

Enfance

“Rouben je viens, mon nom le dit, des autres zones Je viens de l’âge
haut et clair, Dans la bouche le goût des citrons et des chairs Que
brûlèrent les amazones”1

Son père, Levon Melik Minassiantz arrive en France avec sa famille
en 1883, a l’âge de cinq ans. Il est issu d’une famille d’orfèvres
armeniens anoblis a la cour du Shah de Perse (Melik : prince
en persan). Levon est prisonnier de guerre pendant la guerre de
1914-1918. La mère de Rouben, Eraniak (esperance en armenien),
professeur en Georgie, accompagne son mari en France après son
mariage en 1920. La famille, qui beneficie d’une certaine aisance,
s’installe a Montmartre (XVIIIe arrondissement), quartier où naît
Rouben l’annee suivante.

Ces ancetres qui veillent sur le berceau de Rouben guident son
inconscient tout au long de sa vie et lui donnent l’âme et la nostalgie
de ses origines. En lui-meme, se forge le souvenir des temps anciens
du Caucase de ses grands¬parents. Est-ce cet heritage qui pousse plus
tard Rouben a ciseler ses poèmes comme des pierres precieuses serties
dans les bijoux ? Rouben forge son langage dans une double identite :
francaise, avec les professeurs qui font son education a domicile;
armenienne, avec sa mère qui ne parle pas encore le francais. Cet
apprentissage de deux langues a probablement exerce une influence
determinante sur le langage poetique de Rouben, rigoureusement
attache au plus pur francais, mais partage aussi, comme le titre de
son dernier recueil l’evoque (En pays partage, 2000).

“Ce pays que j’accueillis a ma naissance et qui forma le fond de toile
de mon existence, roula dans mon esprit des reves et des realites dont
je ne sentis la lourde presence que lorsque, pour la première fois,
je pus entendre les lointaines berceuses chantees en une langue aux
sonorites captivantes et pus saisir de mes mains les voiles insoumis
des danseuses foulant a leurs pieds des siècles de domination et
de servitude, de desespoir et de fatalite … Plus tard, autour
de la table familiale, au retour des rendez-vous de l’adolescence,
aux terribles instants des examens, la presence du pays dominait ma
memoire, domi¬nait ma tristesse, dominait mes joies et mes espoirs.”2

Rouben frequente les classes elementaires du lycee Rollin. Il est de
sante fragile : il subit les attaques d’une maladie qu’on qualifiera
plus tard de fièvre mediterraneenne, avec laquelle il devra apprendre
a vivre de très longues annees. Cette maladie exacerbe probablement sa
sensibilite et favorise sa comprehension de la souffrance des autres.

À partir de la crise de 1929, l’aisance fait place a des difficultes
financières.

Malgre tout, le sentiment d’une enfance heureuse domine dans les
souvenirs de Rouben Melik, enfance marquee par les comptines de sa mère
et les livres, surtout, qui stimulent son imaginaire deja fertile. Il
lit Jules Verne, Charles Dickens, Hector Malot… les premiers albums
illustres : Becassine, Zig et Puce, Les Pieds Nickeles, La Famille
Fenouillard. Certains livres sont restes les compagnons de toute sa
vie : Les Aventures de Monsieur Pickwick, Alice au pays des Merveilles

Premiers maîtres

Vient le temps des amities adolescentes entre plusieurs cultures :
les amis armeniens et francais, certains d’origine juive, qui marquent
le c~ur et l’âme par leur destin tragique.

Au lycee Rollin (aujourd’hui lycee Jacques-Decour, Paris 09), Rouben
Melik etudie l’allemand avec Daniel Decourdemanche, le futur Jacques
Decour (1910-1942). Rouben Melik dit de lui : “Decour etait un createur
inspire. Il enseignait genereusement, faisait eclore la connaissance,
suscitait la comprehension. Il n’y avait ni maître ni elèves, mais
une classe partageuse et vibrante. [ … ] Decour m’a donne le
goût du langage, de la sonorite et de la musicalite de la langue,
l’allemande, la francaise, et je l’entends toujours reciter le Lied
de Heine qu’il traduisait pour nous.”3 Chez Rouben Melik, l’heroïne
de ce Lied celèbre en Allemagne, Die Lorelei deviendra Madame Lorelei,
dans un poème publie en 1949 et dedie a son professeur :

Aujourd’hui cinq janvier mil neuf cent trente-six, Rouben Melik,
elève applique de troisième, En classe d’allemand, dans des morceaux
choisis, À rencontre MADAME LORELEÏ Poème. “4

En classe de Terminale, son professeur de philosophie est Ferdinand
Alquie ; il a egalement profondement marque le jeune lyceen. Il lui
fait decouvrir la philosophie, la poesie surrealiste, Paul Eluard. Il
conforte Rouben dans son orientation poetique. Rouben Melik dit de
sa culture poetique qu’elle vient beaucoup des livres d’ecole et
surtout des anthologies: “un peu desordonne, passant d’un siècle a
l’autre avec beaucoup de facilite, mais c’est la où j’ai trouve ma
nourriture et mes choix des poètes … C’est une approche naïve de
la poesie et non pas seulement professorale, non pas doctorale.”5.

C’est a l’epoque où il recoit l’enseignement de ces maîtres que Rouben
ecrit ses premiers poèmes.

La guerre et l’engagement politique

“Que disait-il cet homme a la fin que l’on tue Et qui restait debout
sous l’injure et les coups Qu’avait-il donc a rire avec ce rire avec
ce rire fou À regarder plus loin que le coin de la rue”6

La guerre eclate l’annee de son baccalaureat. Au printemps 1940,
c’est l’exode; Rouben Melik part: “La souffrance…La Torture…Notre
epoque a ete marquee par les Oradour et on a vraiment senti en nous
sans avoir ete personnellement atteint dans sa chair, on a vraiment
senti la peur”7. Il passe l’examen en septembre et s’inscrit a la
Faculte des Lettres de la Sorbonne, où il suit les cours de Gaston
Bachelard ; il suit aussi ceux de Paul Valery au collège de France.

Dès juillet 1940 a la Sorbonne, circulent des textes et des tracts
contre la collaboration, signes par l’Union des Etudiants et Lyceens
communistes, .

Les drames de la guerre et de l’occupation nazie touchent Rouben :
son ami Olivier Souef est arrete en novembre 1940 ; il mourra en
deportation a Auschwitz en 1942. L’Universite, les etudiants et les
professeurs sont sous haute surveillance. Il fallait “mettre au pas
l’intelligence francaise” rappelle Francois de Lescure8.

Dans ce contexte, Rouben, aux côtes d’autres poètes deja connus
et engages – Louis Aragon, Robert Desnos, Rene Char, Max Jacob et
Paul Eluard, avec lequel il se lie d’amitie – trouve dans la poesie
l’expression de la Resistance. Menaces de mort, les poètes chantent
la vie, l’espoir, la liberte et l’amour. “Pour ces jeunes gens,
ecrire un poème c’est faire acte d’individualite et de liberte,
donc de resistance [ … ], avec des poèmes qu’on s’echange [ … ]
comme des mots de passe”9

Ainsi, en 1940-1941, Rouben Melik publie Variations de Triptyques ; il
ecrit aussi des poèmes diffuses clandestinement sous forme de tracts.

La censure alle¬mande refuse la publication du recueil Accords du
monde et il lui est interdit de faire une conference sur la poesie
a l’Universite en 1941.

Le veritable engagement de Rouben date de 1942. Cette annee-la il
adhère au Parti communiste. Il rencontre Paul Eluard, dont le poème
Liberte, ecrit en 1942, est parachute dans les maquis. La poesie
devient definitivement synonyme d’engagement pour Rouben Melik.

En 1942, Rouben est egalement confronte a la mort de son professeur
Jacques Decour. Ce dernier, entre en Resistance en 1940, est a
l’origine du Comite national des ecrivains et du premier numero des
Lettres francaises, qui comportait le manifeste des ecrivains de la
zone occupee. Il est arrete et fusille le 30 mai 1942. Sa personnalite
et son action dans la Resistance marquent l’esprit de ses elèves. Il
l’a bien pressenti en ecrivant dans la lettre a ses parents, le matin
de son execution : “je me considère un peu comme une feuille qui tombe
de l’arbre pour faire du terreau. La qualite du terreau dependra
de celle des feuilles. Je veux parler de la jeunesse francaise, en
qui je mets tout mon espoir.” Jacques Decour a contribue de manière
decisive a l’engagement de Rouben aux côtes des communistes, dans le
formidable espoir d’un avenir meilleur – termes qu’emploie jusqu’a
la fin de ses jours le poète.

En 1942, Rouben perd aussi une amie de la Faculte des Lettres. En
lui montrant son etoile jaune, elle lui demande un jour s’il n’a
pas peur de se promener a côte de gens comme elle. Rouben Melik lui
repond: “mais au contraire c’est a côte de gens comme toi qu’il faut
se promener et c’est des gens comme toi qu’il ne faut pas laisser
seuls”10. La jeune fille est morte a Auschwitz. Rouben a garde comme
une precieuse relique le livre Alice au pays des merveilles qu’elle
lui avait offert.

En 1942, au milieu de ces tragedies, il rencontre sa muse, Ella
Kurdian. Immigree de Turquie a l’epoque du genocide armenien,
elle gagne sa vie en cousant et apprend la sculpture a l’Ecole des
Beaux-Arts de Paris. En modelant des femmes dans la terre, elle exprime
leur recherche d’un equilibre difficile a atteindre. Ses sculptures
traduisent son regard sur le monde et sur elle-meme, a la fois
emerveille, interrogateur et douloureux. De leur première rencontre
Rouben dit: “la première fois que je l’ai vue, dans une soiree de
jeunes armeniens, elle etait tellement belle, marchait comme une reine,
mysterieuse, lointaine et semblait flotter au-dessus de tous”. Leur
amour prend racine dans ce Paris en guerre où la poesie et la musique
viennent lutter contre le desespoir. Au jardin du Luxembourg, en
lisant le poème de Paul Eluard La Dame de Carreau qui s’achève par :
“Les cartes m’ont dit que je la rencontrerai dans la vie, mais sans la
reconnaître. Aimant l’amour.”, ils se sont engages pour la vie. Une
carte a jouer oubliee se trouvait au pied du banc, comme un signe :
la Dame de carreau, qu’on retrouvera sur le c~ur d’Ella a sa mort.

“Mais cette voix si familière et ce sourire Depuis quatre ans, et
la rencontre a notre guise Au bout du reve, au bout du quai de la
surprise, Cette carte a tes pieds, et la dame au sourire …”11

En I942, Rouben echappe au STO(Service du travail obligatoire),
mais doit servir l’administration. À la Prefecture de la Seine, il
subtilise des documents et des fichiers afin qu’ils ne tombent pas
aux mains de l’occupant.

Nombre d’Armeniens, contraints a s’expatrier a la suite du genocide
commis par le gouvernement turc en 1915, se trouvent integres en
France au monde du travail et, de ce fait, aux mouvements syndicaux
et politiques tels que la MOI (Main d’~Luvre Immigree), d’obedience
communiste. Rouben est en contact avec les Resistants armeniens,
et les FTP(Francs Tireurs Partisans) dans le sillage du groupe
Manouchian. Pierre Seghers, l’historien le plus fidèle de la poesie de
la resistance donne son temoignage sur Rouben Melik : ” Parce qu’il
etait en ce temps-la, a vingt-deux ans poète debutant, la romancière
et poètesse Lass (Louise Aslanian) – morte au camp de Ravensbruck en
1944 – et qui fut la responsable de Rouben Melik dans la Resistance,
avait donne a celui-ci comme nom de clandestinite “Musset”12.

Rouben se rendra chaque annee a la commemoration du 21 fevrier 1944,
jour où les Resistants du groupe Manouchian ont ete fusilles au
Mont Valerien.

Il fera publier aux Editeurs francais reunis le livre Manouchian
ecrit par Melinee, l’epouse de Missak Manouchian.

À la memoire de Missak Manouchian.

Fusilles “Midi minuit dans tous les champs tentaculaires Sur tous les
fronts colles aux murs des fusillades, Midi minuit colles au cou des
camarades Sur tous les murs chausses de sang d’hommes d’affaires.”13

En 1944 Rouben est membre du Comite de Liberation du XVIIIème
arrondissement de Paris aux côtes des communistes.

La guerre terminee, on reapprend a vivre dans un monde devaste. Des
ideaux qui se sont forges dans la souffrance font desormais rever a
une vie sans guerre ni exploitation de l’homme par l’homme.

En 1945, Rouben est l’un des fondateurs de la Jeunesse Armenienne
de France regroupant les associations armeniennes issues de la
Resistance ; il en est le premier secretaire national et dirige le
journal Armenia. Jusqu’a la fin de ses jours il reste fidèle a ce
mouvement qui a pour vocation première le regroupement des armeniens
de la diaspora autour de l’Armenie.

Militant au Parti communiste dans le XVIIème arrondissement, Rouben
dit de son engagement : “Cette fidelite ? Je la dois a mon passe, a
mes espoirs, a ma jeunesse … ; rester fidèle a la fidelite d’etre
l’un de ceux que ce parti aida aussi a devenir pleinement eux-memes
de c~ur et d’esprit”. Fidelite au parti des Resistants et des
intellectuels de l’après-guerre, “comme une necessite, celle de vivre
et de croire”. Excellent orateur, il savait susciter l’enthousiasme.

Une vie professionnelle au service de la poesie

Ella et Rouben Melik se marient le 24 juin 1944. Dans leur appartement
de Montmartre, ils recoivent beaucoup: les amis d’enfance, les poètes,
les artistes, la “famille” de la communaute armenienne et cette autre
famille des amis politiques.

Après la guerre, Rouben est redacteur a la revue Regards. Ella est
costumière pour le theâtre. De 1954 a 1970 Rouben Melik obtient
un emploi stable au Ministère des Affaires Culturelles, a la Caisse
nationale des Lettres, qui attribue aides et subventions aux ecrivains
et editeurs.

À la radio (ORTF), pendant une vingtaine d’annees, ses chroniques
litteraires hebdomadaires sur la poesie sont diffusees sur France
Culture. “Par la voix, Rouben defendait les poètes oublies injustement,
autant que les contemporains. Mais il fustigeait les faussaires,
ceux qui prônent la page blanche et se livrent a des performances au
relent de siècle passe.”14

De 1971 a 1981, il est directeur litteraire de la maison d’edition
Les Editeurs Francais Reunis (plus tard, Messidor, Temps Actuels),
dirigee par Madeleine Braun. 11 definit ainsi lui-meme son rôle:

“Quelqu’un qui donne des impulsions aux auteurs d’un côte et a la
technique de l’autre. (… ] Personnellement j’aime humer un manuscrit,
y trouver les passages qui accrochent soit sur le plan de l’ecriture,
soit sur celui de la construction de l’ecrit.”

Une place toute particulière est reservee a la poesie avec la
collection “La Petite sirène” qu’il dirige.

En 1973 paraît l’Anthologie de la poesie armenienne, sous sa direction
aux Editeurs Francais Reunis. Une douzaine de poètes francais y
travaillent, a partir de traductions litterales, en collaboration
avec des ecrivains d’Armenie.

L’ailleurs, a la rencontre des autres poètes

Rouben decouvre l’Armenie de ses ancetres en 1968. Fascination,
etonnement et doutes meles. De solides liens d’amitie se tissent
avec les intellectuels. Il y retourne souvent jusqu’en 2003. D’autres
voyages, d’autres traductions, d’autres poètes rencontres et admires :
en Belgique (les rencontres de poesie de Knock-Le-Zout), au Luxembourg,
au Liban, dans l’ex-Yougoslavie (le festival de poesie de Sarajevo),
en Bulgarie, en Lituanie, en Asie centrale. Les poèmes de Rouben sont
traduits en russe, armenien, anglais, allemand, bulgare, serbo-croate
(bosniaque), italien, espagnol et arabe.

En France, il participe a de nombreuses rencontres de poesie. Il
y retrouve des editeurs (Pierre Seghers, Rene Rougerie …) et des
amis poètes (Alain Bosquet, Jean-Claude Renard, Charles Dobzynski,
Jean Follain, Eugène Guillevic, Jean L’Anselme, Robert Sabatier,
Marc Alyn …).

Rouben Melik, ” Le tisserand des vers ”

“N’arrive que de moi Desir lent du poème, achève mon emoi Par ton
achèvement dans le temps qu’une page Te contient, desir sage Que
j’eus de toi.

N’arrive en moi que desire Poème assez dure Pour que je te commence
D’un mot precis et pur autant qu’une semence”15

Rouben dit de son travail d’ecriture: “Je crois de plus en plus en me
relisant, en revoyant les choses qu’il y a un aspect architectural qui
est très propre au peuple armenien. Il y a une volonte une alliance
avec la pierre en Armenie. Il y a dans ma facon de m’approcher du verbe
cette facon de s’approcher de la pierre. C’est de la tailler, tailler
le verbe et de composer le verbe, composer le poème. Le surrealisme
m’a apporte enormement et n’y a-t-il pas de ces images surprenantes
dans ce que les armeniens appellent la pierre: les pierres tombales
sculptees jusqu’a l’infini et pour moi le langage c’est aussi ca,
c’est aller jusqu’a l’infini dans la sculpture du langage.”Toute ma
vie j’ai cherche a faire de l’alexandrin un instrument de travail
que je mène a ma guise, a ma facon.”16

Charles Dobzynski analyse la genèse et l’epanouissement de la poesie
chez Rouben : ” rien de plus fertile que cette double filiation,
a partir de quoi l’on ne se sent totalement soi-meme qu’a travers
les autres et dans le don de la fraternite”17

L’ecriture de Rouben Melik a longtemps ete definie par son classicisme,
un classicisme recompose, revisite, utilisant les alexandrins, les
octosyllabes ou les vers de six pieds.

” Cette ecriture poetique, si structuree et orchestree
polyphoniquement, n’a jamais devie vers la facilite ou l’anecdotisme
ni vers le tout venant de la rhetorique qui pourtant risquait de
l’investir. Elle a trouve son accomplissement dans l’excès et dans la
rigueur: dans l’excès par le foisonnement de l’invention prosodique,
dans la rigueur par le strict contrôle de ses exuberances. Poesie
politique, poesie legendaire, poesie amoureuse, s’entrelassent
illuminees par la meme flamme, a hauteur de vue et de vie.”18

“Tout un peuple est en moi depuis l’evenement Que l’histoire a marque
comme un fatal emblème, Depuis la clameur sourde où s’eleva dement
Comme un chant de douleur le cri de l’anathème”19

“Memoire avec toutes ces choses Que l’on sait bien qu’on laissera Ce
mal de vivre qui repose Si près du c~ur sy brisera.

Que ce soit l’orgue d’une foire Ou la fleur de tulle d’un bal, Ce
rien d’un air dans la memoire, Cette couleur qu’on verra mal

Ils sont de loin comme on emporte Avec sa vie un air de rien, Si près
du c~ur ce bruit de portes Comme un battant qui va et vient. “20,21

Le veilleur de pierre

Quand la voix de Rouben se rompt, les cordes vocales coupees, il coupe
les vers, quitte les alexandrins, fractionne les mots, les ployant
de telle sorte qu’ils suivent le souffle de cette nouvelle voix.

La plume, cette compagne depuis l’adolescence, se tarit un jour de
fevrier 1997 : la muse n’est plus la. Le soir de la mort d’Ella,
les mots ne se forment plus dans le c~ur de Rouben. Il lit toujours
les ~uvres de jeunes poètes et participe encore au jury du prix
Apollinaire; mais l’ecriture l’a deserte.

“Ma morte au temps passe laissee absolument Seule absolument morte en
elle seule et tel1e Aussi ne dise rien qui ne savait comment L’espace
l’entourait deja pour la mortelle

Immobilite sûre où son Corps se divise Et mourra separe. Je m’entourais
de toi Dans le creux de la ville où tu seras surprise Avec la mort
deja près de toi qui s’etoi

le a travers ton attente …. “22

Rouben suit Ella dans la mort dix ans plus tard, s’endormant presque
comme elle un matin de mai 2007.

Jean L’Anselme lui rend hommage ainsi : ” Te voila mort, Rouben Melik,
mais deux mois avant tu etais venu me dire adieu a la Halle Saint
Pierre, où un spectacle m’etait consacre. [. .. ] Saint Pierre a dû
ensuite te laisser les cles. Te voila “Veilleur de Pierre”. [. .. ]
“Son enterrement fùt un vrai opera. Sa voix majestueuse comme tombee
des cintres, amplifiee par un micro, accompagnait son cercueil et
la marche fùnèbre de ses amis. Rouben Melik revivait dans notre
memoire, tragique a son habitude, avec son lyrisme qui a feconde sa
poesie pendant toute son existence … Toute sa poesie fùt empreinte
d’humanite tragique […]23

Notes et references

1. Poème, Le Veilleur de Pierre, 1961 2. Preface du poème Passeurs
d’horizons, 1948 3. Extrait du livre de Pierre Favre, Jacques Decour,
L’oublie des lettres Francaises 1910-1942, Biographie,Editions
LeoScheer, 2002 4. Poème, Madame Lorelei, 1949 5. Interview de
Monsieur Aytekin Karacoban 6. Poème, Ce corps vivant de moi, 1967
7. Revue Faites entrer l’infini, Societe des amis de Loius Aragon et
Elsa Triolet, Interview de Michel Besnier, 2007.

8. Clarte,n°14, octobre-novembre 1958,”Le 11 novembre 1940” par
Francois de Lescure 9. Madeliene Riffaud, On l’appelait Rainer,
Paris, Julliard, 1994 10. Temoignage d’une amie proche du poète
11. Poème, Accords du monde, 1946 12. La resistance et ses poètes,
Pierre Seghers, 1974 13. Poème, Passeurs d’horizons, 1948 14. Rene
Rougerie, Jointure,n°86, 2007 15. Poème arbitraire, 1966 16. Interview,
Aytekin Karacoban 17. Charles Dobzynski, La foret des metamorphoses,
Revue Europe, 1984 18. Charles Dobzynski, Revue Europe, La foret des
metamorphoses, octobre 1984 19. Poème,Le veilleur de pierre, 1961
20. Poème, Hiver, Le Temps de vie, 1957 21. poème mis en musique et
chante par Michèle Bernard en 1980.

22. Poème, La Procession, Elegie 4, 1984 23. Jean L’Anselme ,
Jointure, 2007

Retour a la rubrique

www.collectifvan.org
www.amicalien.com