Vahakn N. Dadrian – Les Enfants Victimes De Genocide : Le Cas Armeni

VAHAKN N. DADRIAN РLES ENFANTS VICTIMES DE G̩NOCIDE : LE CAS ARENIEN

collectifvan.org
29-08-2011

Info Collectif VAN – – Le Collectif VAN vous
invite a lire cette information traduite par Georges Festa et publiée
sur le site ‘Armenian Trends – Mes Arménies’ le 18 aut 2011.

jeudi 18 aout 2011

Légende photo : enfants attendant dans la neige leur admission dans la
” Cité des Orphelins ”, un spectacle quotidien dès l’aube jusque
tard dans la nuit In : James L. Barton, Story of Near East Relief,
New York, 1930, p. 124 ©

Les enfants victimes de génocide : le cas arménien, par Vahakn
N. Dadrian

5ème Congrès biennal international de l’Association Internationale
des Chercheurs sur le Génocide Irish Human Rights Center, Galway,
Irlande, 6-10.06.2003

Journal of Genocide Research, vol. 5, n° 3, 2003

Panorama d’ensemble

Le massacre, organisé au niveau central, des Arméniens de l’empire
ottoman durant la Première Guerre mondiale est considéré comme
le premier génocide majeur du 20ème siècle. En outre, nombre de
chercheurs sur le génocide (Y. Bauer, L. Davidowicz, I. L. Horowitz,
I. Charny, R. Rubenstein) admettent, selon des modalités diverses,
que le génocide arménien fut plus qu’un simple précédent. Il opère
en réalité un lien avec la Shoah qui suivra, du fait de l’impunité
qui fut accordée par le monde civilisé aux perpétrateurs de ce
génocide.

Ce n’est donc pas un hasard si, sur le mur en granite de la salle
d’exposition du Musée de la Shoah a Washingon, D.C., la déclaration
suivante d’Hitler est gravée en lettres majuscules : ” Après
tout, qui parle aujourd’hui de la destruction des Arméniens ? ”
Le dirigeant nazi rassurait ses commandants en chef a la veille de la
Seconde Guerre mondiale quant au fait que ses initiatives génocidaires
imminentes tomberaient elles aussi probablement dans l’oubli.

Comme le génocide renvoie a l’extermination systématique d’un
groupe religieux, ethnique ou national donné, les victimes de ce
crime capital incluent invariablement les enfants, qui font souvent
partie intégrante de la population. Ce qui explique que le thème du
destin génocidaire des enfants arméniens ait été généralement
pensé dans le cadre de celui de toute une population victime et
n’ait donc pas été traité en tant que thème d’étude a part
et distinct. Ce qui peut se comprendre au niveau opérationnel du
crime de meurtre de masse, où les distinctions d’âge, de sexe,
de statut socio-économique, de religion, d’origine ethnique ou de
nationalité tendent a se dissoudre brusquement, s’effondrant toutes
au sein d’une catégorie indifférenciée de population, cible d’une
destruction imminente. Or, ces dernières années, des efforts ont
été entrepris afin de discerner certains traits ou modèles qui
ressortent, concernant le traitement génocidaire des enfants. Notre
étude se propose d’apporter un point de vue a travers lequel les
enfants sont considérés comme une sous-catégorie a part, au sein
de la population victime globale.

L’étude du génocide arménien permet l’identification et l’examen
de cette sous-catégorie. Plusieurs facteurs jouent un rôle dans ce
cas, mais plus particulièrement l’idéologie du groupe perpétrateur,
l’arrière-plan historique du conflit turco-arménien et les outils
utilisés pour le meurtre de masse. Un bref commentaire a cet égard
s’impose donc.

Contrairement a plusieurs autres exemples de génocide au 20ème
siècle, le génocide arménien ne constitue pas un phénomène sui
generis, mais plutôt le point culminant d’un processus historique. En
tant que tel, il fut précédé par des décennies de plusieurs séries
de massacres périodiques, qui laissèrent les perpétrateurs a l’abri
de toutes poursuites et d’une justice finale vengeresse. Redoutant de
manière prévisible les foudres des grandes puissances européennes,
les perpétrateurs de ces massacres, notamment ceux de 1894-1896,
agirent avec une certaine retenue, les femmes et les enfants étant
pour l’essentiel épargnés. Au lieu de revêtir un caractère
totalement exterminateur, ces massacres, ainsi que les dévastations
a grande échelle qu’ils entraînèrent, finirent néanmoins par
atteindre leur objectif consistant a désemparer la population
arménienne de l’empire ottoman. Le fait qu’en 1915, lorsque le
génocide fut lancé, durant la Première Guerre mondiale, cette
même population s’était notablement reprise et était devenue une
communauté viable et organisée, constitua un développement qui
déconcerta les dirigeants Jeunes-Turcs, lesquels songèrent dès
lors au génocide.

Le slogan opératoire fut : ” Cette fois, on finira le boulot ”
; autrement dit, aucune catégorie d’Arméniens n’échapperait a la
destruction. L’impunité, dont bénéficièrent les perpétrateurs
des massacres précédents, les enhardit suffisamment pour qu’ils
se lancassent dans des opérations de meurtre de masse, sans
distinction aucune. En conséquence, ces dirigeants décidèrent
de s’appuyer sur des ” meurtriers assoiffés de sang ” [kanlý
katil] comme instruments du massacre. Des milliers de délinquants
et de criminels récidivistes furent sélectionnés et libérés
des diverses prisons de l’empire ottoman a des fins de massacre ;
ils ne devaient éprouver ni compassion, ni pitié envers les femmes,
les enfants ou les infirmes.

La variété des méthodes féroces et sadiques par lesquelles des
milliers d’enfants arméniens furent massacrés reflète l’efficacité
de cet aménagement administratif. Comme le reconnut un officier turc
après la guerre : ” Les pires crimes contre les Arméniens furent
perpétrés par ces criminels. ” [en buyuk cinayetleri ika ettiler]
(1).

Il existe un autre aspect relatif a cette condition de traitement
différencié des enfants, lié au génocide arménien. Contrairement
aux nazis racistes, par exemple, les Turcs ottomans appréciaient
grandement la valeur du stock génétique qu’incarnaient les enfants
arméniens ; ces derniers étaient considérés comme une ressource
inestimable au regard de l’enrichissement du courant dominant de la
nation turque. En conséquence, chaque fois que cela fut possible,
les Turcs musulmans, ainsi que les orphelinats gérés par des Turcs
nommés par le gouvernement, furent encouragés a recueillir une
multitude d’orphelins arméniens, principalement des garcons, et de
les élever en tant que Turcs, après quelques rituels symboliques
de conversion a l’islam, dont des circoncisions collectives et des
changements de patronymes. C’est avec cette toile de fond que le
destin génocidaire des enfants arméniens durant la Première Guerre
mondiale doit être pris en compte en termes de catégorisations.

La diversité des méthodes de liquidation des enfants

Une part significative des enfants arméniens, ainsi que deux autres
segments principaux de la population arménienne de l’empire, a
savoir les femmes et les vieillards, succomba du fait des grandes
souffrances liées aux marches pénibles et épuisantes, durant les
phases interminables de déplacements et de déportations vers les
déserts désolés de Mésopotamie dans la Syrie actuelle. Ces marches
furent concues de manière a aggraver les souffrances en prolongeant
délibérément, par exemple, les itinéraires, en prohibant nourriture
et eau et en terrorisant via brutalités et mauvais traitements des
déportés déja très affaiblis. Rigueurs du climat, fatigue, faim,
maladies et épidémies aggravèrent les souffrances des victimes,
se combinant ainsi a un niveau mortel d’épuisement. Notons a ce sujet
que l’absence dans ces convois de déportés d’hommes valides était
due au fait que presque tous avaient été enrôlés au début de la
Première Guerre mondiale, puis progressivement anéantis selon des
modalités diverses.

Un autre ensemble important d’enfants arméniens fut victime d’une
vaste série de massacres épisodiques organisés a travers tout
l’empire, massacres qui furent par ailleurs d’une atrocité sans
égale.

Comme le note l’ambassadeur des Etats-Unis Henry Morgenthau, pour
économiser ” poudre et cartouches ”, les paysans musulmans des
campagnes, agissant en tant que groupes d’appui auprès de bandes
de criminels recrutés a des fins de massacres, utilisèrent ”
massues, marteaux, haches, faux, bêches et scies. De tels outils
[…] causèrent une mort plus horrible encore que les fusils et les
pistolets […] ” (2) L’énorme compilation de récits de témoins
oculaires sur le génocide arménien, due au célèbre historien
anglais Arnold Toynbee, abonde en détails sur ce genre d’atrocités
(3).

Des preuves fiables indiquent que, dans l’organisation globale,
la méthode de massacre direct devait en premier lieu s’appliquer
aux opérations visant la population masculine des six provinces
d’Anatolie. Ces provinces étaient celles de Sivas, Diyarbakir,
Harpout, Erzeroum, Bitlis et Van ; auxquelles fut ajoutée celle
de Trabzon. Toutes ces provinces, considérées comme des zones
potentiellement sensibles ou des pommes de discorde dans le conflit
turco-arménien persistant, furent placées sous la juridiction du
haut commandement de la 3ème Armée ottomane, dont l’état-major se
trouvait a Erzeroum. La liquidation impitoyable des hommes valides de
ces provinces, dans une proportion estimée a 90 %, fut conduite de
manière efficace durant le printemps et l’été 1915 par le général
Mahmoud Kâmil, commandant en chef de la 3ème Armée. La population
restante devait être liquidée de manière indirecte, a savoir via
des marches de déportation épuisantes et interminables.

Or, du fait de l’interaction de plusieurs facteurs, y compris les
lubies des organisateurs locaux respectifs en charge des massacres,
les procédures d’anéantissement ne furent ni uniformes, ni
régulières, pour autant que la différenciation entre massacre
direct et déportation fÔt opérée.

La masse de la population arménienne de la province de Bitlis,
par exemple, qui se composait presque entièrement de vieillards, de
femmes et d’enfants, fut détruite a l’intérieur des frontières de
cette province ; il n’y eut pas de déportation, pour ainsi dire. Mis
a part la ville de Van, le reste de la population arménienne de la
province de Van, laquelle, avec la province de Bitlis, contenait le
berceau de la nation arménienne, fut de même exterminée via toute
une série de massacres locaux. Dans les provinces de Sivas, d’Harpout,
de Trabzon, d’Erzeroum et de Diyarbakir, ainsi que dans les sandjaks
indépendants d’Ourfa et de Marach, le génocide fut mis en Å”uvre
en partie au moyen des déportations et en partie via des massacres.

Dans toutes ces opérations, les enfants figurèrent dans la population
générale ciblée en vue d’une destruction globale. Dans beaucoup de
cas, ils furent aussi soumis a des formes distinctes et différenciées
de massacre. Tel fut le cas chaque fois que les enfants constituaient
un groupe distinct et séparé. Dans la province de Trabzon,
par exemple, des milliers d’enfants furent autorisés a rester a
l’arrière, tandis que les adultes étaient contraints de partir dans
des convois de déportation. Dans les déserts de Mésopotamie, en
particulier dans le district de Deir-es-Zor, des milliers d’enfants
décharnés, qui avaient survécu tels des squelettes aux marches
de déportation, furent de même ciblés en tant que catégorie
distincte. A Erzincan [Erzindjan], dans la province d’Erzeroum,
des centaines d’enfants abandonnés constituèrent pareillement une
cible spécifique.

Ce qui suit n’est qu’un apercu des trois méthodes principales
de massacre employées, a savoir les opérations de noyades, les
immolations par le feu et les viols en masse, via lesquelles des
milliers d’enfants arméniens connurent leur sort génocidaire durant
la période 1915-1916. Comme le précisent le vice-consul d’Allemagne
a Trabzon et un décret du gouvernement turc, les garcons et filles
âgés de moins de 13 ans étaient considérés comme appartenant a
la catégorie des enfants (4).

Trabzon : un microcosme de massacres d’enfants a plusieurs niveaux

Les opérations de noyades et les viols en série

Grande cité portuaire sur la Mer Noire et capitale de la province
homonyme, Trabzon servit de test pour le génocide arménien. Quasiment
chaque forme et chaque aspect de ce crime y furent concus et mis en
Ŕuvre avec succès. Les données citées plus loin sont extraites
d’une étude a paraître aux Presses de l’Université de Cambridge
(5). Comme nous l’avons noté auparavant, quelque trois mille enfants
se retrouvèrent orphelins dans différents bâtiments de Trabzon. Lors
des auditions du Tribunal militaire turc, qui se tinrent au printemps
1919, une vingtaine de Turcs, dont des médecins, des officiers
de l’armée, des officiels du gouvernement et des négociants,
témoignèrent chacun sous serment, oralement et par écrit, sur
les méthodes utilisées pour se défaire de ces enfants (6). Des
médecins turcs, le docteur Ziya Fouad, inspecteur des services de
santé, et le docteur Adnan, directeur des services sanitaires de
la ville, déclarèrent sous serment, en se basant sur des preuves
recueillies auprès de médecins turcs locaux, que le docteur Ali
Saib, directeur de la Santé publique pour la province de Trabzon,
empoisonna systématiquement les enfants arméniens conduits a
l’hôpital du Croissant-Rouge de cette ville et ordonna de noyer
dans la Mer Noire toute proche ceux qui refusaient de prendre son ”
médicament ”. Autre méthode que le docteur Saib appliqua dans une
demeure bondée d’enfants arméniens : le ” bain de vapeur ”.

Via l’installation d’un système d’étuves militaires, ces derniers
furent soumis a une vapeur chaude étouffante et ainsi instantanément
tués. Le Père Laurent, Supérieur des Capucins francais a Trabzon,
déclara sous serment, avec l’aide d’un interprète, qu’il vit
personnellement les cadavres des enfants morts empoisonnés être
entassés dans de grandes et profondes corbeilles, par terre a
l’hôpital, tels des animaux d’abattoir, puis jetés dans la mer
voisine.

Ce même hôpital du Croissant-Rouge se réduisit a un lieu de
plaisirs, où le gouverneur général de la province, Cemal Azmi,
enferma quinze jeunes Arméniennes (10ème audience de la Cour
Martiale, 12 avril 1919) pour y servir a ses fréquentes orgies
sexuelles. Ce qui incita l’inspecteur des Douanes Nedim a dénoncer
le gouverneur (16ème audience) et le lieutenant turc Hassan Maruf
a révéler le fait additionnel qu’” après avoir commis les pires
outrages, les officiels du gouvernement impliqués firent tuer ces
jeunes filles ”. Dans une étude séparée, un jeune Arménien,
qui s’était lié d’amitié avec le fils du gouverneur a Berlin, où
ce dernier avait trouvé refuge, juste après la guerre, afin de fuir
les poursuites en Turquie, livra d’autres éléments sur cet épisode
de débauche meurtrière. Lors d’une de ses fanfaronnades concernant
ces débordements, le gouverneur Azmi précisa ce qui suit a ce jeune
Arménien, qu’il croyait être un Turc, ce dernier ayant a l’époque
adopté intégralement une identité turque musulmane, y compris
un pr̩nom turc РMehmet Ali -, ̩tudi̩ de mani̬re approfondie
le Coran, la loi sacrée musulmane, et s’être fait circoncire : ”
Parmi les plus jolies petites Arméniennes, âgées de 10 a 13 ans,
j’en choisis plusieurs et je les offris en cadeau a mon fils [alors
âgé de 14 ans] ; j’ai jeté les autres a la mer. ” (7)

Durant ces mêmes cours martiales, Nouri, le chef de la police
de Trabzon, reconnut avoir emmené a Istanbul plusieurs jeunes
Arméniennes comme cadeau du gouverneur Azmi aux dirigeants locaux du
Comité Union et Progrès (CUP) (9ème audience, 10 avril 1919). Des
complaisances sexuelles similaires furent rapportées en liaison avec
les agissements d’autres dignitaires du parti Jeune-Turc, comme le
commissaire du CUP a Trabzon, Yenibahceli Nail, qui, selon le consul
des Etats-Unis a Trabzon, Oscar S. Heizer, ” détient une dizaine
de jeunes filles des plus ravissantes dans une maison au centre de la
ville ” (8). Heinrich Bergfeld, consul d’Allemagne a Trabzon, avocat
de métier et ardent turcophile, dans sa dénonciation des massacres a
Trabzon, attire l’attention sur les ” nombreux viols de jeunes filles
”. Dans son verdict, publié au terme de la série des procès de
Trabzon, le Tribunal souligne le fait que ces ” viols en masse ”,
” les violences exercées contre des victimes impuissantes ” et le
fait que ” des jeunes filles soient déflorées [izaleyi bikr] [se
soient produits] a l’hôpital, censé avoir une mission humanitaire. ”

Un des traits les plus atroces des massacres d’enfants dans la
province de Trabzon fut la méthode consistant a les noyer en masse,
en utilisant la rivière de Trabzon, le Degirmendere, mais surtout
les lignes côtières de cette ville portuaire, située sur la Mer
Noire. Le témoignage le plus poignant sur ces opérations de noyades
fut apporté par le député turc de cette province, Hafýz Mehmed,
avocat de métier.

Lors d’un discours a la Chambre des Députés du Parlement ottoman,
le 11 décembre 1919, il révéla avoir vu personnellement comment, un
jour, des femmes et des enfants arméniens furent embarqués sur des
barges dans le port d’Ordu, dans la province de Trabzon, puis noyés
en haute mer. Il déclara ensuite que la population locale se plaignit
en ces termes : ” Dieu nous punira pour ce que nous avons fait ! ”
Lors de la 15ème audience durant la série des procès de Trabzon, un
marchand turc d’Ordu, Huseyin, comparaissant en qualité de témoin,
confirma cette opération de noyade. Dans son verdict, le Tribunal
se réfère clairement a ces opérations de noyades collectives,
ciblant en particulier ” les enfants, garcons et filles ” [zukur
ve inas cocuklarý] avec l’aide de ” criminels récidivistes ”
[cerayimi mukerrere]. Dans son discours mentionné plus haut, le
député Hafiz Mehmed signale aussi que le gouverneur général de
Trabzon, Djemal Azmi, aurait appliqué la même méthode de noyades
dans le reste de la province. Cette attribution au gouverneur général
fut confirmée par le général Mahmut (Curuksulu) qui, a peu près
a la même époque, déclara dans un discours au Sénat ottoman que
Djemal Azmi avait autorisé les procédures d’extermination en masse
pour toute la province.

Dans l’un de ses rapports les plus longs et les plus détaillés
adressés a Washington, le consul des Etats-Unis a Trabzon, Oscar
Heizer, se réfère de même a :

” […] un grand nombre d’embarcations. [Elles] furent chargées
de gens en plusieurs temps [avec pour résultat que] de nombreux
cadavres de femmes et d’enfants furent ensuite rejetés par la mer
vers le rivage sablonneux, en bas des murs du monastère italien de
Trabzon, et enterrés par des Grecques dans le sable même où ils
furent découverts.

”

De son côté, Gorrini, consul général d’Italie a Trabzon, dans un
rapport détaillé, attire l’attention sur le fait que :

” les enfants [furent] arrachés a leurs familles […], placés par
centaines sur des bateaux en n’ayant qu’une chemise, puis chavirés et
noy̩s dans la Mer Noire et la rivi̬re Degirmendere Рtels sont mes
souvenirs ineffacables de Trabzon, souvenirs qui continuent, a un mois
de distance, de tourmenter mon âme et me rendre presque fou […] ”

Le consul d’Autriche-Hongrie, Ernst von Kwiatkowski, et le consul
d’Allemagne, Heinrich Bergfeld, tous deux alliés en temps de guerre
de la Turquie ottomane, respectivement docteurs en histoire et en
droit, firent référence, via de nombreux télégrammes chiffrés
adressés a Vienne et Berlin, a ces ” femmes et enfants chargés sur
des embarcations, conduits en haute mer, puis noyés ”. Le colonel
Stange, officier combattant allemand le plus haut gradé, dont le
régiment de troupes turques irrégulières fut d’abord rassemblé
a Trabzon, confirma personnellement ces opérations de noyades
[auf’s Meer hinausgefahren und dann uber Bord geworfen]. Après avoir
dénoncé dans son rapport secret, envoyé a l’état-major allemand,
ces actes de ” brutalité bestiale ” [qui] furent perpétrés par la
” pègre ” [Gesindel] de Trabzon et des ” criminels ” libérés
des prisons, il conclut que toutes ces opérations font bel et bien
partie d’un plan général de massacre systématique ” concu de longue
date ” (9). Faisant écho aux preuves prima facie que produisaient
les audiences de la Cour martiale d’après-guerre, le journal turc
Hadisat souligna l’aspect tridimensionnel des atrocités commises
a l’encontre des enfants arméniens de Trabzon : viols collectifs,
empoisonnements et noyades (10).

Autres sites de noyades et de viols collectifs

Les opérations de noyade ne se limitèrent pas aux mers ou aux
rivières ; elles s’étendirent aussi aux lacs. Le rapport du
consul des Etats-Unis a Harpout, Leslie A. Davis, est éloquent a
cet égard. Dans sa longue analyse du génocide qui eut lieu dans sa
juridiction, la province d’Harpout, il décrit comment les orphelinats
dans lesquels les enfants arméniens furent rassemblés après la
liquidation de leurs familles, servirent de camps de transit pour
une destruction ultérieure au moyen des noyades. Il développe le
fait que le consul Davis demanda auprès du gouverneur général de
la province d’Harpout, Sabit, l’autorisation d’ouvrir un orphelinat
pour les ” centaines d’orphelins arrivant sans cesse d’autres lieux
[…] ”. Prétextant que le gouvernement prendrait soin d’eux, le
gouverneur refusa son autorisation. Peu de temps après que le consul
ait quitté le bureau du gouverneur, ordre fut donné que tous les
enfants, ainsi que le reste des femmes, partissent le mardi suivant,
a savoir, sous trois jours. ” Puis les enfants disparurent et l’on
rapporta qu’ils avaient été conduits vers un lac a une trentaine
de kilomètres d’Harpout et noyés.

”

Le consul Davis décrit ensuite une scène horrible de boucherie aux
alentours du lac de Goeljuk, ” situé a cinq heures environ ” de
son poste a Harpout. ” Finalement, un Turc m’apprit de la facon la
plus confidentielle qu’il avait vu des milliers de cadavres autour
du lac de Goeljuk et proposa de me conduire vers les lieux où ils
se trouvaient. ” Le consul estime qu’ ” en l’espace de vingt-quatre
heures, nous découvrîmes les restes d’au moins dix mille Arméniens
qui avaient été massacrés autour du lac de Goeljuk. Il s’agit,
bien sÔr, d’une approximation […] Mais je suis certain qu’ils
étaient plus nombreux, plutôt que l’inverse… ” Après avoir
décrit les blessures béantes dues aux coups de baïonnettes sur la
plupart des corps dénudés, habituellement dans l’abdomen ou dans la
poitrine, parfois dans la gorge, les victimes montrant ” les signes
de mutilations barbares ”, le consul Davis déclare : ” Ce qui
eut lieu aux abords du magnifique lac Goeljuk, durant l’été 1915,
est quasi inconcevable. Des milliers et des milliers d’Arméniens,
pour la plupart des femmes et des enfants innocents et sans défense,
ont été massacrés sur ses rives et mutilés de facon barbare. ”
(11)

Autre centre de massacre au moyen de la noyade, qui impliqua en
particulier des enfants, les gorges de Kemakh sur l’Euphrate, a quelque
50 kilomètres au sud-ouest d’Erzindjan [Erzincan], dans la province
d’Erzeroum. Une grande partie de la population arménienne de cette
province, entre 20 et 25 000 habitants, en particulier d’Erzindjan,
fut massacrée dans ces gorges étroites avec l’aide de troupes
irrégulières, autrement dit, les criminels enrôlés dans le 86ème
Régiment de cavalerie de la 29ème Division du 9ème Corps d’armée
de la 3ème Armée ottomane, dont l’état-major se trouvait a Erzeroum.

S’appuyant sur ” un rapport consulaire ”, l’ambassadeur des
Etats-Unis en Turquie, Morgenthau, précise que, dans les gorges de
Kemakh, ” des centaines d’enfants furent tués a coups de baïonnette
par les Turcs et précipités dans l’Euphrate […] ” (12)

Un nombre tout aussi conséquent d’enfants arméniens fut anéanti au
moyen des noyades en masse sur la partie inférieure de l’Euphrate,
en Mésopotamie, en particulier dans la région de Deir-es-Zor,
l’équivalent arménien d’Auschwitz. D’après le témoignage d’un
survivant arménien, le chef de la police de Deir-es-Zor, Mustafa
Sidki, sélectionna le 10 aoÔt 1916 les filles les plus jolies dans un
convoi de déportés. Elles furent amenées a un pont sur l’Euphrate,
où le chef de la police et ses complices les violèrent. Les victimes
furent ensuite jetées dans la rivière pour y être noyées. Ce même
chef de la police ordonna ” le 24 octobre 1916, que quelque 2 000
orphelins arméniens fussent conduits sur les rives de l’Euphrate,
pieds et poings liés. Ils furent alors jetés dans la rivière deux
par deux, a la satisfaction manifeste du chef de la police, qui prit
un plaisir particulier au spectacle de ces noyades tragiques ” (13).

Ainsi que nous l’avons vu, en lien avec les atrocités commises a
Trabzon, le viol, sous toutes ses formes, fut l’une des conséquences
les plus fréquentes du génocide arménien. Comme le reconnut le
lieutenant turc Hasan Maruf devant les Britanniques qui l’avaient
fait prisonnier, ” les cas de viols des femmes et des jeunes filles y
compris en public, sont très nombreux. Elles sont systématiquement
assassinées après cette agression. ” (14) Comme ce fut le cas
a Trabzon, des milliers de jeunes filles furent transportées
a Constantinople, depuis toute l’Anatolie, a des fins multiples
impliquant les relations sexuelles. Une Autrichienne habitant a Tarse,
près d’Adana, Madame Christie, rapporte dans son Journal qu’un grand
nombre de jeunes filles furent raflées dans les écoles de la ville
et mises a disposition des officiers dans la caserne locale. ” Plus
d’une centaine d’entre elles furent emmenées a Constantinople dans
des automobiles. ” L’une d’elle, âgée de 15 ans environ, parvint a
échapper au sort des autres (15). Dans les déserts de Mésopotamie,
dans le triangle formé par les fleuves de l’Euphrate et du Khabour qui
se rejoignent près de Deir-es-Zor, le viol était de règle. D’après
un survivant, par exemple, le maire de Ras-ul-Aïn, Huseyin Bey,
un Tchétchène, se vantait d’avoir a lui seul violé entre 50 et 60
jeunes Arméniennes. Ses deux fils l’imitèrent a l’envi (16).

Autre lieu de viols a grande échelle, l’utilisation et l’abus
des églises arméniennes comme bordels provisoires. Les jeunes
Arméniennes y étaient regroupées et mises a la disposition des
officiers et des soldats turcs. Comme le rapporta un pharmacien
suisse dans la ville d’Ourfa, par exemple, ” la vaste église
arménienne grégorienne, un lieu saint pour les Arméniens, fut
réduit a l’état de bordel. Des officiers militaires, des gendarmes,
des officiers de police et des habitants turcs de la ville venaient la
choisir des filles pour leur satisfaction sexuelle. ” (17) Un épisode
similaire de désacralisation a des fins sexuelles est décrit par un
capitaine de l’état-major turc, Nebil Bey. Quelque 300 jeunes filles,
précise-t-il, ” appartenant aux meilleures familles de Bitlis
”, furent rassemblées dans l’église arménienne de la ville ”
pour servir l’armée. Les soldats comme les officiers se rendaient
a l’église, qui devint rapidement un foyer de maladies. Chaque
régiment qui traversait la ville en route vers le front y laissa
des traces, si bien qu’après quelque temps toutes ces malheureuses
furent infectées. ”

Résultat, le commandant de Bitlis décida de punir ces jeunes filles
” pour avoir épuisé les forces vitales de l’armée ottomane et
empoisonné par leurs infections les fils de la patrie ”. Certaines
de ces jeunes filles se virent proposer du poison, les autres
furent abattues séance tenante. Le capitaine ajoute que tout cela
fut accompli sur ordre du commandant en chef de la 3ème Armée, le
général Mahmud Kâmil (18). La permission accordée aux militaires
et aux civils turcs de violer, comme bon leur semblait, chaque jeune
fille arménienne contribua grandement a la mortalité, du fait de
l’épuisement. Comme le reconnut un officiel d’un tribunal turc, a
Ourfa, ” 95 % de soldats sur un groupe d’une centaine […] moururent
d’épuisement et de maladie, suite a des viols excessifs ” (19)

La dimension des viols homosexuels

La licence sexuelle dominante durant le génocide arménien ne se
limita pas au viol des jeunes Arméniennes. Un pharmacien suisse,
demeuré a Ourfa durant toute la guerre et qui voyagea très souvent
dans la région, affirme que le viol homosexuel généralisé se
produisit en liaison avec les massacres génocidaires et au sein
même des familles turques, abritant de jeunes garcons arméniens
adoptés. ” Les officiers turcs, en particulier, précise-t-il,
s’adonnèrent a des pratiques inconcevables et innommables d’échanges
[sexuels] de jeunes filles arméniennes, mais l’on ne saurait
s’imaginer l’ampleur des crimes sexuels contre nature infligés a des
centaines, sinon des milliers, de garcons arméniens. ” Il déclare
aussi que ” bien après que les massacres aient cessé, les viols,
les déflorations de jeunes filles vierges et autres formes d’agression
sexuelle, en particulier sur les jeunes garcons, perdurèrent. ” (20)

Les deux récits suivants de ce même pharmacien suisse illustrent
les modalités de viol indiquées ci-dessus. Un garcon arménien,
adoptée par une famille turque de Mezreh, dans la province d’Harpout
[l’actuelle Elazig – NdT], consigna par écrit les viols commis
régulièrement par un Turc, en toute connaissance de cause de son
épouse, dans ce foyer.

Autre exemple fourni, un hodja – maître d’école musulman – qui
se livre a des tentatives de viol (21). L’autre modalité concerne
le viol précédant le meurtre. Dans la province d’Ankara, près
du village de Bash-Ayash [BaÅ~_ayaÅ~_], deux meurtriers violeurs –
un criminel, Deli Hasan, et un gendarme, Ibrahim Рviol̬rent douze
garcons, âgés de 12 a 14 ans, qu’ils tuèrent ensuite. Ceux qui ne
mouraient pas sur-le-champ furent torturés a mort, s’écriant : ”
Maman ! Maman ! ” (22)

Rappelons enfin un autre exemple d’empoisonnement en masse d’enfants,
décrit plus haut en lien avec le cas de Trabzon. Une survivante de
Giresun relate comment a Aghn [Egin], environ 500 orphelins arméniens,
raflés a travers toute la province, furent empoisonnés avec l’accord
du pharmacien et du médecin du lieu. Concernant l’exécution de
cette opération de mort, le médecin turc aurait déclaré : ” Les
Arméniens n’ont pas de cimetières ! C’est l’Euphrate qui est le leur
! ” [Ermenilerin topragý yoktur Onlarýn mesarý Yepraddýr] (23).

L’extermination des enfants arméniens

L’enfer des immolations en masse par le feu

Comme nous l’avons rappelé au début de cette étude, les décideurs
et organisateurs du génocide arménien étaient déterminés a être
aussi radicaux que possible dans leur programme d’extermination
systématique. Ils furent désagréablement surpris de découvrir
combien peu efficaces furent les massacres partiels de l’époque du
sultan Abd ul-Hamid II, durant les années 1894-1896, et comment les
Arméniens, loin d’avoir été durablement handicapés, rebondirent
en l’espace de deux décennies en tant que communauté viable et
active. Afin d’éviter une erreur similaire et rendre le génocide
projeté aussi optimal que possible en termes de résultat, ils
imaginèrent un mécanisme inédit : la libération de milliers
de criminels détenus dans les prisons de l’empire. Ces derniers
devaient être aussi pervers que possible, afin de ne pas succomber
a des sentiments occasionnels de compassion envers les vieillards,
les femmes et les enfants, et les massacrer sans discrimination et
sans pitié aucune. Ils furent rejoints par des milliers de Kurdes et
d’immigrés expulsés du Caucase, en particulier des Tchétchènes
de cette région et de la péninsule des Balkans. Tous ces groupes
nourrissaient une haine des Arméniens contre lesquels ils projetaient
leur animosité anti-chrétienne, héritée de leur conflit avec la
Russie chrétienne ou les nationalités chrétiennes de la péninsule
balkanique, dont ils avaient été chassés ou qu’ils avaient choisi
d’abandonner. Leur cupidité et leur appât du gain n’en étaient
cependant pas moins féroces, de même que leur désir ardent de
luxure et de sexualité débridée.

Via l’immolation en masse des orphelins arméniens s’exprimait surtout
un sadisme diabolique. Une fois éliminé le reste de la population
arménienne, ces vestiges constituaient une nuisance pour les
perpétrateurs. Pour différentes raisons, l’on estima plus économique
de mettre un terme a leur malheur en les brÔlant en masse. Dans quatre
provinces – Diyarbakir, Harpout [Kharpert, l’actuelle Elazıg – NdT],
Bitlis et Alep Рcette m̩thode fut appliqu̩e avec une cruaut̩ sans
égale. A Diyarbakir, par exemple, le docteur Reshid, un Tcherkesse
originaire du Caucase, et le gouverneur-général de la province ”
prirent 800 enfants et les enfermèrent dans un bâtiment auquel
ils mirent le feu ” (24). Le fait que ce genre d’atrocités ne se
limitait pas a brÔler vifs des victimes est prouvé par l’extrait
suivant du Journal d’un missionnaire catholique francais, qui se
trouvait la durant ces massacres, a savoir de juin a décembre 1915 :

” Dans cette province, il était habituel d’enterrer vivants des
centaines d’enfants, âgés de 7 a 13 ans, dans de vastes fosses et
simultanément. Passé un délai de plusieurs jours, l’on pouvait voir
les ondulations de la terre qui traduisaient l’agonie de ces âmes,
s’agitant depuis les entrailles de leurs hécatombes. ” (25)

Autre exemple, d’après le récit d’un témoin oculaire a Furuncular,
dans le district de Malatya, province d’Harpout, les gendarmes
brÔlèrent vifs dans une grande fosse, aménagée au préalable, une
centaine d’enfants arméniens, âgés de 3 a 4 ans. Pressentant leur
mort imminente, les victimes se mirent a crier de manière hystérique
et désespérée, tandis qu’elles étaient jetées dans la fosse,
située dans un endroit nommé, triste ironie du sort, le ” Jardin
des enfants ” [Cocuklar-Bahcesi]. Cette atrocité fut néanmoins
réalisée en quelques minutes seulement (26). Dans la province
d’Harpout, le préfet Kadri ” fit brÔler vifs 800 enfants originaires
de Palou ”, localité située dans la province de Diyarbakir (27).

Lors d’une de ces interminables marches de mort, de Deir-es-Zor
jusqu’aux deux principaux camps de mort situés dans les déserts de
Mésopotamie, a Souvar et Shedadiye, quelque 5 000 enfants arméniens
furent brÔlés vifs dans un enfer de feu et de mort. Quatre jours
durant, environ 60 000 déportés décharnés furent conduits vers
ces camps. Le 25 aoÔt 1916 (ou le 7 septembre 1916, selon le nouveau
calendrier), jour de la fête musulmane du Sacrifice [kurban bayrami],
les orphelins furent regroupés et entassés dans un vaste orphelinat
a Deir-es-Zor. Puis ils furent amenés par convois dans un lieu
situé a une heure de la ville, arrosés de pétrole et brÔlés vifs
(28). Cette méthode d’extermination par immolation ne se limita pas
néanmoins aux enfants. Comme le précise un témoin oculaire juif,
elle fut infligée a la même époque et dans cette même région
de Deir-es-Zor a des foules d’autres Arméniens, principalement des
femmes. Ce témoin, Eitan Belkind, était officier dans l’armée
turque et fut nommé a l’état-major de la 4ème Armée ottomane,
dont la juridiction comprenait Alep, les déserts de Mésopotamie et
Deir-es-Zor, en particulier. Il fut affecté au voisinage du Khabour,
qui traverse Suvar et Shedadiye.

Voici son récit :

” Après un périple de trois jours, j’atteignis le cÅ”ur de la
Mésopotamie où je fus témoin d’une tragédie horrible […]. Les
soldats tcherkesses ordonnèrent aux Arméniens de ramasser des
aubépines et des chardons, puis de les empiler de manière a former
une haute pyramide […]. Après quoi, ils lièrent par les poings
tous les Arméniens qui se trouvaient la, quelque 5 000 âmes, les
regroupèrent en cercle autour de l’amas d’aubépines et de chardons,
auquel ils mirent le feu, créant un brasier qui s’éleva jusqu’au
ciel, au milieu des hurlements de ces désespérés, brÔlés vifs
par les flammes […]. Deux jours après, je revins a cet endroit et
découvris les cadavres calcinés de milliers d’êtres humains. ” (29)

Un officier allemand de haut rang, le colonel Ludwig Schraudenbach,
commandant la 14ème Division ottomane, qui opérait surtout en
Mésopotamie, relate dans ses Mémoires d’après-guerre une autre
méthode d’immolation. ” Les enfants, précise-t-il, furent placés
entre des planches de bois, auxquelles ils furent attachés, puis
brÔlés vifs. ” (30) Mais c’est dans la province de Bitlis qu’eurent
lieu les opérations d’immolation d’enfants les plus conséquentes. La
participation en masse de certains groupes tribaux kurdes a ces
opérations causa des ravages au sein de la population victime. Cette
extermination fut lancée par le gouverneur-général de la province,
Mustafa Abdulhalik (Renda), qui se trouvait être le beau-frère du
ministre de l’Intérieur, futur Grand Vizir, Mehmed Talaat Pacha,
le principal architecte du génocide arménien. L’évêque catholique
arménien de Trabzon témoigne :

” Après avoir rassemblé un millier de jeunes enfants, le
gouverneur-général Mustafa Abdulhalik les conduisit vers un endroit
nommé Tashod, où il les fit brÔler vifs en présence de notables
et d’une multitude de Turcs, tout en hurlant ces mots : ” Il est
nécessaire d’effacer une fois pour toutes le nom Arménien dans ces
provinces pour la sécurité de la Turquie ! ”

Leurs restes, ainsi que ceux qui étaient encore en vie, furent ensuite
jetés dans des fosses spécialement aménagées ; les gémissements
de ceux qui n’avaient pas été totalement brÔlés se firent entendre
des jours durant. ” (31)

Deux témoins oculaires européens relatent de même ces atrocités
par immolation. La missionnaire suédoise Alma Johansson, en charge de
l’orphelinat allemand de Moush, précise que les orphelins arméniens,
ainsi que le personnel de l’orphelinat, furent ” brÔlés vifs ”
[lebendig verbrannt]. ” Entendre les cris de ces gens et des enfants
en train de brÔler vifs chez eux nous déchirait le cŔur. Les
soldats prenaient beaucoup de plaisir a les entendre […] ”
(32). De son côté, le médecin allemand H. Stoffels, membre du
Corps expéditionnaire perse, rapporta auprès du consul d’Autriche
a Trabzon que, sur sa route vers Mossoul, il découvrit a Moush
(et Siirt, située dans la même province) ” un grand nombre de
localités anciennement peuplées d’Arméniens, dans les églises
et maisons desquelles il découvrit les cadavres carbonisés et
décomposés de femmes et d’enfants ” [verkohlte und verweste Frauen-
und Kinderleichen] (33).

Citons encore un major vénézuélien qui offrit volontairement ses
services a l’armée turco-ottomane durant la Première Guerre mondiale
et qui fut affecté dans les zones de Bitlis, Van et Moush en tant
qu’inspecteur général des forces turques en Arménie. Il relate
dans ses Mémoires qu’a Moush ” des femmes et des enfants furent
parqués et brÔlés vifs […] ” (34). Mais le témoignage oculaire
peut-être le plus décisif sur l’extermination réelle des enfants
arméniens a Moush, province de Bitlis, émane d’un commandant de
l’armée turque, le général Mehmed Vehib. Suite a l’exécution de
la majeure partie du génocide arménien, il fut nommé commandant
en chef de la 3ème Armée en février 1916. Vaillant officier,
il fut consterné de réaliser qu’a cause de lui, toute une nation
avait quasiment disparu de cette terre.

Un massacre local de soldats arméniens, affectés a un bataillon de
travaux forcés, dans sa juridiction, l’incita a conduire une enquête,
instaurer une cour martiale et faire exécuter deux génocidaires. Dans
son rapport d’après-guerre détaillé, préparé a la demande du
Tribunal militaire turc, il donne un apercu de la nature du génocide
qui eut lieu dans les régions des six provinces orientales soumises
a l’autorité de la 3ème Armée. Dans ce rapport, le général
Vehib témoigne de ce qu’il vit personnellement lors d’une tournée
d’inspection :

” Les femmes et les enfants arméniens furent brÔlés vifs dans le
village de Tchurig, situé a 5 kilomètres au nord de Moush. ”

Il découvrit les restes calcinés des victimes et déclara, indigné :
” L’on trouverait difficilement dans l’islam un parallèle avec une
telle atrocité et une telle sauvagerie. ” [Tarihi Islamda misli
örulmemis bir zulum ve vahset] (35).

Une autre source militaire turque, des plus crédible, confirme
ouvertement et sans équivoque l’extermination radicale a laquelle les
Arméniens de Moush et 98 villages arméniens de la plaine de Moush
furent soumis – avec cet alibi douteux selon lequel ” des unités
arméniennes armées attaquaient les soldats et les villages turcs ”.

Cette source révèle aussi les opérations d’immolation a grande
échelle qui furent menées par Kucuk Kâzým, lequel, d’après cette
source turque, ” incendia toute la vallée de Moush et anéantit
les Arméniens ” (36).

Les éléments qui facilitèrent les atrocités visant les enfants
arméniens

Comme il est de règle, le niveau de réussite d’un génocide repose,
toutes choses étant égales par ailleurs, sur le degré d’absence de
pitié, confinant a la perversion, avec laquelle le crime est concu,
organisé, supervisé et mis en Å”uvre. Toutefois, plus souvent qu’on
ne le croit, c’est au niveau de la mise en Å”uvre que le succès
final est évalué et décidé. Comme nous l’avons vu plus haut, un
grand nombre des perpétrateurs du génocide arménien furent hautement
motivés par leur engagement. Frustration, agression déplacée, haine,
cupidité et, dans un mesure non négligeable, conditionnement culturel
a une violence primordiale constituèrent un ensemble de facteurs,
lesquels convergèrent au sein d’un élan atavique pour le génocide.

Un rapide examen du modus operandi de Salih Zeki, mutassarif
[gouverneur] de Deir-es-Zor et cheville ouvrière de la seconde
phase du génocide arménien dans les déserts de Mésopotamie durant
l’été 1916, livre quelques apercus sur ce genre de motivations. A
plusieurs reprises, il reprocha a ses subalternes tchétchènes leurs
insuffisances en matière de cruauté et de perversion. A Deir-es-Zor,
par exemple, il rassembla ses exécutants tchétchènes et leur intima
de ne plus se laisser influencer par la pitié ou séduire par la
corruption, aidant ainsi certains Arméniens a échapper a leur sort.

Il gagna ensuite a cheval une tente voisine, s’empara d’un enfant
arménien âgé de deux ans, l’apporta aux Tchétchènes et déclara :

” Même cet innocent – a supposer qu’il soit possible de considérer
comme innocent un rejeton arménien, car ces fils de putes ne sont
plus innocents Рdoit ̻tre tu̩, comme tous les autres de son ̢ge,
sans pitié ! Un jour viendra où ils se lèveront, pourchasseront
les responsables pour les massacres des Arméniens et se vengeront ! ”

Puis il fit tournoyer a plusieurs reprises l’enfant dans les airs et
lui fit heurter violemment le sol.

Une autre fois, il sermonna a nouveau ses aides tchétchènes et
arabes, leur interdisant strictement de relâcher leurs efforts et
de permettre a quelque Arménien que ce fÔt de s’enfuir :

” Quel besoin avez-vous de bakchichs ? Si c’est de l’argent que vous
voulez, tuez-les d’abord et ensuite vous aurez tout leur argent et
leurs biens ! Tuez-les d’abord et vous aurez ensuite tout ce qu’ils
possèdent ! […] Vous rendez service a l’empire ! Votre travail
est donc légitime ! Vous avez accompli votre mission, mais sachez
que si l’un de ces fils de putes, encore petit garcon, reste en vie,
il se vengera un jour ! ” (37)

Salih Zeki s’appuya presque entièrement sur les tribus tchétchènes
qui vivaient principalement a Sefa, au sud-est de Ras-ul-Aïn
et qui avaient, a l’origine, émigré du Caucase. Les chefs des
gouvernements locaux a Ras-ul-Aïn, Suvar, Shedadiye et Hassiche,
furent ses complices les plus proches. En outre, il coopta le député
de Deir-es-Zor, le gouverneur d’Aneh, les commandants Salahaddin et
Ali Bey, le colonel de cavalerie Hasan, le lieutenant de cavalerie
Tevfik, le commandant Mustafa de la garnison de Deir-es-Zor, le
chef de la police d’Aneh, Bedri, l’inspecteur de police Balsidi,
ainsi qu’une dizaine d’officiers de police (38).

Cette sous-culture, composée de barbarie primordiale, joua pleinement
dans plusieurs cas qui furent recensés par des témoins oculaires
étrangers et des survivants arméniens. Un chroniqueur allemand
rapporte ainsi comment des gendarmes extirpèrent les cerveaux
d’enfants arméniens qui étaient a la traîne derrière les convois,
en leur brisant le crâne (39). Citons encore trois autres exemples
sur les tueries des gorges de Kemakh, de sinistre réputation, près
d’Erzincan, fournis par deux survivantes arméniennes :

1. 25 mai 1915

” Dans la plaine voisine de la passe de Kemakh, où nous campions,
les gendarmes entrèrent dans une tente voisine et, désireux de
s’emparer d’une très belle fille, Armine, ils massacrèrent son
père, son frère et deux jeunes neveux. Armine fut emmenée et ne
revint jamais. ”

(Yepraksi Yanikian)

2. 26 mai 1915 ” Au même endroit, en plein jour, deux gendarmes
tuèrent a coups de baïonnette Aram Kasbarian et emmenèrent sa très
belle femme. Son fils, âgé de six ans, qui pleurait et criait auprès
du corps en sang de son père, fut emmené lui aussi, puis un long
bâton en bois fut introduit de force dans son rectum et il fut exhibé
de la sorte devant la foule aux cris de : ‘Voici votre drapeau !’ ”

(Yepraksi Yanikian)

3. 26 mai 1915

” Au même endroit, plusieurs gendarmes arrachèrent de force des
bras de sa mère le jeune Mesrop, âgé de cinq ans, et lui clouèrent
sur une armature en bois les yeux, les mains et les pieds. Puis il
fut élevé au milieu de la foule aux cris de : ‘Voila votre Christ
et sa Croix !

Qu’il vienne vous sauver !’ ”

(Arevalouys Pachalian) (40)

Mabel Evelyn Elliott, médecin américaine qui exercait a Istanbul
durant l’armistice en qualité de directrice médicale du Near East
Relief [Secours pour le Proche-Orient] et déléguée des hôpitaux
américains pour femmes, rapporte dans ses Mémoires des études de
cas qu’elle [effectua] au Refuge pour jeunes filles arméniennes
a Uskudar, ville située sur la rive asiatique d’Istanbul, la
où Florence Nightingale jeta les bases de la Croix-Rouge et la
tradition de l’infirmerie moderne. Ces cas concernèrent près de 150
survivantes, victimes du génocide arménien, présentées comme des ”
jeunes filles-enfants ” par le docteur Elliott :

” Il faut vous les représenter comme je m’en souviens, passant,
l’une après l’autre, par mon cabinet de consultation. D’aimables
jeunes filles, les cheveux brossés et les ongles des mains brillants,
s’exprimant a voix basse et portant avec un goÔt instinctif leurs
vêtements d’emprunt. Aucune d’elles n’avait parlé a personne de leur
vécu durant la guerre. Pour la première fois, leur réticence fut
ébranlée, nécessairement, par des questions d’ordre professionnel
et, lorsqu’elles se mirent a parler, ce fut comme si elles ne pouvaient
plus s’arrêter. Déversant toute leur histoire.

Ce que j’appris était véritablement incroyable. Un médecin voit plus
profondément dans les abîmes de la société humaine que quiconque,
excepté un prêtre, mais je ne connaissais que l’Amérique… Chose
tout aussi incroyable, le fait que ces jeunes filles aient vu et
enduré [tant d’horreurs] et survécu, assises la pour en parler. Leurs
récits ne différaient guère ; la différence résidait dans leur
tempérament ainsi dévoilé. Certaines s’asseyaient calmement, les
mains jointes, parlant sans cesse a voix basse, pâlissant de plus en
plus, jusqu’a ce que le sang s’effacât de leurs lèvres. D’autres
s’agitaient, perdant peu a peu tout contrôle et finissaient par
hurler et éclater en sanglots.

Mieux valait pour elles déverser cette amertume si longtemps
contrainte derrière leur silence. Je ne les arrêtai pas. Je me tenais
assise dans cette petite pièce blanche et j’écoutais… Alors se
présenta une autre fille, dont l’histoire n’était pas dénuée
d’une incroyable invraisemblance. Les paupières closes, c’est la
jeune fille la plus belle que j’aie vue au sein d’un peuple renommé
pour la beauté de ses femmes. Ses traits ressemblaient a ceux que
nous ont préservé les ciseaux des grands artistes de l’Antiquité;
sa peau était pareille a celle d’un enfant et son corps n’était
que lignes harmonieuses.

Mais, lorsqu’elle ouvrait les yeux, l’on avait peine a la regarder. Un
de ses globes oculaires pendait hors de son orbite d’une manière si
grotesque que l’on songeait a une gargouille… Je n’arrivais pas a
le croire. J’avais grandi, accoutumée a entendre des horreurs comme
jamais, mais celle-ci était incroyable. Lorsqu’un couteau ou un fer
rougi aurait servi dans ce but, pourquoi recourir a une opération
chirurgicale aussi délicate ? Il s’agit la d’une question a laquelle
je ne puis répondre ; une question dont la réponse est si ancrée
dans le caractère turc que seul un Turc pourrait y répondre. Car,
lorsque j’examinai cet Å”il, je reconnus sans aucun doute que son
histoire était véridique. Les cicatrices microscopiques étaient
bien la, parmi les muscles ténus de son Ŕil. Quelque chirurgien
entraîné et habile avait fait usage de son art sur la table
d’opération pour rendre cette jeune fille hideuse. Il fit cela,
tandis que des centaines de soldats turcs, blessés au combat pour
leur pays, mouraient par manque d’aide chirurgicale. ” (41)

Une telle manifestation de haine séculaire condensée, muée en
sadisme professionnel, ne saurait être dissociée d’un système
social dans lequel la haine était entretenue, alimentée et même
récompensée. Les données complémentaires recueillies par le
docteur Elliott et ses commentaires afférents attestent ce fait,
éclairant parallèlement le ciblage diabolique et atroce des enfants,
en tant que partie intégrante d’un génocide organisé.

Renvoyons enfin a un rapport adressé au Département d’Etat des
Etats-Unis par un autre médecin américain, le docteur George B. Hyde,
de la Croix-Rouge américaine, qui était en poste en Cilicie en 1919.

En 1920, il informe le Département d’Etat et aussi le sénateur Warren
Harding, peu avant que ce sénateur républicain de l’Ohio ne soit
élu 29ème Président des Etats-Unis, des représailles exercées
contre les enfants arméniens, durant la Première Guerre mondiale. Il
déclare qu’il ” a traité plusieurs centaines d’enfants chrétiens
des deux sexes, âgés de 5 a 12 ans, sur lesquels les Turcs ont
commis les pires outrages. ” Il estime qu’au moins ” 9 sur 10 de
ces victimes de la sauvagerie turque ont certainement péri ” (42).

Rares exceptions de Justes turcs

L’ampleur du nombre de victimes du génocide arménien témoigne
de l’échelle du succès de cette entreprise de mort, de la part du
régime ittihadiste Jeune-Turc. Mais elle atteste aussi du petit nombre
de Justes turcs, dont l’engagement en nombre significatif eÔt pu
faire la différence dans l’issue de ce génocide. Il est vrai qu’il y
avait des ordres stricts et des menaces très rigoureuses visant un tel
engagement ; or les opportunités de circonvenir de tels ordres furent
tout aussi conséquentes. Clivages religieux et provocations en temps
de guerre a l’encontre des Arméniens se combinèrent afin d’empêcher
l’intervention d’un nombre significatif de Turcs pour intercéder ou
aider directement les Arméniens ciblés en vue de destruction.

Quoi qu’il en soit, il est néanmoins vrai que, même lorsqu’une
minorité négligeable tente de porter secours, ces gens courageux
doivent être distingués et reconnus pour leur bienveillance. Les
cas ci-dessous en sont des exemples éloquents. Ce qui ne signifie
pas qu’ils soient complets et exhaustifs. L’un d’eux est a la fois
frappant et émouvant.

Selon une information fournie par le Patriarcat arménien d’Istanbul,
durant l’armistice, plusieurs officiers militaires turcs généreux,
prenant de grands risques personnels, prirent la peine d’emmener avec
eux et de remettre au Patriarcat plusieurs garcons et filles orphelins
depuis des provinces aussi lointaines qu’Harpout, Alep et Diyarbakir.

Autre exemple, un colonel osa transporter 11 petites filles jusqu’a
Istanbul et les remettre au Patriarche (43). A Arabpunar, un major
turc germanophone apprit a un employé allemand du Chemin de Fer
Bagdad qu’il avait avec son frère recueilli et emmené avec eux
une petite Arménienne, trouvée dans les rues de Ras-ul-Aïn. Il
critiqua violemment les autorités pour ces atrocités que, dit-il,
” notre Coran condamne ” (44). Plus émouvant encore, l’histoire
d’un mollah turc, juge et chef religieux a Moush, qui mourut en
tentant de sauver des femmes et des enfants arméniens. Après avoir
sélectionné et transféré les Arméniennes les plus jeunes et
les plus jolies qu’une foule ameutée se préparait a brÔler vives,
Moussa Beg, célèbre chef d’une bande de brigands kurdes, s’apprêtait
a immoler le reste dans le village d’Avzoud. Rappelant qu’aucune
religion, fÔt-elle musulmane ou chrétienne, ne permet de brÔler
vifs des femmes et des enfants, le mollah intervint énergiquement
afin de protester. Et, espérant que cela empêcherait un holocauste
imminent, s’abrita dans le bâtiment même où les victimes avaient
été regroupées. Les meurtriers ne firent que le tourner en ridicule
et, sans se décontenancer, poursuivirent leur entreprise. Ainsi le
mollah périt-il dans l’enfer qui s’ensuivit, ainsi que les autres
victimes qu’il avait tenté de sauver. (45)

La victimisation génocidaire visant les enfants arméniens est
également pertinente et significative au regard du sort final des
enfants survivants. Des milliers de garcons arméniens furent adoptés
dans des familles et élevés en tant que Turcs. Des dizaines de
milliers de fillettes et de jeunes filles furent de même intégrées
au sein de la nation turque en qualité de servantes, concubines
pour les harems ou épouses légitimes, après avoir été converties
a l’islam.

Beaucoup d’autres dépérirent encore dans les orphelinats. Le thème
des enfants arméniens en tant que victimes du génocide, pour être
complet, nécessite d’être a nouveau exploré en termes d’étape
finale de cette victimisation, a savoir le sort différencié des
orphelins survivants, des concubines, des épouses et des convertis.

Notes

1. Ahmed Refik Altýnay, Iki Komite Iki Kýtal [Deux Comités, deux
massacres], Istanbul, 1919, p. 23. Il fut nommé a l’état-major
général ottoman, 2ème Département, Contre-espionnage, en tant
que lieutenant de marine. Après la guerre, il exerca en qualité de
professeur d’histoire a l’université d’Istanbul et publia plusieurs
ouvrages.

2. Henry Morgenthau, Ambassador Morgenthau’s Story, New York : Garden
City, 1918, p. 312.

3. The Treatment of Armenians in the Ottoman Empire 1915-1916.

Documents presented to Viscount Grey of Fallodon. Secretary of State
for Foreign Affairs by Viscount Bryce. [Compilés par Arnold Toynbee].

Londres : His Majesty’s Stationery Office. Miscellaneous N° 31 (1916),
p. 90, 248, 323, 351, 374, 378, 385-6, 455, 485-6, 540, 553, 561.

(Cette importante compilation a été rééditée en 2000 et est
maintenant disponible auprès de l’Institut Komitas de Princeton, New
Jersey.) 4. Archives du ministère allemand des Affaires Etrangères –
sigle A.A.

Turkei 183/44, A25739 ; cote dans le nouveau système de cataloguage
: R14093, n° 2463, adressé d’Alep a l’ambassade d’Allemagne a
Constantinople (Istanbul), le 29 aoÔt 1916.

5. Vahakn N. Dadrian, ” The Framework : The Armenian Genocide :
An Interpretation ”, in : Jay Winter, éd., America and the Armenian
Genocide of 1915, Cambridge : Cambridge University Press, (a paraître)
(ouvrage paru en 2004 – NdT). Voir la Section III, intitulée ”
The Case of Trabzon : A Microcosm of the Armenian Genocide ”.

6. Vahakn N. Dadrian, ” The Turkish Military Tribunal’s Prosecution of
the Authors of the Armenian Genocide : Four Major Court-Martial Series
”, Holocaust and Genocide Studies, vol. 11, n° 1 (Spring 1997), p.

39-42 (audiences concernant Trabzon).

7. Vahakn N. Dadrian, ” The Documentation of the World War I Armenian
Massacres in the Proceedings of the Turkish Military Tribunal ”,
International Journal of Middle East Studies, vol. 23, n° 4 (November
1991), p. 574, note 55 ; Archavir Sheeragian, Gudagun Err Nahadagneroun
[Le Testament des Martyrs], Beyrouth, 1965, p. 262-263.

8. U.S. National Archives [Archives Nationales des Etats-Unis] –
RG59.867.4016/128. 28 juillet 1915 ; ibid., 4016/411, n° 169, 11
avril 1919.

9. A.A. Botschaft Konstantinopel 170, enregistrement n° 3841,
rapport du 23 aoÔt 1915.

10. Edition du 2 avril 1919.

11. Leslie A. Davis, The Slaughterhouse Province. An American
Diplomat’s Report on the Armenian Genocide, 1915-1917. Susan K. Blair,
éd. New Rochelle, N.Y., 1989, p. 64, 79, 82, 83, 87. Une copie de ce
rapport en 132 pages, tapées a la machine, se trouve aux Archives
Nationales des Etats-Unis – cote : RG59.867.4016/392. [Traduction
francaise par Anne Terre : La Province de la mort : archives
américaines concernant le génocide des Arméniens, 1915, précédé
de : Lettre ouverte a Bernard Lewis et quelques autres, par Yves
Ternon, ̩ditions Complexe, 1994, 241 p. РNdT] 12. Morgenthau,
Ambassador [cf. note 2], p. 318. Voir aussi The Treatment [cf. note
3], p. 239.

13. Vahakn N. Dadrian, ” The Comparative Aspects of the Armenian and
Jewish Cases of Genocide : A Sociohistorical Perspective ”, in : A.S.

Rosenbaum, éd., Is The Holocaust Unique ? Perspectives on Comparative
Genocide, Boulder, 1996, p. 131.

14. British Foreign Office Archives [Archives du ministère des
Affaires Etrang̬res de Grande-Bretagne] Рcote : FO 371/2781/264888,
Appendix [Supplément] B, rapport n° 1, p. 6-7.

15. The Treatment [cf. note 3], p. 442-443.

16. Raymond Kévorkian, ” L’extermination des déportés arméniens
ottomans dans les camps de concentration de Syrie-Mésopotamie
(1915-1916). La deuxième phase du génocide ”, Revue d’Histoire
Arménienne Contemporaine, n° spécial, vol. II, Paris, 1998,
p. 109, 119.

17. Bruno Eckart, Meine Erlebnisse in Urfa [Choses vues a Ourfa],
Potsdam-Berlin, 1922, p. 18-19.

18. Ararat, vol VI, n° 66, p. 422. La déclaration sous serment du
capitaine Nebil se trouve dans les archives du Patriarcat arménien
de Jérusalem. Dossier Zh, document 747, n° 49.

19. Ephraim K. Jernazian, Judgment Unto Truth : Witnessing the Armenian
Genocide, New Brunswick, N.J., 1990, p. 65.

20. Jacob Kunzler, Im Lande des Blutes und der Tränen. Erlebnisse in
Mesopotamien Während des Weltkrieges [Au Pays du sang et des larmes.

Choses vues en Mésopotamie durant la guerre mondiale], Berlin-Potsdam,
1921, p. 77, 87. Dans la nouvelle édition, publiée par Hans-Lukas
Kieser, Zurich : Chronos Verlag, 1999, p. 99, 108-109.

21. M. Esmerian, Aksoree yev Baderazmee Guragneroun Metch [Dans
les flammes de l’exil et de la guerre], Boston, 1952, p. 94-95,
105, 108-109.

22. Haigachen Darekirk [L’année arménienne]. Vol. 1, 1922,
p. 328. Les noms de quatre des victimes sont recensés dans cette
source.

23. Mariam Kokmanian, ” Hayatchintch Sarsapner ” [Atrocités lors
de la campagne d’extermination des Arméniens], Djagadamard (journal
arménien d’Istanbul), 17 janvier 1919.

24. Morning Post (quotidien londonien), 7 décembre 1918.

25. Thérèse Philippe Bresse, La Famine de la Syrie et le martyre
de l’Arménie, Alexandrie, 1919, p. 8, 9.

26. G. Kapigian, Yegernabadoum [L’Holocauste], Boston, 1924,
p. 251-253.

27. British Foreign Office Archives – FO608/244/8183, folio 407.

28. Téotig, ” Mius Merelotzu ” [L’autre Journée de commémoration),
in : Amenoun Daretzoutzu [Almanach pour tous], Istanbul, 1921, p.

315-319.

29. Yaïr Auron, The Banality of Indifference : Zionism and the
Armenian Genocide, New Brunswick, N.J., 2000, p. 181, 183.

30. Ludwig Schraudenbach (colonel de réserve), Muharebe [Guerre],
Berlin-Vienne, 1925, p. 351-352.

31. Mémoires de Monseigneur Jean Naslian, évêque de Trébizonde,
Vienne, 1955, p. 146, 413. Page 138 de ce même ouvrage, figure une
description de l’immolation a Norshen, près de Moush, du Primat
catholique arménien de Moush. Monseigneur Naslian se trouvait par
hasard en Europe lors du génocide et put ainsi échapper a un sort
similaire.

32. A.A. Turkei 183/48, A34435 ; cote R14097 dans le nouveau système
de cataloguage, rapport du 1er octobre 1917. Voir aussi : Germany,
Turkey and Armenia. A selection of documentary evidence relating to
Armenian atrocities from German and other sources, Londres, 1917, p.

26.

33. Archives du ministère autrichien des Affaires Etrangères. 12
Turkei/380, folio 909, 26 mai 1917.

34. Rafael de Nogales, Four Years Beneath the Crescent, traduction
anglaise par Muna Lee, New York-Londres, 1926, p. 135.

35. Vahakn N. Dadrian, ” The Armenian Question and the Wartime Fate of
the Armenians as Documented by the Officials of the Ottoman Empire’s
World War I Allies : Germany and Austria-Hungary ”, International
Journal of Middle East Studies, vol. 34, n° 1 (February 2002), p.

76-77, p. 84 et 85, note 111.

36. Ilhan Selcuk, Yuzbaþý Selahattin’in Romaný [Le Roman du
capitaine Selahattin], Istanbul, vol. 1, 1993, p. 124.

37. Kévorkian, ” L’extermination ” [cf. note 16], p. 190, item 47
; p.

192, item 48.

38. Ibid., p. 180, 184.

39. Heinrich Vierbucher, Armenien 1915. Die Abschlachtung eines
Kulturvolkes durch die Turken [Le Massacre d’un peuple cultivé par
les Turcs], Hambourg, 1930, p. 58.

40. Levon K. Daghlian, D.M.D. [docteur en médecine dentaire],
Memories of the Holocaust, Boston, 1976, p. 48.

41. Mabel Evelyn Elliott, Beginning Again at Ararat, New York, 1924,
p. 20-26. Voir aussi Vahakn N. Dadrian, ” The Role of Turkish
Physicians in The World War I Genocide of Ottoman Armenians ”,
Holocaust and Genocide Studies, vol. 1, n° 2 (1986), p. 169-192.

42. The Lausanne Treaty, Turkey and Armenia, ed. by The American
Committee Opposed to the Lausanne Treaty, New York, 1926, p. 71.

43. Bibliothèque Nubar, Paris. Archives du Patriarche Zaven Ier,
1914-1916. Dossier 288/P. 1, 2/6.

44. A.A. Turkei 183/38, A 23991, ou R14087. Rapport de W. Spieker. En
annexe au communiqué du consul d’Allemagne a Alep Rössler, daté
du 3 septembre 1915. Cote : 183/38, A28019. Annexe n° 81.

45. Henry Barby, Au pays de l’épouvante, Paris : Albin Michel, 1917,
p. 96.

Source :

Publié in Journal of Genocide Research, vol. 5, n° 3, 2003,
p. 421-437 – Traduction :
© Georges Festa – 08.2011.

NdT : Signalons la traduction de Louise Kiffer
Sarian, où ne figure pas l’apparat critique :

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Source/Lien : Armenian Trends РMes Arm̩nies

http://forum.hyeclub.com/showthread.php/13993-Children-as-Victims-of-Genocide-The-Armenian-Case-by-Vahakn-N.-Dadrian
http://www.tandfonline.com/toc/cjgr20/5/3
http://ermeni.hayem.org/francais/enfantsvictimesdegenocides.htm
www.collectifvan.org
www.genocide-museum.am