Genocide Armenien : Prise De Conscience Turque

GENOCIDE ARMENIEN : PRISE DE CONSCIENCE TURQUE
par Stephane

armenews
jeudi6 mai 2010

REVUE DE PRESSE

Un collectif d’associations turques a appele a un rassemblement,
samedi, pour rendre hommage a la memoire des victimes du genocide
de 1915.

Sur la rive asiatique d’Istanbul, les voyageurs qui descendent du train
a Haydarpacha risquent d’avoir un choc, ce samedi : a l’occasion du 95e
anniversaire des massacres d’Armeniens par l’Empire ottoman pendant
la Première Guerre mondiale, l’Association des droits de l’homme
reclamera devant la gare que l’Etat turc reconnaisse le genocide.

C’est de la que partit le premier convoi de deportes armeniens. Sur
la place de Taksim, le c~ur nevralgique de la megapole, les badauds
auront egalement droit a une lecon d’histoire qui ne figure pas dans
les manuels scolaires. Durde, un collectif d’associations turques,
a appele a un rassemblement pour rendre " hommage a la memoire des
victimes de 1915, silencieusement et vetu de noir ". " Environ 1,5
million d’Armeniens, 15% de la population de l’epoque, ont ete tues
ou deportes et ils n’ont meme pas de tombe, explique Cengiz Algan,
un des initiateurs du rassemblement. Notre demarche n’est pas une
revolution, mais une contribution pour que les Turcs se confrontent
enfin a leur histoire. "

C’est en tout cas une etape supplementaire dans le long travail de
reconnaissance du genocide engage par une partie de la societe civile
turque. Près d’un siècle après les massacres de centaines de milliers
d’Armeniens, c’est la première fois que des manifestations defient
sur la voie publique le " negationnisme " de l’Etat.

Restaurer les eglises

En 2005, le lancement des negociations d’adhesion a l’Union europeenne
avait fait souffler un vent de liberte en Turquie et les universitaires
turcs avaient brise le tabou du genocide en organisant une conference
sur ce non-dit de l’histoire. Deux ans plus tard, l’assassinat du
journaliste armenien Hrant Dink a reveille les consciences d’une
avant-garde democratique.

Le mois dernier, les votes d’une resolution sur le genocide armenien
par une commission de la Chambre des representants aux Etats-Unis et
par le Parlement de Suède ont declenche des crises diplomatiques avec
la Turquie. Pour Ankara, gardienne de la thèse officielle, le danger
vient desormais aussi de l’interieur.

Travaux d’historiens, documentaires, debats televises et ouvrages se
multiplient. Film après livre, un passe occulte rattrape le present
et, avec lui, la part armenienne cachee de l’identite de la Turquie.

Meme les municipalites d’Anatolie se mettent a restaurer les eglises
armeniennes, alors que depuis sa creation en 1923, la Republique
turque avait tente d’effacer toute trace de la presence armenienne,
au mieux en laissant s’ecrouler ce patrimoine, au pire en le rasant.

Transmission orale

Paru a l’automne dernier, Les Petits-Enfants fait temoigner des
descendants d’Armeniens qui ont echappe aux massacres et qui ont ete
en partie assimiles au fil des decennies. Ce recueil lève le voile sur
le sort cache de ces milliers d’enfants, des filles le plus souvent,
adoptes ou enleves par des voisins musulmans. À l’exception d’un
seul, tous les petits-enfants y racontent leur secret de famille
anonymement. " Ce livre est un defi envers ce dont on a peur, la peur
est centrale dans toutes les histoires racontees, declare Aysegul
Altinay, une des coauteurs. Mais en partageant leur vie avec les
lecteurs, ils disent basta ! "

Selon Cengiz Aktar (*), un des auteurs d’une campagne de pardon
pour la " Grande Catastrophe " -l’appellation designant le genocide
chez les Armeniens-, qui a recueilli plus de 30 000 signatures sur
Internet, la seule facon de contourner le negationnisme est desormais
de " mener des actions pour developper une politique de memoire,
conduire un travail pedagogique auprès de la population ". Afin de
faire emerger une conscience commune, un projet turco-armenien s’est
ainsi attache a collecter dans les familles des histoires relatives
au genocide. L’etude montre qu’une transmission orale a lieu en depit
du silence impose dans la sphère publique.

Dans les familles, des recits se murmurent de generation en
generation. " En prive, meme si les temoins ne sont plus en vie, ce
qui s’est passe est un secret de Polichinelle, explique Leyla Neyzi,
anthropologue turque qui a supervise le recueil des recits. Cela peut
s’exprimer de facon inconsciente, mais meme les anecdotes disent la
culpabilite. " Comme ce vieillard qui s’est mis a raconter, quand
il est devenu senile, qu’il avait jete des enfants armeniens dans
la rivière. Les fantômes hantent toujours les memoires. " Resultat,
ajoute cette enseignante a l’universite Sabanci d’Istanbul, les Turcs
sont totalement schizophreniques. " Pour eux, etre en paix passera
par l’acceptation de leur responsabilite dans l’extermination d’un
peuple qui vivait en Anatolie, sur la meme terre que la leur.