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LA CRISE EN GEORGIE, UNE MENACE POUR LES PROJETS ENERGETIQUES EUROPEENS

La Presse Canadienne
Vienne

VIENNE — Le conflit en Ossétie du Sud entre Tbilissi et Moscou peut
frapper l’Union européenne la où cela fait mal: l’approvisionnement
en gaz et pétrole venant d’Asie centrale. La Géorgie joue en effet
un rôle central dans la stratégie européenne pour se dégager de
la domination énergétique russe.

Inquiète, comme les Etats-Unis, de voir Moscou utiliser sa richesse
énergétique comme une arme pour étendre son influence et se
positionner comme une grande puissance mondiale, l’Union européenne
tente de réduire sa dépendance énergétique vis-a-vis de la Russie,
qui fournit un quart de son pétrole et la moitié de son gaz naturel.

A cette fin, les Européens ont développé des routes
d’approvisionnement depuis les pays d’Asie centrale qui contournent la
Russie. Tout un réseau d’axes énergétiques passe par l’ancienne
république soviétique de Géorgie, en particulier l’oléoduc
Bakou-Tbilissi-Ceyhan, qui a failli être touché lundi par une frappe
aérienne russe.

Aucune perturbation dans l’approvisionnement n’a été signalée
pour l’heure et de fait les prix du pétrole sont orientés a la
baisse. Mais ce raid illustre combien le conflit, qui voit la Russie
tenter de retrouver son emprise sur la Géorgie, risque de réduire
a néant les tentatives des Occidentaux pour diversifier des sources
d’approvisionnement.

"Si la Géorgie n’est plus une voie de passage sÃ"re, alors tous
ces plans pour réduire la dépendance vis-a-vis de la Russie vont
partir en fumée", explique Michael Klare, auteur d’un ouvrage sur
la géopolitique de l’énergie ("Rising Powers, Shrinking Planet,
the New Geopolitics of Energy").

La Géorgie est en effet placée stratégiquement au coeur du
réseau. L’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) entre l’Azerbaïdjan
et la Turquie fournit aux marchés internationaux un million de barils
de brut de la Caspienne en provenance de fournisseurs indépendants,
non seulement de la Russie mais aussi de l’OPEP (Organisation des pays
exportateurs de pétrole). De moindres volumes passent par l’oléoduc
entre Bakou et le port géorgien de Soupsa.

Les ports géorgiens constituent une plate-forme majeure pour le
brut de la Caspienne venant d’Azerbaijan, du Turkménistan et du
Kazakhstan. Plus de 500.000 barils quittent chaque jour ces ports et
des projets sont en cours pour augmenter cette capacité de 200.000
barils supplémentaires.

Le gaz a destination des Européens transite aussi par la Géorgie,
notamment via le gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum entre l’Azerbaïdjan
et la Turquie. Les livraisons annuelles de plus de 6,5 milliards de
mètres cubes seront quasiment triplées dans les prochaines années
avec l’expansion du gazoduc.

L’importance de la Géorgie dans les efforts de diversification est
aussi symbolique. Récemment, Steve Levine, auteur de "The Oil and
the Glory" (le pétrole et la gloire) estimait que l’oléoduc BTC
constituait "la première brèche significative dans le contrôle
exclusif que la Russie détenait jusque-la sur tout le pétrole et le
gaz naturel des Etats de la mer Caspienne". "Désormais la Russie ne
mène plus le jeu en toute impunité", explique-t-il. "L’Azerbaïdjan
et la Géorgie, par exemple, s’appuie sur cet oléoduc (…) pour
l’indépendance politique."

Pour Michael Klare, l’importance stratégique de la Géorgie remonte
a la décision de l’administration de l’ex-président américain
Bill Clinton de choisir ce pays du Caucase comme route alternative
pour l’acheminement du pétrole et du gaz de la Mer Caspienne
vers l’Ouest. "Depuis, la Géorgie a été l’un des principaux
destinataires de l’aide militaire américaine", a-t-il expliqué a
l’Associated Press. "Bien sÃ"r, cela a fait enrager les Russes, et
ils ont décidé de tenter d’affaiblir les liens entre la Géorgie
et l’Occident par tous les moyens possibles."

Les armes de choix pour ce faire, étaient les provinces séparatistes
d’Ossétie du Sud, a l’origine du conflit, et d’Abkhazie. Dans ces
deux régions a majorité russe, le Kremlin a établi une présence
armée, comme "des poignards dans le coeur même de l’indépendance
de la Géorgie", selon Michael Klare.

Moscou n’a ainsi pas tardé a répondre, avec toute sa puissance de
feu, a l’offensive lancée par Tbilissi pour reprendre le contrôle
de l’Ossétie du Sud. L’armée russe a également ouvert lundi un
nouveau front du côté de l’Abkhazie.

Tout cela a de quoi inquiéter les Européens, alors que la Géorgie
apparaissait une candidate idéale pour le projet de gazoduc Nabucco
entre la Mer Caspienne et l’UE. Une autre solution serait de passer par
l’Arménie. Mais la encore, les tensions séparatistes font peser un
risque d’instabilité, avec l’enclave arménienne du Nagorno-Karabakh
en Azerbaïdjan. La question du Nagorno Karabakh "est aussi difficile a
résoudre que celle de l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud", juge Michael
Klare. "Et la Russie peut semer la pagaille la aussi."

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