Sur la voix du parfait amour

La Nouvelle République du Centre Ouest
11 août 2007 samedi
Edition LOIR ET CHER

Sur la voix du parfait amour

Édith VAN CUTSEM

Archi-complet mercredi et vendredi soirs, à peine à moitié plein
jeudi, le palais de toile a fait un véritable triomphe aux Corses d’A
Filetta.

Tendus. Ils sont déconcertés les sept chanteurs d’A Filetta. Arrivés
en retard depuis Guéret où ils donnaient un concert la veille au
soir, ils ont juste le temps de faire les balances, de découvrir
l’hôtel et de dîner.
La première partie les étonne. Ils apprécient la voix mélodieuse de
la chanteuse arménienne soutenue par le son nasillard de la zourna et
du duduk. Ils sont surpris par les dongs chinois à plusieurs
tonalités interprétées avec une apparente facilité par des voix
féminines qui semblent surgir d’ailleurs au rythme du kou, gros
tambour de guerre frappé par une femme.

Plus habitués des églises ou des lieux de créations notamment de
danses contemporaines, ils sont étonnés du cadre. Dans les coulisses,
ils confient leurs interrogations. Comment va réagir le public ?

Après la prestation voix et instruments de l’Arménie, après le
spectacle très dépaysant et coloré des voix chinoises, comment va
passer l’apparente austérité de la polyphonie corse ? Trop tard pour
reculer. Très concentrés, un tantinet nerveux, les sept hommes en
noir entrent sur scène. D’entrée, le public les accueille chaudement.
Comme pour compenser les travées vides de tout spectateur.
Professionnel depuis 1978, le groupe emmené par Jean-Claude Acquaviva
ne sait pas encore qu’il vient d’ouvrir une livre d’amour avec
Montoire. Le regard noyé dans l’horizon, la main sur l’oreille, il
vole au-dessus de cette Corse dont ils chantent la terre. La chaleur
des applaudissements les libère peu à peu. La complicité se met en
place. De part et d’autre, on commence à s’apprécier. Extrait de
requiem, des choeurs de Médée, de la bande originale des films «
Himalaya, l’Enfance d’un chef », et « Le Libertin », la rencontre
s’opère. Pas un bruit désormais dans la palais de toile même quand
Jean-Claude Acquaviva prend la parole pour évoquer les morceaux. En
corse et en français. Le public est comme subjugué, frappé au coeur.
Et c’est la déclaration d’amour. Trois rappels. Le public debout en
redemande, avant un merci appuyé d’A Filetta : « Sur les routes
depuis bientôt trente ans, ce soir, nous avons le sentiment que nous
sommes sur le chemin où les hommes ont toujours quelque chose à se
dire. Votre accueil donne du souffle et du sens à notre marche. »
Et un hommage public du directeur du festival, Jean-François Proux. «
Ici, on a croisé nombre de chanteurs mais c’est toujours une chance
de recevoir des gens sans artifices dont le seul créneau est le
travail bien fait. »
Jean-Claude, Paul, Jean-Luc, Jean, José, Maxime et François sont
repartis tout étourdis par un engouement qu’ils n’osaient espérer.