La Belle Maturite De Sergey Khachatryan

LA BELLE MATURITE DE SERGEY KHACHATRYAN
Par Jean-Louis Validire

Le Figaro, France
26 avril 2007

SERGEY Khachatryan n’avait pas 4 ans quand l’URSS s’est effondree. Il
demeure cependant dans son jeu, comme le prouvent les enregistrements
des concertos de Sibelius, Chostakovitch et de son compatriote
Khatchatourian realises pour le label Naïve, un pur produit de
l’ecole sovietique. Il allie a la rigueur et a la fougue une grande
sensibilite qui temoigne d’une veritable empathie pour cette musique,
revelant une maturite etonnante pour son âge où l’on est souvent plus
enclin aux manifestations exterieures de virtuosite. Ne a Erevan,
le jeune artiste a debute le violon a 6 ans avant de continuer son
apprentissage en Allemagne où il a rencontre en 1996 son professeur
Josef Rissin. " C’est lui qui a fait de moi un violoniste " , reconnaît
Khachatryan, qui a engrange depuis les recompenses dont le premier
prix du concours Jean Sibelius a Helsinki en 2000. Malgre cet exil,
il se sent profondement attache a ses origines. " Quand on vit loin,
on se sent peut-etre encore plus Armenien " , dit-il en avouant qu’il
revient chaque annee pour jouer pour son peuple.

" Je fais une carrière merveilleuse en Europe et j’ai le devoir d’en
faire profiter ceux qui sont restes. " C’est avec Bach qu’il a fait
a Wiesbaden ses debuts en concert en interpretant le Concerto en la
mineur . Il n’avait que 9 ans mais son admiration pour le compositeur
n’a pas faibli depuis. Il le joue toujours dans la meme esthetique,
n’ayant jamais ete tente par l’interpretation baroque. " Il y a
tellement plus de possibilites avec les instruments"modernes*. Et de
toute facon on ne peut pas jouer dans les grandes salles d’aujourd’hui
avec des violons baroques " , estime-t-il. Il est vrai qu’il joue
un violon d’exception, le stradivarius " Huggins " qui lui a ete
prete par la Nippon Music Foundation lorsqu’il a remporte en 2005
le concours Reine Elisabeth. Une musique universelle Si ses goûts
l’on successivement porte vers Sibelius, Chostakovitch, Beethoven et
Brahms dont il joue les concerts, Bach est toujours reste au fond
de son coeur " car c’est une musique universelle qui a pour moi un
sens sacre " . Il interpretera demain la Sonate pour piano et violon
de Chostakovitch, un compositeur dont il se sent proche. " Il a ete
persecute et c’est sans doute ce qui le rend proche des Armeniens
qui puisent leur melancolie dans le souvenir des tragedies que notre
peuple a traversees. C’est pour cela que je ressens cette musique
comme ma musique " , explique-t-il. Il manifeste aussi un penchant
particulier pour Beethoven, " l’autre versant de ma personnalite. Son
concerto s’elève au-dessus de l’humanite. C’est different de celui
de Brahms qui me plaît beaucoup mais qui reste près des gens dans
leurs emotions et leurs passions ".

Au Theâtre des Champs-Elysees, il sera accompagne par sa soeur dans
un exercice qu’il affectionne. " Le recital et la musique de chambre,
c’est un monde tellement different de l’orchestre, on se sent tellement
plus proche des musiciens avec lesquels on joue. " Ce qui ne l’empeche
pas de consacrer une grande partie de son activite aux concertos. "
Les orchestres sont comme des instruments et dependent beaucoup de
la facon dont ils sont diriges " , estime-t-il. Il a deja, malgre son
jeune âge, une grande experience en la matière puisqu’il a joue avec
Masur, Haïtink, Janowski, Termikanov ou James Conlon. Il n’est pas
pour le moment interesse par la musique contemporaine, trop loin de
son univers, meme s’il est souvent sollicite par des compositeurs. "
Chostakovitch, c’est pour moi la fin " , dit le jeune violoniste
pour qui " la musique est le reflet du pouvoir de la vie et du
monde d’aujourd’hui " . Theâtre des Champs-Elysees, ce soir a 20
heures. Res. : 01 49 52 50 50.

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www.theatrechampselysees.fr