Course De Lenteur A L’Assemblee A Propos Du Genocide Armenien

COURSE DE LENTEUR A L’ASSEMBLEE A PROPOS DU GENOCIDE ARMENIEN
Patrick Roger

Le Monde, France
19 mai 2006

Memoire Proposition De Loi

C’EST une sorte de course contre la montre qui devait decider, jeudi 18
mai, du sort de la proposition de loi deposee par le groupe socialiste
de l’Assemblee nationale visant a sanctionner la negation du genocide
armenien (Le Monde du 2 mai). Pas sûr, en effet, que le temps imparti
a cette seance d’initiative parlementaire suffise a faire voter le
texte. Et le president de l’Assemblee nationale, Jean-Louis Debre,
defavorable a cette proposition, et qui a decide de presider lui-meme
la seance, entend veiller a ce que les debats traînent suffisamment
en longueur pour l’eviter.

Dans ses deux ” niches ” parlementaires des mardi 16 mai et jeudi
18 mai, le PS a, en effet, demande l’examen de trois propositions de
loi. La matinee de mardi n’a pas suffi a terminer la discussion de la
première, portant sur l’insertion des jeunes dans l’emploi. M. Debre,
qui avait deja pris les renes de cette seance, a laisse tout le temps
necessaire aux orateurs pour developper leurs arguments. Le ministre
delegue a l’emploi, Gerard Larcher, a pris pas moins de cinquante
minutes pour repondre aux intervenants.

Au cours de la seance de jeudi matin, outre la fin de l’examen du texte
sur l’insertion, etaient inscrites une proposition du socialiste Paul
Quilès (Tarn) elargissant les pouvoirs du Parlement et celle sur la
negation du genocide armenien. Le president du groupe socialiste,
Jean-Marc Ayrault, a demande par lettre rectificative, mercredi
après-midi, d’inverser l’ordre de passage des deux textes.

M. Debre a refuse.

La proposition visant a penaliser la negation du genocide de 1915
soulève pourtant d’ardents debats. Qui traversent l’ensemble des
forces politiques et divisent aussi bien le PS que l’UMP. Oppose, au
depart, a l’idee de soumettre ce texte a la discussion, le president
du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, a dû se ranger a la demande
du premier secretaire du PS, Francois Hollande, qui en avait fait la
promesse a ses homologues armeniens. Nombre de deputes socialistes
restent neanmoins reserves sur cette initiative. Jack Lang, depute du
Pas-de-Calais, y voit ” une derive electoraliste pas très heureuse,
qui va renforcer en Turquie le camp de ceux qui freinent la reflexion
sur l’Histoire “. ” Je voudrais ne pas voter ce texte “, ajoute-t-il.

” QUESTION SENSIBLE ”

Du côte de l’UMP, les clivages ne sont pas moins marques. Une centaine
d’elus du groupe, emmenes notamment pas Richard Mallie et Roland
Blum, deputes des Bouches-du-Rhône, où vit une forte communaute
armenienne, ont cosigne une proposition de loi identique a celle
du PS. Ils souhaitent, en debat, joindre leurs suffrages a ceux de
leurs collègues socialistes, mais aussi de l’UDF et du PCF, egalement
favorables a cette proposition. Le groupe UMP, majoritairement,
a estime qu’il n’appartient pas au legislateur de s’immiscer dans
ce qui relève de l’Histoire. Le debat sur le ” rôle positif ” de la
colonisation a laisse des traces douloureuses.

L’Elysee, de plus, a ouvertement critique cette initiative. Mercredi,
l’entourage de Jacques Chirac en a appele a l'” esprit de
responsabilite ” sur cette ” question sensible “. Le chef de l’Etat
s’est entretenu de ce sujet, recemment, avec le premier ministre
turc, Recep Tayyip Erdogan, qui menacait la France de sanctions
commerciales en cas d’adoption du texte. Le ministère du commerce
exterieur a adresse a chaque depute un document recensant les contrats
industriels en cours ou en projet en Turquie qui risqueraient d’etre
remis en question. ” Un lobbying très mal vecu par les deputes “,
denonce M. Mallie, qui ne desespère pas d'” une heureuse surprise “.

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