Voyage de Calmy-Rey en Turquie

Schweizerische Depeschenagentur AG (SDA)
SDA – Service de base français
28 mars 2005

Voyage de Micheline Calmy-Rey en Turquie La conseillère fédérale
porte les attentes kurdes et arméniennes

Eclairage Par Julie Zaugg, ats

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Berne (ats) Le voyage de Micheline Calmy-Rey cette semaine en Turquie
suscite de lourdes attentes de la part des communautés dont le destin
est lié à la Turquie. Les Arméniens et les Kurdes, mais aussi les
défenseurs des droits de l’homme, lui demandent de plaider leur cause
auprès d’Ankara.

Amnesty International (AI) a adressé ces jours une lettre à la cheffe
du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). L’ONG y
déplore qu’Ankara n’ait pas signé le protocole facultatif à la
Convention de l’ONU contre la torture. “Nous apprécierions que vous
interveniez à ce propos auprès de votre homologue turc” Abdullah Gül,
dit la missive.

De même, AI lui demande d’attirer l’attention des autorités turques
sur le cas d’un avocat militant des droits de l’Homme dans la ville
de Tunceli, dans le sud-est kurde, victime de “menaces” de la part de
la gendarmerie locale. Mme Calmy-Rey se rendra dans cette région
mercredi, au deuxième jour de sa visite.

Deux voies

“Le voyage (dans le sud-est kurde) de Mme Calmy-Rey est très
important”, relève Deniz Alkan, porte-parole du Centre kurde des
droits de l’homme de Genève. “Elle verra ainsi ce que les gens sur
place veulent vraiment”, dit-il, soulignant que les Kurdes demandent
le respect de leurs droits fondamentaux, plutôt que l’indépendance
par rapport à la Turquie.

Ankara se trouve dans une “période de transition”, selon M. Alkan.
Confrontée à la volatilité de la situation en Irak – où vivent quatre
millions de Kurdes contre 20 millions en Turquie – et aux condition
posées par l’Union européenne pour son adhésion, la Turquie se doit
de choisir entre une voie pacifique et une voie conflictuelle pour
régler la question kurde, estime-t-il.

Or, la visite de Micheline Calmy-Rey pourrait “aider la Turquie à
faire le bon choix”, pense-t-il. De même, la tradition démocratique
et confédérale de la Suisse pourrait servir d’exemple à la Turquie,
large entité multiethnique. “Les Suisses pourraient jouer un rôle de
pont dans ce conflit”, espère M. Alkan.

Rapport de force

La conseillère fédérale pourrait aussi aborder la question du
génocide arménien avec son homologue turc. Mais Stefan Kristensen, de
l’Association Suisse-Arménie, est sceptique: “le seul langage que la
Turquie comprenne est celui du rapport de force”. A cet égard, l’UE a
un rôle important à jouer, selon lui, car elle détient la “carotte”
de l’ouverture des négociations d’adhésion.

L’ex-conseiller national genevois Jean-Claude Vaudroz, auteur d’un
postulat sur le génocide arménien accepté en 2003 par le Conseil
national, attend de Mme Calmy-Rey qu’elle “informe les autorités
turques du contenu du texte”. Le démocrate-chrétien y voit “une sorte
d’aide” à Ankara, pour qui la question arménienne est “un gros
boulet” au vu de ses ambitions européennes.

Mêmes exigences du côté du popiste vaudois Joseph Zisyadis, à
l’origine d’un premier postulat sur la question qui avait été refusé
par le parlement en 2001. Face à son interlocuteur turc, “Mme
Calmy-Rey doit être ferme sur les droits de l’Homme, les droits
syndicaux et la reconnaissance du génocide arménien”, souligne-t-il.

Le rôle des historiens

A l’inverse, Hatice Yürütücü, représentante de la communauté turque
au sein de la Commission fédérale des étrangers, appelle à ne pas
réduire les problèmes de son pays à la question kurde ou arménienne.
“Il ne faut jamais oublier que la Turquie est plus grande que la
Suisse, que sa géographie et sa culture sont autres et que les
problèmes y sont différents”, poursuit-elle.

Lorsque l’on insiste sur ces deux questions, “c’est comme si on
réduisait toute la Suisse à Zurich”, affirme-t-elle. Elle pense que
Mme Calmy-Rey n’a pas à s’exprimer sur le génocide arménien. “Il
revient aux historiens d’enquêter sur le sujet et de mettre les
choses à plat une bonne fois pour toutes”, note-t-elle.