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Le Figaro, France
07 février 2005

Debré à l’écoute des frustrations turques;
TURQUIE Fin de la visite du président de l’Assemblée nationale

Istanbul : de notre envoyée spéciale Sophie Huet

Le voyage que Jean-Louis Debré a effectué pendant trois jours à
Ankara puis Istanbul avec les quatre présidents de groupes de
l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP), Hervé Morin (UDF),
Jean-Marc Ayrault (PS) et Alain Bocquet (PCF), a révélé
l’incompréhension des autorités politiques, intellectuelles et
religieuses turques à l’égard des conditions posées par la France
pour l’entrée de ce pays dans l’Union européenne. La question de la
reconnaissance du génocide arménien de 1915 par la Turquie a été au
coeur des débats. «La construction de l’Europe s’est toujours faite
en respectant les minorités», a fait valoir Jean-Louis Debré à ses
interlocuteurs. Patrick Devedjian s’est dit «choqué», hier, sur
France Inter, par «la brutalité» des propos tenus jeudi par le
premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, déclarant avec
«agacement», qu’il «ne savait pas qu’en France, 400 000 Arméniens
pouvaient faire échouer un référendum». «Il semble exprimer le regret
qu’il y ait 400 000 Arméniens survivants en France», a déploré le
ministre délégué à l’Industrie. Le patriarche arménien, Mesrob II,
qui a reçu vendredi la délégation française, a souligné que la
question du génocide arménien devait être «réglée par les historiens»
et n’était pas «une affaire politique». «Nous sommes Arméniens mais
nous vivons en Turquie. Nous avons vécu un événement tragique, mais
nous préférons regarder vers l’avenir», a poursuivi le patriarche,
selon sa porte-parole, Luiz Bakar. Un argument qui n’a pas convaincu
les députés français.

Les dirigeants du patronat turc (Tusiad), tout comme les dirigeants
de l’université franco-turque de Galatasaray, ont pour leur part
exprimé samedi, à Istanbul, leur «déception» à l’égard de la décision
de la France d’organiser un référendum sur l’adhésion de leur pays à
l’Europe. «Tout d’un coup, les Turcs se sont sentis un peu lâchés par
la France», a affirmé Seyfetin Gürsel, vice-président de
l’université. «On peut comprendre qu’il n’y ait pas de référendum
pour la Bulgarie et la Roumanie, mais pour la Croatie, c’est
incroyable, puisque pour ce pays, les négociations n’ont pas débuté,
alors que la Turquie est plus avancée dans les réformes», a dénoncé
ce professeur parfaitement francophone. «L’UMP préférerait un
partenariat privilégié avec la Turquie. Mais où sont les privilèges ?
Ce partenariat existe, puisque la Turquie fait partie de l’union
douanière depuis 1995», a renchéri Pekin Baran, le vice-président du
Tusiad. Tous se sont dits «choqués» par les propos de Nicolas
Sarkozy, selon qui «si la Turquie était en Europe, ça se saurait».
Jean-Louis Debré a défendu l’organisation – dans dix à quinze ans –
d’un référendum en France, faisant valoir que cette consultation
était «normale, s’agissant d’un pays de 71 millions d’habitants». Le
président de l’Assemblée nationale a ajouté qu’ «aujourd’hui, le
problème de l’adhésion de la Turquie ne se pose pas. Les négociations
seront longues, difficiles, et marquées par des étapes». Bernard
Accoyer et Jean-Marc Ayrault partagent cette analyse. Hervé Morin, le
plus hostile de tous à l’adhésion de la Turquie, confiait : «Je ne
suis pas sûr du tout qu’avec leur nationalisme, les Turcs ont intégré
les règles de l’Union européenne.» A l’inverse, Alain Bocquet a
estimé que «si on laisse la Turquie à la porte de l’Europe, par des
jugements à l’emporte-pièce, on la laisse seule face à toutes les
dérives possibles».

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