UE: les ratis de l’integration musulmane inquietent l’opinion public

Agence France Presse
10 décembre 2004 vendredi 9:52 AM GMT

UE: les ratĂ©s de l’intĂ©gration musulmane inquiètent l’opinion
publique (DOSSIER – SYNTHESE)

BERLIN

Les ratĂ©s de l’intĂ©gration des musulmans dans les sociĂ©tĂ©s
européennes accroissent encore le décalage entre des gouvernements
officiellement favorables Ă  une entrĂ©e de la Turquie dans l’Union
europĂ©enne et une majoritĂ© de l’opinion qui l’apprĂ©hende
Ă©conomiquement, socialement et culturellement.

L’assassinat par un islamiste du rĂ©alisateur Theo van Gogh aux
Pays-Bas a déclenché une prise de conscience dans de nombreux pays
europĂ©ens de l’intĂ©gration insuffisante de la minoritĂ© musulmane.

La discussion est vive en France qui compte la plus forte communauté
musulmane d’Europe avec près de 5 millions de personnes. La majoritĂ©
de la classe politique et de l’opinion du pays, qui compte aussi
450.000 personnes d’origine armĂ©nienne, sont opposĂ©es Ă  l’adhĂ©sion
turque. Le prĂ©sident Jacques Chirac s’y est toujours proclamĂ©
favorable, alors que notamment son propre parti UMP s’est prononcĂ©
contre.

Autres clivages profonds en Allemagne, qui compte près de 3,5
millions de musulmans, dont 2,8 de Turcs, oĂą les troubles
interculturels aux Pays-Bas ont provoqué un débat sur le
“patriotisme”.

Le ministre de l’IntĂ©rieur Otto Schily a dĂ©noncĂ© le
“multi-culturalisme bĂ©at” des dĂ©cennies passĂ©es. Le chancelier
Gerhard Schroeder a mis en garde contre les “sociĂ©tĂ©s parallèles” et
un “conflit des cultures”, demandant aux musulmans d’adhĂ©rer aux
“valeurs des Lumières” de la dĂ©mocratie allemande.

Le gouvernement, qui soutient à fond une adhésion pleine de la
Turquie, veut persuader son opinion rĂ©tive de l’abĂ®me sĂ©parant une
minoritĂ© extrĂ©miste d’une majoritĂ© musulmane pacifique.

Aux Pays-Bas, rĂ©putĂ©s pour leur tolĂ©rance, l’affaire van Gogh a
suscité de véritables tensions intercommaunautaires. Une semaine
après le meurtre, 80% des Néerlandais espéraient un durcissement de
la politique d’intĂ©gration.

En Belgique, le dĂ©bat sur l’intĂ©gration des musulmans s’est
radicalisé avec la montée en puissance en Flandre du Vlaams Blok,
parti d’extrĂŞme droite au discours xĂ©nophobe.

En Autriche, plus de 75% de la population est opposĂ©e Ă  l’ouverture
de négociations avec Ankara.

En Grande-Bretagne, la tradition reste libĂ©rale Ă  l’Ă©gard des 1,6
million de musulmans, mais la crainte du terrorisme islamiste a amené
les hommes politiques Ă  leur demander de faire davantage pour
s’intĂ©grer. Le ministère de l’IntĂ©rieur a relancĂ© l’idĂ©e d’une loi
qui condamnerait l’incitation Ă  la haine religieuse.

En Espagne, l’intĂ©gration des musulmans se pose sous l’effet conjuguĂ©
d’une poussĂ©e migratoire en provenance du Maghreb et du terrorisme
international. La xénophobie commence à se développer.

En Italie, le débat est surtout agité par la Ligue du Nord, populiste
et xénophobe. A propos de la Turquie, elle va à contre-courant des
positions du président du Conseil Silvio Berlusconi, de longue date
défenseur de son adhésion.

En Scandinavie, celle-ci fait surtout débat au Danemark, où elle est
plutĂ´t mal vue. Le renforcement des lois sur l’immigration et
l’influence de l’extrĂŞme droite y traduisent un climat difficile dans
l’opinion vis Ă  vis des musulmans.

Le facteur religieux joue un rĂ´le dans ce dĂ©bat. Dans l’entourage du
ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier
reconnaissait que l’opposition en France “est fondalement due Ă  des
questions de religion”.

Les Eglises, dĂ©pitĂ©es par l’absence de mention des racines
chrĂ©tiennes dans la Constitution de l’UE, alternent les appels au
respect mutuel et des remarques acerbes Ă  l’Ă©gard des dignitaires
musulmans qu’ils accusent de non-rĂ©ciprocitĂ©.