La Turquie divise les Francais, au plus haut niveau (Papier D’angle)

Agence France Presse
21 septembre 2004 mardi 12:58 PM GMT

La Turquie divise les Français, au plus haut niveau (PAPIER D’ANGLE)

PARIS

Le dĂ©bat sur l’entrĂ©e de la Turquie dans l’Union europĂ©enne est
particuliĂšrement vif en France, rare pays en Europe oĂč le parti au
pouvoir et le gouvernement s’opposent sur cette question sensible.

Plusieurs Etats membres ont des rĂ©ticences Ă  l’Ă©gard de l’adhĂ©sion
d’Ankara Ă  l’UE, comme l’Autriche ou les Pays-Bas, mais rares sont
ceux oĂč le dĂ©bat est Ă  ce point passionnel et oĂč il oppose
gouvernement et majorité.

Le prĂ©sident français Jacques Chirac s’est Ă  plusieurs reprises
prononcĂ© en faveur de l’entrĂ©e de la Turquie dans l’Europe, mĂȘme s’il
souligne que cette perspective est encore lointaine. Aussi lointaine
soit-elle, celle-ci est encore trop menaçante pour son propre parti,
l’UMP, qui s’est prononcĂ© en avril dernier contre l’entrĂ©e de la
Turquie dans l’Union.

Le prĂ©sident de l’UMP, Alain JuppĂ©, avait alors expliquĂ© que “les
pays proches” de l’Union europĂ©enne, y compris la Turquie, n’avaient
“pas vocation Ă  y entrer sous peine de la dĂ©naturer”.

L’autre parti de la majoritĂ©, l’UDF, partage ce point de vue en
estimant que la Turquie dans l’Union signerait l’arrĂȘt de mort du
projet europĂ©en, comme l’a affirmĂ© son fondateur, l’ancien prĂ©sident
français ValĂ©ry Giscard d’Estaing, il y a deux ans.

En rejetant ainsi la Turquie hors de l’Europe, l’ancien prĂ©sident
français a dit tout haut ce que beaucoup d’hommes politiques français
pensaient tout bas.

“Il fallait bien que quelqu’un mette un jour les pieds dans le plat.
Beaucoup de responsables, Français ou autres, disent en privé que la
Turquie ne rentrera jamais dans l’Union europĂ©enne”, relevait ainsi
le sénateur français Hubert Haenel, membre de la Convention sur
l’avenir de l’Europe que prĂ©sidait M. Giscard d’Estaing.

Le pavĂ© dans la mare jetĂ© par l’ancien prĂ©sident français a libĂ©rĂ© le
dĂ©bat en France, note Ă  ce propos Deniz AkagĂŒl, spĂ©cialiste des
relations entre la Turquie et l’UE auprĂšs de l’Institut des relations
internationales et stratégiques (IRIS) à Paris.

Le débat est particuliÚrement vif en France en raison de la
popularitĂ© du concept d’Europe puissance dans les milieux politiques.
Or celle-ci, soutiennent les dĂ©tracteurs d’Ankara, ne sera jamais
rĂ©alitĂ© si la Turquie rejoint l’UE.

Pierre Lequiller, dĂ©putĂ© UMP et prĂ©sident de la dĂ©lĂ©gation pour l’UE
de l’assemblĂ©e nationale française, est de cet avis, et son rĂ©cent
sĂ©jour en Turquie Ă  la tĂȘte d’une mission d’information parlementaire
ne l’a pas fait changer d’avis.

“La Turquie n’a pas vocation Ă  entrer dans l’UE”, a-t-il affirmĂ© Ă 
l’AFP ce week-end Ă  son retour d’Ankara.

Ces questions posĂ©es sur les consĂ©quences d’une adhĂ©sion Ă©ventuelle
de la Turquie Ă  l’UE sur le contenu du projet europĂ©en ne se posent
guĂšre dans les autres pays europĂ©ens, a expliquĂ© M. AkagĂŒl Ă  l’AFP.
Elles cachent aussi certains “soucis Ă©lectoralistes”, a-t-il ajoutĂ©.

“Le dĂ©bat est surtout motivĂ© par l’opinion publique, car les sondages
montrent que celle-ci en France est majoritairement contre une
adhĂ©sion de la Turquie”, a expliquĂ© ce chercheur.

La Turquie est ainsi devenu l’un des principauux sujets pendant la
campagne des élections européennes de juin et certains redoutent
qu’elle ne vienne perturber la campagne pour le rĂ©fĂ©rendum de
ratification de la Constitution de l’UE.

“Les Français ont peur. Il faut qu’on leur promette que ce sont eux,
et non l’ElysĂ©e, qui dĂ©cideront de l’entrĂ©e de tout nouveau pays”,
estime ainsi le député européen Alain Lamassoure (UMP), hostile à
l’adhĂ©sion d’Ankara.

A gauche, le Parti socialiste est officiellement en faveur de cette
adhésion, mais il est en réalité divisée. Il a ajouté récemment une
condition supplémentaire à cette adhésion en réclamant des autorités
turques qu’elles reconnaissent le gĂ©nocide armĂ©nien, sous la
pression, selon la presse française, de la communauté arménienne
particuliÚrement bien implantée dans plusieurs circonscriptions en
région parisienne et à Marseille (sud).

From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress