Simon Abkarian, Le mauvais garcon

Le Monde, France
13 mars 2011 dimanche

SIMON ABKARIAN, ” LE ” MAUVAIS GARÇON

par V. Ca

RUBRIQUE: LE MONDE TÉLÉVISION; Pg. 7

Le visage est dense, compact. D’une masculinitĂ© sans machisme. Sur le
tournage des ” Beaux Mecs “, en juin dernier, Simon Abkarian,
silhouette solide, regard sombre, semblait peiner Ă  sortir de sa
concentration de jeu. Cet acteur-lĂ  n’est pas homme Ă  faire de
concessions aux mondanitĂ©s. Une attitude qui le rend difficile d’accès
mais très attachant. Il ne pouvait que convenir à ce rôle de Tony. Il
y inscrit une gueule, dans la lignée de celles qui ont marqué le
cinéma français dans les années 1960. Le voir jouer nous ramène au
cinĂ©ma d’Audiard, Ă  Lino Ventura. Simon Abkarian est de cette trempe.
Imposant sans avoir Ă  parler. L’air ahuri, consternĂ©, attendri, dur,
par un simple regard. Il est de ceux qui ont l’intelligence du texte,
la sensibilité du rôle. Et une présence qui fait le reste. Pas de
hasard Ă  ce que ce soit le thĂ©tre qui l’ait pris, avant le cinĂ©ma.

Né à Gonesse, en France, le 5 mars 1962, et après une enfance passée
au Liban, c’est en effet sur les planches qu’il apprend le mĂ©tier. A
Los Angeles, d’abord, oĂą il intègre une compagnie thĂ©trale armĂ©nienne
dirigée par Gérald Papazian. Puis à Paris où il suit des cours à
l’Ă©cole d’acteurs Acting International. En 1985, il entre au ThĂ©tre
du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Il y restera huit ans, y jouera entre
autres, dans L’Histoire terrible mais inachevĂ©e de Norodom Sihanouk,
roi du Cambodge d’HĂ©lène Cixous, et dans les quatre pièces du cycle
des Atrides. Le thĂ©tre le rĂ©compense enfin d’un Molière du meilleur
acteur, en 2001, pour son rĂ´le d’Aram, rescapĂ© du gĂ©nocide armĂ©nien,
dans Une bête sur la lune de Richard Kalinoski, dans une mise en scène
d’Irina Brook.

Ses premiers rôles au cinéma lui sont offerts par Cédric Klapish : Ce
qui me meut (1989), Poisson rouge (1994) et Chacun cherche son chat
(1996). Avec d’autres rĂ©alisateurs, il endossera des rĂ´les de mauvais
garçon (J’irai au paradis car l’enfer est ici de Xavier Durringer), de
repris de justice (Dans tes rĂŞves, de Denis Thybaud), de caĂŻd (Les
Mauvais joueurs, de Frédéric Balekdjian), qui lui vont bien. Les
grands rĂ´les graves aussi. Comme dans Un monde presque paisible, de
Michel Deville. Une comédie dramatique ayant pour cadre un atelier de
confection tenu par des rescapĂ©s de l’Holocauste dans l’après-guerre.

La tĂ©lĂ©vision ne pouvait le laisser de cĂ´tĂ©. De L’Affaire Ben Barka de
Jean-Pierre Sinapi Ă  ” House of Saddam ” d’Alex Holmes, Stephen
Butchard et Sally El Hasaini, en passant par ” Pigalle la nuit ” de
Marc Herpoux et Hervé Hadmar, Simon Abkarian a su laisser sur le petit
Ă©cran la trace d’un comĂ©dien dont on dit qu’il est, pour chaque
personnage qu’il incarne, une Ă©vidence. .

From: A. Papazian