Arménie – «Recette d’Arménie», une histoire de tradition cachée dans une vieille malle

RFI , France
Vendredi 27 Octobre 2017
 
 
Arménie – «Recette d'Arménie», une histoire de tradition cachée dans une vieille malle
 
par Elena Gabrielian
 
 
Corinne et Richard Zarzavatdjian, auteurs du livre «Recettes d'Arménie».
 
Recette d’Arménie, paru ce mois d'octobre aux éditions Solar, représente à la fois un héritage familial très intime mais aussi une histoire millénaire très riche.
 
Ce jour-là, Corinne Zarzavatdjian s’en souviendra toute sa vie. Il y a tout juste un an, dans son appartement parisien, elle retrouve une vieille malle dans un placard. La comédienne quinquagénaire est alors surprise de retomber sur ses cahiers d’école, des jouets ou encore des vêtements de son enfance. Parmi ces affaires soigneusement rangées et ravivant tant de tendres souvenirs, un classeur orange attire son regard. Corinne reconnaît l’écriture de sa mère, Jacqueline. Soupe, plats chauds, confitures… voici l’intitulé des chapitres, chacun marqué d’une couleur différente. La mère dotée d’une sagesse bien orientale note en outre quelques aphorismes savoureux, à l’instar de «tout ce qui se dit à table se plie dans la nappe».
 
En feuilletant ces pages, Corinne se plonge avec nostalgie dans ce véritable manuel de recettes traditionnelles arméniennes, soigneusement assemblées par sa mère. Frère et sœur «déplient» légèrement cette nappe cachée afin de faire découvrir un héritage riche.
 
«On ne pouvait pas laisser ce classeur au fond de la malle. Cette tradition culinaire et ces gestes millénaires doivent pouvoir être transmis et partagés, car l’ADN même de la cuisine arménienne est cette ouverture aux autres. Ce n’est pas une cuisine pour manger, c’est une cuisine pour manger ensemble», explique Corinne.
 
Cuisiner arménien, le trait d’union entre les générations
 
Ainsi les frère et sœur en font un livre intitulé Recette d’Arménie, qui recense pas moins de 90 recettes. Pour les Zarzavatdjian, sauvegarder la tradition était une question de survie. Car les grands-parents de Corinne et Richard ont fui le génocide arménien commis par l’Empire ottoman en 1915.
 
Le grand-père Garabed, à son arrivée en France, commence par un travail de mineur à Gardanne et devient chef d’entreprise dans le sentier parisien. «Ils ont été Français sans oublier leur identité arménienne. Parler la langue, respecter les traditions, cuisiner arménien, dans notre famille tout ceci était le trait d’union entre les générations», se souvient Richard.
 
Cette transmission culturelle passait par les femmes de la famille. Pour les repas festifs, elles se mettent à plusieurs pour faire ensemble des feuilles de vigne farcies à la viande ou au riz ou bien pour éplucher des légumes grillés.
 
Dolma, Baba ganoush, Kechkeg, Gatnapour…familiers aux auteurs du livre qui ont grandi avec, le nom de ces plats paraitrait barbare à un public français. Voilà pourquoi Corinne et Richard ont décidé de leur trouver des dénominations en français. De jolies illustrations en outre représentent ces légumes farcis, ce caviar d’aubergine, la purée de blé à viande, ou encore le riz au lait.
 
Revisiter la cuisine arménienne
 
Corinne a reproduit plusieurs fois les recettes de sa mère en se remémorant des paroles de son grand-père Garaped : «Fais de ton assiette le meilleur médicament». Ainsi, certaines recettes ont évolué sans perdre leur caractère authentique. «On a volontairement allégé et dégraissé certains plats. C’était une évidence pour nous. On a un mode de vie qui est très différent de celui de nos ancêtres. Physiquement, ils se dépensaient énormément, surtout ceux qui vivaient dans les montagnes. Ils avaient besoin d’une nourriture riche», explique Corinne, tout en soulignant que la cuisine arménienne respecte la nature en privilégiant des produits de saison.
 
Revisiter la cuisine traditionnelle arménienne est un défi osé, comme le savent ceux qui en sont familiers depuis leur enfance, à l’instar du musicien français d’origine arménienne Andre Manoukian. Il a pris sa plume pour écrire la préface de cet ouvrage. «Sensualité exacerbée, trop de tout, trop d’huile, de sucre, d’amour…cette cuisine orientale a su au XXIe siècle s’adapter à la mode «light». Une nouvelle cuisine arménienne existe bel et bien. Ce livre en est la traduction saisissante», note l’artiste.
 
On y trouve non seulement des secrets culinaires, mais aussi des histoires familiales et des photos d’archive illustrant ces repas de fête. Mais le plus difficile était de réussir à obtenir les grammages, car «maman Jacqueline» cuisinait toujours à l’œil. «On se remémorait des saveurs, on expérimentait et cuisinait pour nos amis afin de trouver les proportions exactes», se souvient Corinne.
 
Entre eux, le frère et la sœur ont donné un autre nom à leur ouvrage. Un nom plus intime : Les recettes de notre enfance. Car à la marge de ces recettes, Jacqueline rajoutait : «Gatnabour, riz au lait : le plat préféré de Raffi» (le frère ainé). Cette femme attachée aux traditions a soutenu le projet de livre de ses enfants dès le début. Elle les a même aidés, mais sans voir le livre être publié. Jacqueline Zarzavatdjian s'est éteinte deux semaines avant la sortie de l’ouvrage. Cette tradition culinaire qu’elle a réussi à faire aimer à ses enfants, elle, se perpétue.
 
 

Emil Lazarian

“I should like to see any power of the world destroy this race, this small tribe of unimportant people, whose wars have all been fought and lost, whose structures have crumbled, literature is unread, music is unheard, and prayers are no more answered. Go ahead, destroy Armenia . See if you can do it. Send them into the desert without bread or water. Burn their homes and churches. Then see if they will not laugh, sing and pray again. For when two of them meet anywhere in the world, see if they will not create a New Armenia.” - WS